jeudi 30 décembre 2010

Mécanismes du cycle veille-sommeil-rêve

Jean Louis Valatx
La Revue du Praticien (Paris) 1996; 46: 2404-10
Le sommeil calme à ondes lentes et le sommeil paradoxal sont, chacun, le produit du fonctionnement de deux réseaux de neurones: un réseau exécutif, assimilable à un pacemaker, responsable des signes du sommeil, et un réseau permissif contrôlant le déclenchement du sommeil. L'éveil résulte de l'activité d'une dizaine de structures redondantes. Les systèmes permissifs font partie du réseau de l'éveil. L'endormissement est la conséquence du blocage de l'éveil par un système anti-éveil synthétisant des substances hypnagogues. Ce mode de régulation permet d'appréhender les insomnies comme des troubles de l'éveil relevant d'une approche thérapeutique renouvelée.
Depuis la fin des années 1950, nous savons que le sommeil humain se déroule par cycles composés de deux états, le sommeil calme à ondes lentes (ou sommeil lent) et le sommeil paradoxal au cours duquel survient le rêve (voir article d'Alain Besset, page 2412). Cette organisation est partagée par tous les mammifères et les oiseaux, ce qui permet son étude chez l' animal.
L'état actuel des connaissances permet d'élaborer un schéma de fonctionnement assez simple malgré l'absence de fonction unanimement reconnue aux deux états de sommeil. L'évolution des théories rend compte de cette difficulté.

Du sommeil passif au sommeil actif

Pendant longtemps on a pensé que le sommeil était un phénomène passif dû à la mise au repos des centres de l'éveil (1). Cependant, les observations anatomo-cliniques de Von Economo, les expériences de stimulation déclenchant des ondes lentes et les lésions provoquant une insomnie apportent des arguments en faveur d'un phénomène actif résultant de la mise en jeu de structures nerveuses ou centres . La multiplicité des centres a conduit à la notion de système ou de réseau pour définir un circuit complexe prenant en charge une fonction.
Quant aux neuromédiateurs, dès leur localisation en 1964, par histofluorescence, leur rôle dans le sommeil a été recherché.Ainsi, est née la théorie aminergique du sommeil, faisant de la sérotonine l'hormone du sommeil.
Puis, le rôle des peptides a été suggéré à la suite de la suppression du sommeil paradoxal par le chloramphénicol, antibiotique inhibiteur de la synthèse protéique. L'étude systématique des peptides découverts dans le cerveau a permis d'établir une longue liste de substances hypnogènes. La privation de sommeil, supposée entraîner leur accumulation, a servi de modèle pour isoler d'autres substances à partir d'extraits cérébraux d'animaux privés de sommeil.
Ces deux théories (monoamines et peptides) complémentaires ne donnent qu'un aperçu partiel des mécanismes du sommeil. Nous aborderons la régulation des états de vigilance dans l'ordre de leur apparition au cours du développement ontogénétique.

Sommeil paradoxal

En effet, le sommeil paradoxal est le premier état de sommeil à apparaître au cours de l'ontogenèse. Un ensemble de paramètres le caractérisent. L'atonie musculaire, signe de sommeil profond, associée à l'activité corticale rapide, signe d'éveil, a fait donner à cet état, par Jouvet, le nom de phase paradoxale du sommeil. De nombreux mouvements oculaires et de discrets mouvements de la face et des extrémités des membres surviennent de façon discontinue. Ces activités phasiques sont les témoins d'une activité centrale, appelée pointes PGO car elles sont enregistrées dans les régions ponto-géniculo-occipitales.
Très schématiquement, le sommeil paradoxal peut être envisagé comme résultant de l'interaction de deux réseaux : le réseau exécutif, responsable des aspects phénoménologiques, et le réseau de contrôle dit permissif.
Réseau exécutif
La première description du sommeil paradoxal, réalisée chez un animal décérébré, a permis de situer d'emblée les structures responsables dans le tronc cérébral en arrière de la section 2. Pour chacun des paramètres du som meil paradoxal (SP), ont été identifiés des neurones, dits "SP-on", car leur décharge unitaire est spécifique de ce sommeil.
L'atonie musculaire est la conséquence de l'hyperpolarisation des motoneurones spinaux par la glycine, neurotransmetteur inhibiteur libéré sous l'influence du tronc cérébral. La lésion des neurones situés dans le pont et le bulbe supprime la paralysie musculaire. Les conséquences fonctionnelles de cette lésion sont détaillées dans l'encadré 2.
Les pointes PGO prennent leur origine au niveau du tegmentum pontique. Ces neurones "PGO-on" sont cholinergiques et agissent sur des récepteurs nicotiniques thalamiques. Ils reçoivent des afférences excitatrices non encore identifiées et des afférences inhibitrices aminergiques.
Les mouvements des yeux et de la face sont souvent synchrones des pointes PGO. Cependant, aucune connexion anatomique n'a été mise en évidence entre les neurones "PGO-on" et les noyaux des nerfs crâniens. Ces structures reçoivent des afférences du noyau réticulé pontique caudal qui serait ainsi le générateur des activités phasiques du sommeil paradoxal. Une autre caractéristique du sommeil paradoxal de l'homme, l'érection pénienne, a été mise en évidence tout récemment chez le rat. Contrairement aux autres activités phasiques, le déclenchement de cette érection semble venir de l'hypothalamus antérieur.
L'activation corticale du sommeil paradoxal dépend principalement de deux structures  contenant des neurones soit cholinergiques, actifs pendant l'éveil et le sommeil paradoxal soit non cholinergiques, uniquement actifs pendant le sommeil paradoxal. Ces neurones se projettent de manière diffuse sur le thalamus et l'hypothalamus postérieur, relais vers le cortex.
Controle permissif
Ce réseau est constitué par les neurones dits "SP-on", aminergiques (noradrénaline, sérotonine et histamine). En s'arrêtant de fonctionner, ils lèvent I'inhibition exercée sur les neurones du système exécutif.
Le réseau exécutif comme pacemaker
Le réseau exécutif peut être assimilé à un pacemaker, c'est-à-dire fonctionnant en permanence s'il est isolé. Plusieurs arguments sont en faveur de cette interprétation.
Au cours de l'ontogenèse, la myélinisation débute dans le tronc cérébral. Le réseau du sommeil paradoxal est le seul à fonctionner et ce sommeil occupe ainsi la quasi-totalité du temps dans la seconde moitié de la gestation chez le cobaye , Progressivement, les systèmes permissifs deviennent matures et contrôlent son déclenchement.
Chez l'adulte, un état équivalent à celui du foetus peut être obtenu pendant quelques heures à la suite de l'injection de muscimol, agoniste GABAergique, dans l'hypothalamus postérieur ou dans la substance grise périaqueducale . Ainsi, les mécanismes du déclenchement du sommeil paradoxal semblent simples. La levée des différentes inhibitions s'exerçant sur les réseaux exécutifs permet à ces derniers de s'exprimer. Les systèmes permissifs contrôlent de façon très stricte le déclenchement du sommeil paradoxal et empêchent sa survenue en dehors du sommeil.

Sommeil à ondes lentes

Alors que le sommeil paradoxal est caractérisé par plusieurs paramètres facilement quantifiables, le sommeil calme à ondes lentes est défini négativement, par de nombreux auteurs, comme non REM sleep, le sommeil qui n'est pas le sommeil paradoxal. Un seul critère le définit, la présence de fuseaux et d'ondes lentes cérébrales.
Système exécutif
Les fuseaux de sommeil: cette activité électrique prend naissance dans le noyau réticulaire thalamique GABA ergique. Ces neurones entraînent des hyperpolarisations cycliques suivies de bouffées de potentiels à la fréquence des fuseaux (7-14 Hz) dans les neurones thalamocorticaux. Ces hyperpolarisations sont à l'origine du blocage des messages sensoriels au début de l'endormissement .
Les ondes lentes de grande amplitude sont le résultat de la sommation des hyperpolarisations des cellules pyra midales de la couche V du néocortex, induites par des interneurones ou des projections GABA venant du noyau basal de Meynert. Ces hyperpolarisations de longue durée sont dues à un courant potassique sortant calcium dépendant.
Cette synchronisation de l'activité électrique cérébrale est le résultat de mécanismes de type pacemaker. En effet, le noyau réticulaire thalamique, isolé de toute afférence, continue à osciller rythmiquement . Son fonctionnement spontané dépend donc de la levée des influences inhibitrices.
Système permissif
L' acétylcholine, I'histamine et la noradrénaline exercent les principales inhibitions . L'application locale d'atropine (antagoniste cholinergique) ou le blocage de la synthèse de ces amines déclenchent l'apparition des fuseaux et des ondes lentes corticales.

Eveil

Un réseau assez complexe d'une dizaine de structures situées en cascade du tronc cérébral inférieur au télencéphale basal et au cortex prend en charge l'éveil. Ce réseau exécutif est contrôlé par un système activé par un élément de l'éveil.
Réseau exécutif
Très schématiquement, les composantes du réseau peuvent être groupées en deux systèmes, une voie ventrale et une voie dorsale . Au niveau bulbaire, une partie du noyau magnocellulaire est à l'origine des deux voies. En se projetant sur l'hypothalamus postérieur et le noyau de Meynert, il forme la voie réticulo-hypothalamo corticale. Il projette également sur les noyaux mésopontins cholinergiques et la formation réticulée mésencéphalique (asparte/glutamate) qui, à leur tour, stimulent le système diffus thalamique et forment la voie réticulo-thalamo-corticale.
L'hypothalamus postérieur contient le seul groupe de neurones synthétisant I'histamine. Ils sont actifs pendant l'éveil et s'arrêtent pendant le sommeil. La pharmacologie de l'histamine soutient son rôle important dans l'activation cortical et permet d'expliquer la somnolence induite par les antihistaminiques. D'autres neurones non histaminergiques sont actifs pendant l'éveil et le sommeil paradoxal. La lésion électrolytique de l'hypothalamus postérieur entraîne un coma prolongé avec une synchronisation corticale, alors que cet effet n'est que transitoire après une lésion uniquement neuronale par l'acide iboténique .
A côté de l'histamine, les autres systèmes aminergiques font partie intégrante de l'éveil.
Le locus coeruleus contient des neurones noradrénergiques, actifs au cours de l'éveil, envoyant des projections directes vers le cortex. L'inhibition de la synthèse de la noradrénaline entraîne une synchronisation corticale transitoire.
Le raphé antérieur contient des neurones à sérotonine, actifs pendant l'éveil, se projetant directement vers l'hypothalamus et le cortex. Contrairement aux autres groupes aminergiques, leur lésion non seulement n'entraîne pas de somnolence même passagère mais provoque une insomnie prolongée de plusieurs jours. Cette contradiction est expliquée plus loin. L'ensemble de ces structures du tronc cérébral reçoit des collatérales des afférences sensorielles et végétatives qui participent au maintien de leur activité.
On peut inclure dans le système de l'éveil le noyau suprachiasmatique (NSC), structure principale de l'horloge biologique. En effet, la répartition des états de vigilance entre le jour et la nuit est influencée principalement par les longues phases d'éveil. La lésion du noyau suprachiasmatique abolit le rythme circadien des états de vigilance par la diminution des longues phases d'éveil et par leur répartition aléatoire dans le nycthémère. Le noyau suprachiasmatique influence cette répartition par un de ses neuropeptides, la vasopressine dont les effets uniquement cérébraux sont à différencier de ceux de la vasopressine hypophysaire, impliquée dans le métabolisme de l'eau.
En résumé, la régulation de l'éveil est un phénomène complexe mettant en jeu des structures multiples et redondantes. Aucune des structures décrites, prise isolément, n'est indispensable à l'activation corticale. De plus, la lésion neuronale combinée des deux structures principales (formation réticulée et hypothalamus postérieur) ne modifie l'éveil que transitoirement. En somme, I'ensemble des conditions suffisantes qui mènent à l'éveil est la condition nécessaire et suffisante de I'inductian et du maintien de l'éveil .
Contrôle du système de l'éveil
Le réseau d'éveil, une fois activé, est entretenu par les stimulations internes et externes. Comment l'envie de dormir est-elle à nouveau déclenchée ? Après l'arrêt des stimulations, I'endormissement est la résultante d'un mécanisme généré par l'éveil lui même.
Un système anti-éveil responsable de l'endormissement
La remise en cause de la sérotonine comme l'hormone du sommeil a débouché sur la définition de ce réseau de l'endormissement .
Ainsi, une des composantes de l'éveil, la sérotonine, stimule, par une partie de ses terminaisons, I'aire préoptique qui, en retour, inhibe l'ensemble du réseau de l'éveil. L'éveil provoque sa propre inhibition. C'est donc bien un système anti-éveil qui facilite l'endormissement.
Le rôle de la sérotonine dans l'endormissement résoud la contradiction signalée plus haut. En effet, la lésion du raphé et la parachlorophénylalanine (pCPA) entraînent la diminution de la sérotonine dans toutes les terminaisons corticales et hypothalamiques. L'absence d'ondes lentes est ainsi la conséquence de la non-mise en route du système anti-éveil.
Au niveau bulbaire, le noyau du faisceau solitaire joue également un rôle dans l'endormissement. La stimulation des nerfs vago-aortiques et du sinus carotidien provoque l'endormissement d'un animal insomniaque . Les médecins de l'Antiquité avaient déjà fait cette observation. En effet, le mot carotide vient du grec signifiant "qui provoque un sommeil profond". Le système anti-éveil est un processus de régulation prédictif. Il est situé à un carrefour stratégique (aire préoptique) contrôlant des fonctions vitales: thermorégulation, faim, reproduction, etc. Le système anti-éveil intégrerait l'état fonctionnel de l'organisme et déclencherait le sommeil avant son épuisement, à un moment précis du nycthémère indiqué par l'horloge biologique.
Le rebond de sommeil, expression renforcée du système anti-éveil
Après une privation, I'augmentation du sommeil (rebond) est attribuée à l'accumulation de substances hypnogènes produites pendant l'éveil prolongé. Cependant, il est possible de supprimer le rebond sans modifier le sommeil spontané . De ce résultat (dissociation rebond-éveil prolongé), découle la notion que le rebond est produit par un mécanisme indépendant de celui du sommeil. Cette boucle de régulation renforce l'effet anti-éveil. Une partie (50 %) de ce rebond est due au stress inhérent aux méthodes de privation . C'est ce mécanisme surajouté qui pourrait provoquer l'accumulation de substances hypnogènes. Cette interprétation explique le peu d'effet de leur suppression sur le sommeil. Ces substances ne sont pas hypnogènes au sens strict du terme mais plutôt facilitatrices du sommeil en agissant sur un ou plusieurs systèmes permissifs. Elles pourraient être appelées hypnagogues, c'est-à-dire conduisant au sommeil.

Esquisse d'un modèle de régulation du cycle veille-sommeil

On peut résumer la régulation du cycle veille-sommeil-rêve par un schéma très simplifié. Il comprend cinq éléments, les deux pacemakers du sommeil, le système d'éveil inhibiteur du sommeil avec son frein pour l'endormissement et l'horloge biologique pour le rythme circadien . L'alternance sommeil lent-sommeil paradoxal (rythme ultradien) semble avoir un support métabolique. Au cours du sommeil paradoxal, le cerveau consomme autant de glucose et d'oxygène que pendant l'éveil. La durée du rêve est ainsi dépendante des réserves énergétiques disponibles. On sait que l'hypoxie de haute altitude réduit le temps de sommeil paradoxal. A l'opposé, pendant le sommeil lent, se produit une économie d'énergie (diminution du métabolisme général et de la température corporelle) associée à la reconstitution des réserves énergétiques grâce à la synthèse cérébrale de glycogène et de protéines sous l'influence de l'hormone de croissance. L'éveil est la conséquence de deux mécanismes parallèles, I'inhibition du sommeil et l'activation neuronale généralisée. L'activation du réseau de l'éveil est entretenue par l'éveil lui-même. L'observation empirique montre que, lorsque les motivations positives sont suffisamment fortes, il est possible de rester éveillé plus que d'habitude, sans fatigue excessive. L'inhibition du sommeil semble être exercée par un circuit propre à chaque état de sommeil. L'existence d'un contrôle séparé du sommeil lent et du sommeil paradoxal suggère quelques spéculations en relation avec les fonctions prêtées à chaque état de sommeil. Ainsi, un exercice physique intense et une charge thermique élevée pendant l'éveil sont plutôt suivis par une augmentation du sommeil lent. Pour le sommeil paradoxal, sa durée est augmentée à la suite de situations nouvelles, inhabituelles, mettant en jeu la survie, comme les séances d'apprentissage dans un labyrinthe ou le stress d'immobilisation . En rejouant son répertoire génétique pendant le sommeil paradoxal, I'animal y confronte sa nouvelle expérience et peut l'intégrer dans son répertoire. Lorsque l'apprentissage est maîtrisé ou lorsque l' animal est habitué au stress répété, le sommeil revient aux valeurs de contrôle . La privation de sommeil perturbe l'acquisition de la maîtrise de ces situations de survie. Chez l'homme, la suppression prolongée du sommeil paradoxal par les IMAO ne semble pas perturber la mémorisation. Cependant, les batteries de tests ne mettent pas le sujet dans des conditions de survie analogues à celles de l'animal.

Implications cliniques de ce modèle du sommeil

Les troubles du sommeil par atteinte des deux pacemakers semblent assez rares. Pour les insomnies d'endormissement, objectivement constatées et non secondaires à une affection somatique ou psychiatrique, notre modèle confirme ce que la plupart des cliniciens ont observé : I'insomnie n'est pas un trouble du sommeil mais un trouble de l'éveil. Deux mécanismes peuvent être invoqués : la persistance de l'activité du réseau de l'éveil et l'hypoactivité du système anti-éveil.
Stimulation de l'éveil
Le milieu extérieur (lumière, bruit, température...), le milieu intérieur (faim, soif, douleur...) et les stimulations affectives (émotions, anxiété) ou cognitives sont de puissants facteurs éveillants. Pour la sécurité de l'individu, I'éveil est prioritaire.
Hypoactivité du système anti-éveil
Si les facteurs précédents ne sont pas impliqués, une perturbation du réseau anti-éveil est à rechercher, comme une diminution de l'activité (synthèse ou libération) des neurones à sérotonine qui induisent la synthèse des substances hypnagogues. Cela pourrait expliquer l'effet hypnogène de certains antidépresseurs. Ces anomalies pourraient également être la conséquence de la dégénérescence neuronale due au vieillissement ou post-traumatique. L'insomnie par "perception erronée du sommeil" s'observe chez les personnes âgées et dans les suites post opératoires d'interventions ayant nécessité une anesthésie prolongée. Les personnes ont l'impression de ne pas avoir dormi alors que les enregistrements montrent le contraire. Cette plainte de sommeil est attribuable, en fait, à un trouble de la mémoire, c'est l'hypnagnosie de Jouvet.
Le retard de phase de l'horloge biologique est souvent interprété comme une insomnie (voir article d'O. Benoit, page 2443). A partir de ces interprétations, l'approche thérapeutique proposée pourra être de type comportemental, éventuellement associée à la pharmacologie pour stimuler le système anti-éveil. Quant à l'hypnagnosie, la rééducation mnésique peut aider la personne à se souvenir de son sommeil. Les hypersomnies idiopathiques ou post-traumatiques peuvent être rapportées soit à une hypoactivité du réseau de l'éveil, soit à un hyperfonctionnement du système anti-éveil. Pour ces affections, seule une approche pharmacologique est actuellement envisageable. La stimulation des composantes du réseau de l'éveil est possible par de nombreuses molécules. Pour réduire l'activité du système anti-éveil, les molécules sont encore à définir.

Conclusion

L'approche physiologique des mécanismes du sommeil a permis d'identifier la plupart des structures cérébrales impliquées dans chacun des trois états de vigilance. Les connaissances acquises sur l'anatomie, la biochimie et la pharmacologie de ces trois réseaux neuronaux permettent de proposer un schéma général de régulation qui peut être très utile dans la compréhension et l'abord thérapeutique des troubles de l'éveil et du sommeil. Actuellement, I'accent est mis sur l'importance de l'éveil dans la régulation du sommeil. La diffusion la plus large de cette manière d'envisager le sommeil devrait entraîner une réduction significative de la prescription de nombreux psychotropes utilisés comme somnifères.

Sérotonine et sommeil

La sérotonine est synthétisée en deux étapes dans les neurones du raphé à partir du tryptophane circulant:
tryptophane (Tp) -Tp-hydroxylase-> 5-hydroxytryptophane (5-HTP) -5-HTP-décarboxylase-> sérotonine (5-HT) -mono-amine-oxydase (MAO)-> Ac.5-hydroxy-indol-acétique (5-HIAA)
La lésion de ces neurones entraîne une insomnie prolongée et une baisse de la sérotonine cérébrale. De plus, le blocage de la tryptophane hydroxylase par la parachlorophénylalanine (pCPA) provoque également une insomnie qui est renversée par l'administration du précurseur immédiat (S-HTP) de la sérotonine. A partir de ces observations, la sérotonine a été considérée comme l'hormone du sommeil.
Cependant, plusieurs arguments sont venus s'opposer à cette théorie. L'activité unitaire des neurones du raphé est maximale pendant l'éveil, diminue au début du sommeil et s'arrête pendant le sommeil paradoxal. Ce silence électrique est associé à l'arrêt de la libération synaptique de la sérotonine. Ces résultats suggèrent que le rôle de la sérotonine est indirect. Au cours de l'éveil, la sérotonine agirait sur une structure relais qui synthétiserait, avec un certain délai, une ou des substance(s) induisant le sommeil. Cette structure a été mise en évidence par le modèle pCPA-5-HTP. L'insomnie induite par la pCPA est renversée par le 5-HTP uniquement si l'injection est effectuée au niveau de l'hypothalamus antérieur. La lésion de cette région provoque une insomnie de très longue durée (3 semaines) qui est, à son tour, renversée par l'injection de muscimol dans l'hypothalamus postérieur, lieu de convergence de plusieurs éléments du système d'éveil . Ce résultat suggère que l'hypothalamus antérieur n'est pas un centre du sommeil, mais plutôt une région exerçant une inhibition de l'éveil.
L'introduction de la mesure in vivo de la libération de la 5-HT par la voltamétrie a relancé l'intérêt pour l'action hypnogène immédiate de la sérotonine. Si la libération synaptique de 5-HT diminue pendant le sommeil, par contre, au niveau des corps cellulaires du raphé, la 5-HT, minimale au cours de l'éveil, augmente au début du sommeil et atteint son maximum pendant le sommeil paradoxal. Cette sérotonine, libérée par les dendrites, agirait sur des autorécepteurs qui provoqueraient l'inhibition des neurones du raphé. Ainsi, s'expliquerait l'endormissement

Le rêve des chats

Au cours du sommeil paradoxal, I'activité électrique transitant dans le faisceau pyramidal est aussi intense que pendant l'éveil actif. L'inhibition active des motoneurones spinaux empêche l'expression de cette commande motrice. Que se passe-t-il si les neurones responsables de l'atonie musculaire sont lésés ? L'éveil et le sommeil lent ne sont pas modifiés. Le sommeil paradoxal survient avec toutes ses caractéristiques, excepté I'atonie musculaire. L'animal, n'étant plus paralysé, redresse la tête, se lève et accomplit un certain nombre de comportements caractéristiques de I'espèce. Le chat se met à l'affût devant une proie imaginaire, fait le gros dos, le poil hérissé, souffle comme s'il était devant un ennemi effrayant, fait sa toilette, joue avec une balle ou une souris invisibles. La durée (5 à 6 min) des périodes oniriques (par analogie au rêve humain) est identique à celles des phases de sommeil paradoxal observées avant la lésion.
L'expression de ces comportements résulte de l'activation de circuits neuronaux bien identifiés du système limbique. Leur stimulation pendant I'éveil déclenche à volonté leur manifestation. Basée sur ces observations, la fonction du sommeil paradoxal, au cours de l'ontogenèse, serait de mettre en place ces circuits. Chez I'adulte, elle servirait à les maintenir afin de préserver la personnalité ou de les modifier en fonction de l'expérience vécue, en vue d'une meilleure adaptation à l'environnement.
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Sur un cas d'agrypnie (4 mois sans sommeil) au cours d'une maladie de Morvan. Effet favorable du 5-hydroxytryptophane

 C. Fischer-Perroudon, J. Mouret et M. Jouvet
Electroencephalography and Clinical Neurophysiology, 1974, 36: 1-18

Laboratoire d'Exploration Fonctionnelle du Système Nerveux, HôpItal. Neurologique et Département de Médecine Expérimentale, Université Claude Bernard, 69394 Lyon (France)
(1) Ce travail a été effectué grâce à l'aide de l'I.N.S.E.R.M. (U 52), du C.N.R.S. (LA 162) et de la D.R.M.E. (Contrat 72108).
Les insomniaques sont légion. Cependant, lorsqu'on les soumet à l'épreuve de l'enregistrement polygraphique, ils deviennent alors de mauvais dormeurs (300 min de sommeil environ)  . Cette performance est également le cas des petits dormeurs étudiés par Jones et Oswald. Il n'existe que peu de cas d'insomnie totale de courte durée, vérifiée par l'électroencéphalographie dans des affections centrales toxique ou traumatiques. D'un autre côté la privation totale volontaire de sommeil vérifiée sous contrôle polygraphique a ses limites et ses records - 264 h  . Pourtant dans la littérature neurologique on trouve relatées des observations d'encéphalite avec insomnie de longue durée  et l'insomnie totale constitue le symptôme majeur d'affections rares comme la chorée fibrillaire de Morvan   ou l'acrodynie. Est-il possible que certains malades puissent rester sans dormir pendant des semaines, voire des mois? La réponse à cette question est affirmative. Nous résumons, en effet, ci-dessous l'observation d'un malade de 27 ans, atteint de chorée fibrillaire de Morvan, dont nous pouvons affirmer qu'il ne dormit pas pendant au moins 4 mois. Ce cas est d'autant plus exceptionnel que cette insomnie, qui n'entraîna ni troubles de l'attention, ni troubles de la mémoire, s'accompagna d'hallucinations nocturnes remarquables. Enfin, l'effet curateur malheureusement non définitif du traitement au 5-hydroxytryptophane (5-HTP) permet d'émettre quelques hypothèses sur les mécanismes de cette insomnie qui est la plus longue vérifiée de façon presque permanente par des contrôles polygraphiques.

I. Histoire de la maladie

Monsieur M... est âgé de 27 ans lorsqu'il est hospItal.isé à l'HôpItal. Neurologique au mois de janvier 1970. Les prodromes de sa maladie se manifestèrent au cours de l'été de 1969 par des douleurs intestinales avec diarrhée, une sensation de brûlure aux pieds et aux mains, une hypersudation nocturne, une insomnie sévère et de la fièvre (38°C). Au début de janvier 1970, la symptomatologie alors au complet associait: des fibrillations incessantes, intéressant tous les muscles et ne subissant aucune modification pendant les rares moments de sommeil ou lors d'une anesthésie générale; des algies des extrémités à type de brûlure et de picotements entraînant un prurit généralisé, un acroérythéme avec oedème, des crises sudorales nocturnes d'une durée de 2 à 3 h, une tachycardie permanente à 110-120 (la tension artérielle était à 13/7), une fièvre modérée à 37,5-38 °C. L'examen neurologique était entièrement négatif mise à part une paralysie de l'hémivoile gauche du palais qui a partiellement régressé. Enfin il existait une insomnie rebelle et des hallucinations nocturnes sur lesquelles nous reviendrons.
L'ensemble de ces symptômes fit porter le diagnostic de chorée fibrillaire de Morvan.
Monsieur M... demeura hospItal.isé de janvier à novembre 1970. Les premiers enregistrements polygraphiques, au début du mois de mars, confirmèrent la réalité de l'absence totale de sommeil. Devant l'échec des traitements classiques de l'insomnie: hypnotiques barbituriques (phenobarbItal. 15 cg), tranquillisants (diazepam 15 mg) et neuroleptiques (chlorpromazine 25 mg), on décida d'administrer un traitement faisant intervenir les précurseurs de la sérotonine en vérifiant l'élimination urinaire du 5-HIAA.
Un traitement avec le 5-HTP (DL-5-HTP des Laboratoires Fermé  fut administré à partir du 10 mars. L'administration de doses inférieures à 2 g/24 h (10 mars au 4 mai) entraîna une légère amélioration qui disparut après l'arrêt du traitement. Un essai de traitement par le tryptophane (TRY) augmenta ensuite considérablement les hallucinations sans entraîner d'amélioration de l'insomnie.
A partir du 4 juillet, le 5-HTP fut administré à des doses supérieures à 2 g/24 h. Cette thérapeutique fut suivie d'une importante amélioration clinique et polygraphique si bien qu'entre juillet et septembre, la guérison du malade pouvait être envisagée. Après une suspension de 2 semaines, le traitement fut repris le 28 octobre. Malgré des doses importantes (8 g/24 h environ), une aggravation apparut. L'insomnie se réinstalla et les hallucinations devinrent subintrantes. Cette dernière étape fut accompagnée d'une diminution relative de l'élimination du 5-HIAA urinaire par rapport à la période précédente de traitement au 5-HTP.
La mort survint le 21 novembre 1970. La vérification anatomique mit en évidence un suboedème pulmonaire. Seules furent retenues dans l'examen de l'encéphale et de la moelle épinière des microhémorragies dans les noyaux latéraux du tuber et les noyaux supraoptiques, des altérations neuronales assez accentuées dans l'olive bulbaire, enfin de très légères modifications morphologiques (densification ou chromatolyse) intéressant un grand nombre de noyaux du tronc cérébral et particulièrement le nucleus raphé dorsalis et le nucleus raphé centralis.
Une biopsie musculaire effectuée en février 1970 a fait l'objet d'un examen au microscope électronique. Des lésions circonscrites en petits foyers multiples, évoquant un processus de myolyse focale ont été retenues au niveau du matériel contractile de fibres musculaires apparemment saines.


II. Etude polygraphique du sommeil et vérification métabolique du traitement

Au cours des 108 enregistrements nocturnes d'une durée moyenne de 12 h et des 9 enregistrements de 24 h, le malade fut placé dans une chambre insonorisée dont la température était maintenue constante à 20-22°C.
Les enregistrements polygraphiques ont été faits soit par télémétrie (Televar), soit sur un appareil ALVAR polygraph XIV + III avec un montage bipolaire associant un montage longitudinal inférieur D et G et un montage en triangle (vertex-frontal D et G, vertex-occipItal. D et G). Des électrodes sus- et latéro- orbitaires permettent d'enregistrer les mouvements oculaires verticaux, horizontaux et obliques, tandis que l'activité musculaire est enregistrée par des électrodes situées au niveau de la houppe du menton et des muscles sus-hyoïdiens. Enfin une électrode au niveau de l'aire précordiale permet d'enregistrer l'électrocardiogramme.
Les enregistrements ont été analysés visuellement et transformés en hypnogrammes selon les critères habituels du Laboratoire.
Le dosage du 5-HIAA urinaire a été fait par la méthode de Udenfriend modifiée (extraction sur acétate d'éthyle et non sur éther) (Udenfriend et al. 1958); les urines étant recueillies dans l'obscurité sur 15 ml d'HCL pur et rapidement congelées.
L'ensemble de cette observation est exposé en détail dans la thèse de l'un de nous (Fischer-Perroudon 1973).

III. L'insomnie

Lorsque les premiers enregistrements furent pratiqués, notre patient déclarait être complètement insomniaque depuis 3 mois et les nombreux contrôles du personnel infirmier de nuit confirmaient ses allégations. Mises à part les hallucinations vespérales, cette insomnie était remarquablement tolérée. Au cours de la journée, en effet, le malade était calme et avait un comportement normal. Le soir, il n'avait pas sommeil mais souhaitait avoir envie de dormir. Il ne présenta pas de tremblement fin des extrémités ni de conjonctivite ou de nystagmus. Le contact avec lui était aisé. Attention, jugement et mémoire étaient également normaux. Les capacités intellectuelles étaient bonnes compte tenu du quotient intellectuel (Q.I. global: 89) et du niveau culturel.
Après 4 mois d'évolution et malgré l'absence quasi totale de sommeil, les tests psychotechniques montrèrent que le coefficient de détérioration intellectuelle était nul, la mémoire intacte. La copie de la figure complexe de Rey effectuée dans un temps moyen révèla que la construction et le raisonnement étaient excellents et la mémoire visuelle et spatiale très satisfaisante. L'épreuve du labyrinthe objectiva une bonne adaptabilité. Le malade fit même des progrès au jeu de cartes.
La personnalité de Monsieur M... nous a toujours paru normalement structurée et le test de Rohrschach nous aide à affirmer qu'il n'était pas psychotique. Notons enfin que le sujet nous apparut d'humeur dépressive et que cet état s'aggrava progressivement sans que le traitement ne l'influençât.
La réalité de cette insomnie si bien supportée fut contrôlée par des enregistrements polygraphiques:

A. Les données de base

Les données de base ont été établies à partir de 9 nuits. Les 5 premiers enregistrements successifs effectués en mars 1970   révèlent une insomnie quasi totale puisque le temps de sommeil total (TST) moyen n'est que de 26 min. Cette insomnie nocturne ne résultait pas d'une inversion du rythme nycthéméral puisque pendant les 9 enregistrements de jour effectués avec télémétrie, il ne fut enregistré que 35 min de sommeil en moyenne (stade I uniquement). Cette insomnie totale fut également retrouvée pendant 4 nuits consécutives lors de l'arrêt du traitement et son remplacement par des placebos  . Ainsi ces 9 enregistrements nocturnes effectués au cours du 3ème et du 5ème mois de la maladie authentifient l'intensité de l'insomnie. Malgré les nombreux artéfacts dus à l'agitation du malade, nous n'avons jamais observé d'anomalies focales ou irritatives sur l'EEG. Le rythme de base à 9 c/sec, fut conservé pendant toute l'évolution. Certaines anomalies discrètes doivent cependant être signalées:
Au cours de l'éveil. La persistance d'un rythme alpha occipItal. à 9-10 c/sec au cours de la lecture et une absence de réaction d'arrêt furent notées de manière inconstante à partir d'avril 1970  .
Il existait également de très fréquents blépharospasmes qui disparurent après l'instauration du traitement au 5-HTP.
Au cours du sommeil. L'identification du stade I ne fut pas toujours facile du fait des nombreux artéfacts musculaires qui pouvaient le faire assimiler à l'éveil. Mais dans les rares cas où l'on n'était pas sûr du comportement du sujet, constamment sous surveillance visuelle directe ou par l'intermédiaire d'un circuit vidéo, il fut décidé d'opter pour le stade I aux dépends de l'éveil.
L'aspect électrique des autres stades du sommeil, soit spontané soit induit par le 5-HTP  , fut normal. Le sommeil paradoxal (SP), lorsqu'il réapparut pendant le traitement, fut facilement reconnu.

B. Les effets du traitement

Les thérapeutiques habituelles s'étaient montrées inefficaces. Seule la convulsivothérapie pratiquée au mois de juin augmenta le TST de manière significative puisqu'il fut de 338 min en moyenne au cours des nuits qui suivirent les quatre électrochocs tandis que pour les 10 autres nuits de la même période, il ne fut que de 249 min en moyenne (t=2.0286, 0,10 < P < 0,05). Chacun des paramètres du sommeil, et en particulier les stades III, IV ou le SP influencé ne fut pas valablement influencé.
Devant une insomnie aussi résistante on décida d'instaurer une thérapeutique agissant sur les monoamines cérébrales (tryptophane et 5-HTP). Cette thérapeutique fut suivie par l'observation comportementale, les données polygraphiques et surtout par l'élimination urinaire du 5-HIAA. L'imprévisible évolution spontanée de la maladie et la difficulté de se procurer du 5-HTP nécessitèrent l'arrêt du traitement à 3 reprises. Les injections de 5-HTP furent alors remplacées par des placebos (soit en comprimés soit en injections).

1. Le L-tryptophane

Il a été donné per os le soir à 24 h en une seule prise, pendant 5 jours consécutifs, à des doses de 5, 10, 15, et 20 g. Cette drogue n'entraîna aucune modification de l'insomnie qui resta presque totale.
Malgré l'échec de toute action sur l'insomnie, l'essai de traitement au tryptophane entraîna cependant des effets centraux évidents: les hallucinations nocturnes augmentèrent considérablement, tandis que la température redevint normale pendant 4 jours pour remonter ensuite. Cette action centrale du tryptophane traduit ainsi son assimilation, ce que confirme l'élimination urinaire (14,48 mg de 5-HIAA/24 h. Elévation comparable à celle de sujets normaux - M = 10,6 mg/24 h; n = 3). Précisons que le taux base de 5-HIAA était de 2,5 mg/24 h.

2. Le DL-5-hydroxytryptophane

a. Emploi de faibles doses (inférieures à 2 g/24 h) (du 10 mars au 23 mai). Dans un premier temps (10 mars-4 mai) le 5-HTP fut administré per os, en 6 prises équivalentes, pendant 35 jours à la dose moyenne quotidienne de 1,65 g. Son action fut relativement bien supportée mis à part quelques troubles intestinaux (diarrhées). L'action sédative fut nette sur l'agitation nocturne. Les fibrillations musculaires diminuèrent ainsi que les crises sudorales. Cependant, comme en témoigne   l'action sur le sommeil fut presque nulle.
b. Le 5-HTP fut employé à doses élevées (supérieures à 2 g/24 h) du début du mois de juillet jusqu'au 10 octobre. Son action favorable ' hypnogène" fut alors évidente et s'objectiva par une série convergente d'effets sur le sommeil  :
Augmentation du TST. Pour une dose quotidienne moyenne de 6,9 g de 5-HTP (juillet) le TST fut en moyenne de 288 min. Comparé aux données de base, il est significativement augmenté (t = 4.612, P < 0,001). De même en août et octobre, pour une dose de 4,98 g/24 h, le TST s'éleva à 228 min en moyenne (t = 6.141, P < 0,001).
L'augmentation du TST est en relation directe avec les doses de 5-HTP comme en témoignent les résultats des tests de Bravais-Pearson: en juillet: r= - 0.4971, 0,1 < P < 0,05 (n=14), en août octobre: r=0.4482, P < 0,001 (n=54).
On doit noter également que c'est seulement avec le traitement au 5-HTP que les stades III et IV réapparurent au cours de nombreuses nuits. Leur durée est également en relation avec la dose de 5-HTP  : juillet: r=0.8421, P < 0,001 (n= 14); août octobre: r=0.6099, P < 0,001 (n = 54)
Réapparition du SP. Ses caractéristiques polygraphiques furent normales  , ses conditions d'apparition aussi car il survint toujours après les stades III et IV et jamais immédiatement après le stade I ou l'éveil. Le retour du SP est également corrélé avec le 5-HTP de manière significative (r=0.6134, P < 0,001. n = 54).
Au cours du traitement au 5-HTP, le rapport SP/III + IV devient hautement significatif (r = 0.3347, P < 0,001 pour n = 126) alors qu'il ne l'est pas en dehors de cette thérapeutique (r = 0.0044 pour n = 86).
Enfin, l'une des preuves les plus nettes de l'action hypnogène du 5-HTP à forte dose est apportée par la relation temporelle entre l'ingestion de 5-HTP et l'apparition du sommeil  . Il existe en effet un maximum de sommeil, qui s'objective très nettement sur un "histogramme", 45 min après l'administration du 5-HTP.
Au cours de cette période les taux urinaires de 5-HIAA augmentèrent en fonction des doses de 5-HTP (r=0.9156, P < 0,001, n=44)  , ce qui explique les corrélations significatives que l'on a retrouvées entre le 5-HIAA urinaire et les états de sommeil. 5-HIAA/TST: r = 04801, P < 0,001 (n=44); 5-HIAA/III+IV: r = 0.9114, P < 0,001 (n=44); 5-HIAA/SP: r=0.6355, P < 0,001 (n = 44).
c. La phase terminale est caractérisée par l'échec du 5-HTP et une diminution de l'élimination urinaire de son métabolite le 5-HIAA. En effet, le 5-HTP doit être interrompu au mois d'octobre car la provision était épuisée. Pendant une dizaine de jours l'état du malade demeura satisfaisant et le sommeil resta amélioré comme en témoignent les moyennes de 10 enregistrements pratiqués (TST: 236 min; stade I: 191 min; stade II: 20 min; stade III: 6 min; stade IV: 16 min; SP: 2 min). Cependant, subitement l'état général de Monsieur M... s'aggrava. Les fibrillations augmentèrent, les hallucinations nocturnes devinrent subintrantes et l'état dépressif s'aggrava. Une nouvelle thérapeutique au 5-HTP fut alors instaurée (8,87 g/jour). Après une courte période où une amélioration fut notée, brusquement l'insomnie réapparut. Fait notable, lors de la disparition de l'effet hypnogène du 5-HTP, on observa une très nette dissociation entre les taux urinaires de 5-HIAA et la quantité de 5-HTP administrée (pour une dose quotidienne moyenne de 10 g de 5-HTP, l'élimination urinaire de 5-HIAA ne fut que de 252 mg/24 h pendant les 6 derniers jours, alors que dans les mêmes conditions 15 jours auparavant, ce taux était de 406 mg/24 h).

IV - Les hallucinations

Nous n'envisagerons ici que leur aspect neurophysiologique clinique, leur rapport avec l'insomnie et le traitement. Elles peuvent être classées en 2 types:
1. Le premier est spectaculaire par son aspect clinique inédit et mérite d'être individualisé sous le terme de "syndrome hallucinatoire distalgique". Ce type d'hallucinations a été noté avant toute thérapeutique dès le mois de mars et il a persisté au long de l'évolution de la maladie, parfois exacerbé lors de l'administration de tryptophane, parfois au contraire presque totalement absent lors de la thérapeutique avec les fortes doses de 5-HTP. Ce syndrome survenait à heure fixe (entre 20 et 22 h) sans prodrome. Le malade, jusque là éveillé et calme, ressentait tout à coup une sensation de froid intense au niveau des mains et des pieds. Cette sensation était objectivée par une pâleur livide des extrémités. En un deuxième temps, la vasoconstriction faisait place à une douleur intense suivie de prurit distal, de vasodilatation avec chaleur locale et sueurs profuses. En même temps que ces phénomènes périphériques, survenaient des hallucinations surtout visuelles. Quelques thèmes se répétèrent de façon stéréotypée: voyage en fusée et débarquement sur la lune avec interpellation d'habitants de notre satellite, thème de chasse avec lâcher de faisan. Plus rarement les hallucinations avaient un thème olfactif (mauvaise odeur), auditif (réponse à un appel), somesthésique (impression d'animaux sur son corps). Ces épisodes hallucinatoires duraient 20 min à 1 h. A la fin, le malade ne les critiquait pas spontanément. Parfois il admettait avoir rêvé. Ainsi au point de vue clinique, ces hallucinations ressemblaient à l'association d'un "onirisme" du type observé au cours du délirium tremens avec un syndrome de vasoconstriction subit des extrémités. Les données polygraphiques recueillies à de nombreuses reprises au cours de ces épisodes ont été perturbées par les artéfacts musculaires. Le tracé EEG était identique au stade I ou à une réaction d' arrêt avec accélération et aplatissement du rythme . Jamais nous n'y avons noté d'ondes "en dents de scie". Il y avait des mouvements oculaires rapides et une importante activité tonique musculaire. A aucun moment ne survint d'épisode d'hypotonie ou d'atonie faisant penser à l'irruption d'un état narcoleptique ou cataplectique.
2. Le deuxième type d'hallucinations était beaucoup plus fréquent, mais de durée plus brève. Nous les appellerons "micro-hallucinations". De brèves périodes de conversation et des appels de membres de sa famille émaillaient ses nuits sans sommeil. La plupart du temps, ces épisodes d'une durée de quelques secondes et d'une fréquence de 10 à 50 par nuit survenaient au cours du stade I. Aucun syndrome périphérique ne les accompagnait. Ces hallucinations survenaient sans aucun doute au cours de brèves phases de relâchement de la vigilance. Elles étaient presque aussitôt oubliées ou bien le malade déclarait avoir rêvé. Leur fréquence fut augmentée par le tryptophane et diminuée par les grosses doses de 5-HTP. Mais il est certain que l'effet bénéfique du 5-HTP s'est effectué grâce au retour du sommeil car lorsque ce malade dormait (Stade II, III ou IV), il ne présentait aucun de ces 2 types d'hallucinations.

IV - Les hallucinations

I - Le problème diagnostique et étiopathogénique

Le diagnostic de chorée fibrillaire ne fait aucun doute car le tableauclinique présenté par notre malade correspond exactement àcelui décrit par Morvan (Morvan 1890).80 cas de cette maladie ontété rapportés depuis, en Europe occidentale pour la plupart.Cette affection doit être rapprochée de l'acrodynie(Pink-Disease des Anglo-Saxons), et pour certains, pourrait mêmeêtre confondue avec elle.Signalons que l'insomnie est l'un des symptômes cardinaux de lachorée fibrillaire et de l'acrodynie mais qu'elle n'avait jamaisété encore objectivée par un enregistrement polygraphique.L'évolution se fait favorablement dans 90 % des cas, dans un délaide quelques semaines à 7 mois. Dans les 10 % de cas oùl'évolution fut défavorable, la mort n'a étérapportée à aucune cause précise .
L'examenanatomo-pathologique effectué chez notre sujet ne permet pas de retenir delésion pathognomonique évidente. Il en avait été demême pour le seul examen pratiqué auparavant. Le problèmeétiopathogénique n'est donc pas résolu. L'éclosion dela maladie par foyers suggère une certaine contagiosité etcertaines modalités cliniques et évolutives plaident en faveurd'une étiologie infectieuse . Cependantles partisans d'une théorie toxique mercurielle font état danscertains cas de taux élevés de mercure urinaire souschélateurs, et de l'extrême raréfaction de l'acrodynie depuisque le Calomel a disparu de l'arsenal thérapeutique. Rien dans notre observation ne permetde trancher en faveur de l'une ou l'autre de ces étiologies car larecherche du mercure urinaire s'avéra négative à 3reprises.

IV - Les hallucinations

II - Les mécanismes de l'insomnie

L'étiologie inconnuede la maladie de Morvan ne nous permet donc pas d'éclairer lesmécanismes de l'insomnie. Cependant, les données de laneurophysiologie et la réaction du malade à la thérapeutiquenous permettent de suggérer certaines hypothèses. Sur les bases dela neurophysiologie animale, on peut en effet opposer 2 types d'insomnies  . Les unes sont en général de courtedurée. Elles font suite à la stimulation de la formationréticulée, à des stimuli nociceptifs, à desméthodes instrumentales ou à l'administrationd'amphétamines. Leur dénominateur commun apparaît êtreune augmentation du turnover des catécholamines et parfois de la 5-HT. Cesinsomnies sont suivies de "rebond" intéressant les 2 états desommeil selon des modalités complexes. L'autre type d'insomnie peutêtre de longue durée. Il en est ainsi après destruction desnoyaux du raphé ou inhibition de la synthèse de lasérotonine par la parachlorophénylalanine (PCPA). Dans ce cas, ledénominateur commun est une diminution du turnover de la sérotonine(avec une possible et secondaire augmentation du turnover descatécholamines). Il n'y a en général pas de "rebond"secondaire de sommeil lent ou de SP.
Ces 2 types d'insomnies sonttransformés en sédation (mais pas en véritable sommeilphysiologique car il n'y a pas retour du SP) après inhibition de lasynthèse des catécholamines parl'alpha-méthyl-para-tyrosine. Seule l'insomnie par atteinte fonctionnelledes neurones 5-HT peut être totalement réversible en sommeilphysiologique (sommeil lent et SP) avec de faible doses de 5-HTP àcondition que la 5-HTP-décarboxylase ne soit pas inhibée et soitprésente dans les neurones sérotoninergiques. Il en est ainsiaprès injection de PCPA . Par contre, après destructiondes péricaryones du raphé, l'administration de 5-HTP àfaibles doses (5 mg/kg) est sans effet sur l'insomnie, tandis quel'administration de fortes doses (50 mg/kg) n'entraîne qu'unesynchronisation corticale sans réapparition du SP (Pujol et al. 1971).
Les données suivantes nous autorisent à émettrel'hypothèse d'une atteinte (fonctionnelle ou ultrastructurale) dusystème sérotoninergique du raphé entraînant unediminution du turnover de la 5-HT cérébrale avec une possibleaugmentation secondaire du turnover des neurones catécholaminergiques.
A. Il ne nous est pas possible d'appuyer notre hypothèse surl'anatomopathologie. Les lésions des noyaux du raphé(observées avec les techniques classiques) sont en effet tropdiscrètes pour que l'on puisse les rendre responsables de l'insomnie. Ilfaut déplorer à ce sujet qu'il ait été impossible depratiquer des examens en histofluorescence ou des dosages des monoaminescérébrales.
B. Par contre, les enseignementsapportés par la thérapeutique avec les précurseurs de la5-HT sont plus solides. L'inefficacité totale du tryptophane surl'insomnie doit d'abord être soulignée. Cette absence d'actioncontraste avec l'effet '`hypnogène" de cet amino-acide, remarquéà de nombreuses reprises, chez des sujets normaux ou hyposomniaques . Puisque nous avons la preuvebiologique (par l'augmentation du 5-HIAA urinaire) de l'absorption intestinale dutryptophane, il faut donc supposer que ce malade présentait quelquealtération (d'origine virale ou toxique?) soit au niveau du transport dutryptophane à l'intérieur des neurones sérotoninergiques (auniveau des perméases par exemple ou par compétition avec d'autresacides aminés), soit au niveau de la tryptophane-hydroxylase.
C. Il semble en revanche prouvé que le 5-HTP ait étéabsorbé au niveau intestinal (comme le prouve la corrélationétroite entre les doses de 5-HTP ingérées etl'excrétion du 5-HIAA urinaire sauf à la période terminale).Il apparaît également hautement probable que le 5-HTP traversait labarrière hémato-encéphalique car l'action restauratrice dusommeil provoquée par le 5-HTP ne peut être mise en doute. Elle futconstatée à plusieurs reprises et les corrélationsstatistiques ou temporelles très significatives entre les doses de 5-HTP,le retour des stades III et IV et la réapparition du SP sont làpour témoigner que le 5-HTP n'entraînait pas un effet purementpharmacologique (synchronisation corticale) mais bien un effet physiologique. Onest donc obligé d'admettre que le 5-HTP étaitdécarboxylé, au moins en partie, au niveau des neuronessérotoninergiques et que les processus de libération ou derecapture de la 5-HT fonctionnaient. Il est peu probable que le 5-HTP aitété décarboxylé au niveau d'autres neuronesmonoaminergiques. Dans ce cas, en effet, il a été prouvé,chez le chat, que le 5-HTP à forte ou faible dose était incapablede restaurer le SP (Jouvet et Pujol 1972).
L'effet hypnogène du5-HTP, s'il ne peut être mis en doute pose cependant des problèmesdifficiles à résoudre. Pourquoi cet effet n'a-t-ilété obtenu qu'avec de fortes doses (6 à 8 g/24 h)? Il fautsans doute d'abord tenir compte du fait que nous avons employé la forme DLcar seule la forme L peut être considérée comme leprécurseur physiologique de la sérotonine. Nos doses quotidiennesefficaces correspondent donc à des doses de 3 à 4 g de L-5-HTP.Nous aurions pu diminuer de façon importante de telles doses par l'emploid'un inhibiteur périphérique des décarboxylases comme celaest le cas avec la L-DOPA car il est probable que le 5-HTP a été décarboxyléégalement au niveau des capillaires cérébraux. Ainsi,malgré l'emploi de fortes doses, il est fort possible que seulement unefaible partie du 5-HTP ait pu être décarboxylée àl'intérieur du cerveau. Nous voudrions enfin insister sur lanocivité des arrêts thérapeutiques qui furent obligatoiresune fois dans notre cas par épuisement total du stock de 5-HTP. Il sembleen effet qu'après chaque interruption la réaction du sujet autraitement était plus lente et que des processus complexesentrèrent en jeu si bien qu'à la fin le 5-HTP était, ou bienpeu absorbé, ou bien non décarboxylé même au niveaurénal (comme en témoigne la diminution terminale du 5-HIAAurinaire).
D. Cette observation apporte donc des arguments solidesen faveur de l'hypothèse sérotoninergique du sommeil chez l'homme.Elle est à rapprocher des observations de Wyatt et Zarcone (1971) et de Guilleminault qui ont également observé un effet hypnogène chezdes malades relativement hyposomniaques. On peut se demander enfin si d'autressymptômes présentés par notre malade ne pourraient pasdépendre de mécanismes sérotoninergiques. Cela est peuprobable pour l'hyperthermie qui résista au traitement au 5-HTP (maisdisparut de façon difficilement explicable sous l'influence dutryptophane). Cela est plus plausible dans le cas des algies distales et desfibrillations qui furent nettement améliorées par le traitement. Onsait en effet que des mécanismes sérotoninergiques ontété impliqués expérimentalement dans lecontrôle de la douleur et dans le contrôle desmotoneurones.
E. Ilfaut enfin supposer que le système d'éveil de ce malade, et lesneurones catécholaminergiques qui contribuent à l'éveilétaient fortement sollicités, puisqu'on peut estimer qu'il restapresque toujours éveillé au cours des 3 à 4 premiers mois desa maladie. Les signes suivants sont en faveur de la mise en jeu de neuronescatécholaminergiques: hypersudation, vasoconstriction desextrémités, tachycardie permanente. On peut donc supposer que leturnover des catécholamines était augmenté comme cela aété remarqué après lésions du systèmedu raphé .

IV. Les hallucinations

III - Les hallucinations

1. Le syndrome hallucinatoire distalgique

Dans une première hypothèse, un facteur sanguin seraitresponsable du syndrome hallucinatoire et de l'acroalgoérythème.Mais si leur apparition était toujours simultanée, les deuxmanifestations ne cédaient pas en même temps. De plus, on a pu voirà certaines périodes l'apparition du syndrome distalgique sanshallucination. Dans une deuxième hypothèse, un mécanismecentral tiendrait sous sa dépendance le syndrome hallucinatoire et lesyndrome vasomoteur, ce dernier par une action sur le système sympathique,mais les beta-bloquants se sont révélés inefficaces. Larecrudescence des troubles perceptifs sous tryptophane fait égalementpenser à la biosynthèse d'un métabolite "anormal". Dansl'hypothèse sérotoninergique avec atteinte au niveau du transportdu tryptophane ou de la tryptophane-hydroxylase, le tryptophane seraitmétabolisé électivement suivant la voie de la tryptamine, cequi entraînerait une surproduction de ses dérivésméthylés tels que la diméthyltryptamine dont onconnaît le haut pouvoir hallucinogène.
Les arguments enfaveur d'une pathogénie autotoxique du syndrome hallucinatoire distalgiquel'emportent sans doute sur une autre interprétation qui consisteraità voir dans ce tableau l'expression d'une forme anormale de SP. Ladestruction de la partie caudale de la région du locus coeruleusentraîne, en effet, chez le chat, l'apparition d'un tableau"pseudo-hallucinatoire" périodique au cours du sommeil . De nombreux arguments permettent de penserqu'il s'agit alors de l'expression motrice des phénomènes centrauxdu SP car le blocage du tonus musculaire a été supprimé parla lésion. Ces épisodes qui surviennent périodiquementtoujours après une phase de sommeil lent préalable ont unedurée similaire à celle du SP (5 à 6 min). Nous pensonsqu'il n'est pas possible d'assimiler le syndrome hallucinatoire distalgique avecle tableau pseudo-hallucinatoire présenté par le chat pour lesraisons suivantes: les hallucinations de notre malade n'étaient paspériodiques, mais survenaient une seule fois au début de la nuit.Elles n'étaient jamais précédées de sommeil maissurvenaient toujours au cours de l'éveil. Leur duréeexcédait parfois considérablement celle d'une phase de SP. Enoutre, aucune lésion ne fut constatée au niveau de la régiondu tegmentum dorsolatéral pontique au niveau du complexe des noyaux dulocus coeruleus. Enfin aucun signe polygraphique de SP ne put jamais êtreobjectivé au cours de ces épisodes. Il est vrai que ce dernierargument n'est pas très solide puisque les artéfacts musculairespouvaient fort bien avoir masqué les ondes en "dents de scie".

2.Les micro-hallucinations

Deux types d'interprétation sontpossibles car ces épisodes survenaient au cours de brefs assoupissements(stade I). Il s'agissait donc d'épisodes de "microsleep" accompagnéde brèves hallucinations revêtant tous les modes sensoriels.
On peut supposer qu'il s'agissait soit de l'enclenchement très bref depériodes de SP (trop court pour qu'apparaisse la disparition du tonusmusculaire), soit de la survenue de pointes pontogéniculo-occipItal.es(PGO) (avec leur cortège de mouvements oculaires) au cours du stade I. Onsait, en effet, qu'une des caractéristiques fondamentales de l'insomniedue à la diminution du turnover de la sérotonine est l'augmentationimportante des PGO qui peut survenir soit au cours de l'éveil, soità l'endormissement chez le chat . Certains comportements de type hallucinatoire ont étédécrits dans ces conditions chez le chat . Il n'est donc pas téméraire d'émettrel'hypothèse que les micro-hallucinations pourraient être en relationavec l'augmentation des PGO. En résumé, nous insistons ànouveau sur la pathogénie différente des 2 tableaux hallucinatoiresprésentés par ce malade. Le premier, inédit, ne semble pasdevoir être rapporté directement à la suppression du sommeilou du rêve, tandis que le second se rapproche de certains épisodesdécrits lors des privations expérimentales de sommeil.

IV - Les hallucinations

IV - A quoi sert le sommeil ?

Les cas d'insomnie au long cours lors de maladie ou de lésions du système nerveux central, vérifiés par la polygraphie, sont rares . Notre malade représente le premier cas d'une insomnie authentique de très longue durée ainsi vérifiée par la polygraphie. On peut, en effet, affirmer grâce au contrôle polygraphique périodique qu'il subit et grâce au contrôle du personnel infirmier quand il n'était pas enregistré, que ce malade ne dormit pas (ou moins d'une trentaine de minutes de stade I par nuit, fragmentée en très courts épisodes, ce qui est négligeable) entre janvier et avril 1970, soit au moins 120 jours sans sommeil. On peut également estimer que sa dette en SP atteignait alors plus de 200 h.
A l'inverse des nombreux cas d'insomnie alléguée et non vérifiée par l'enregistrement ,on se trouve ainsi devant un véritable cas d'agrypnie. Nous voudrions réserver ce terme déjà employé par Von Economo à l'insomnie authentifiée par l'examen polygraphique, en laissant au terme d'insomnie sa définition courante: sensation subjective de ne pas dormir.
A l'agrypnie présentée par notre malade, il est intéressant de comparer les cas de privations expérimentales de sommeil  .
Dans les 2 cas, en effet, des contrôles polygraphiques ou comportementaux ont été réalisés et des tests psychomoteurs entrepris. Remarquons d'emblée la différence qu'il y avait entre notre malade, couché toute la nuit dans un lit et recevant même des somnifères et les sujets normaux payés pour ne pas dormir, évitant de s'étendre, sans cesse stimulés pour rester éveillés. Le premier désirant dormir et cherchant indéfiniment le sommeil car il n'avait pas sommeil même après 3 mois, les seconds luttant pour ne pas s'endormir et tombant littéralement de sommeil après 120 - 200 et 264 h, s'endormant pour présenter un "rebond" de sommeil de longue durée .
Certains signes présentés par les sujets privés de sommeil (ou observés après privation expérimentale chez l'animal) ont permis d'élaborer des hypothèses ou des théories sur les fonctions du sommeil: rôle dans la mémoire à long terme, l'apprentissage, etc.... Or, notre sujet, totalement "agrypnique" depuis 3 mois était capable de performances intellectuelles normales compte tenu du niveau d'intelligence moyen qui était le sien avant sa maladie. En particulier sa mémoire à court, ou long terme et ses capacités d'apprentissage ne furent jamais altérées, et ses capacités d'attention, nécessaires pour la réalisation de la figure complexe de Rey, du test du labyrinthe ne furent jamais diminuées. Trois ordres de manifestations pathologiques sont cependant apparus: un syndrome dépressif, le syndrome hallucinatoire distalgique et les micro-hallucinations.
Les deux premières peuvent difficilement être mises sur le compte de l'absence de sommeil per se. Nous avons déjà discuté les arguments qui sont en faveur d'une viciation métabolique du tryptophane dans la genèse du tableau algohallucinatoire. Il n'y a en outre aucune parenté entre ce tableau et les hallucinations parfois présentées au cours des privations expérimentales. Quant au syndrome dépressif, surtout net après 6 mois d'évolution, il est difficile de 1'attribuer à la seule disparition du sommeil. De nombreux facteurs associés ont joué certainement un rôle: désespoir de ne pouvoir guérir, séparation de sa famille, intensité du prurit, etc... En fait, il ne reste que les micro-hallucinations qui puissent être comparées avec les hallucinations décrites au cours des privations expérimentales de sommeil .
Nous pensons que l'on peut interpréter la différence des évolutions entre les privations instrumentales de sommeil et l'agrypnie présentée par notre malade de la façon suivante: dans le premier cas, l'insomnie est produite par la mise en jeu active du système d'éveil (stimulations sensorielles surtout). Les sujets évitent l'obscurité , de fermer les yeux, de se coucher. Le système sérotoninergique est en effet intact et il a été montré que le turnover de la 5-HT pouvait dans des conditions de stress prolongé augmenter parallèlement à celui des catécholamines . La majorité sinon la totalité des signes observés peut alors s'interpréter par la mise en jeu parallèle des neurones 5-HT au cours de l'éveil. Les troubles de l'attention, la persistance de l'alpha occipItal., et même les micro-hallucinations relèveraient alors d'épisodes de microsommeil qui sont bloqués par l'expérimentateur qui surveille le sujet. Dans notre cas par contre, la vigilance de notre patient n'était pas soumise, au moins le jour, à la mise en jeu du système sérotoninergique. Seulement pendant la nuit, sous l'influence d'une possible diminution circadienne du turnover des catécholamines, quelques brefs épisodes de micro-sommeil survenaient. Ils ne dépassaient jamais quelques secondes ou minutes. Ni notre malade, ni les observateurs ne les interrompaient, mais ces épisodes aussi brefs fussent-ils laissaient apparaître quelques bouffées d'hallucinations. Mais il faut encore y insister, les capacités d'attention et de mémorisation étaient intactes le jour et le système d'éveil notre malade a montré ainsi une infatigabilité extraordinaire pendant plusieurs mois, en l'absence de système actif de sommeil venant l'inhiber. Les troubles de l'attention et peut-être de la mémorisation qui surviennent dans les privations expérimentales de sommeil seraient donc provoqués par l'intrusion au cours de l'éveil du système sérotoninergique du sommeil. L'absence de sommeil, et à fortiori de SP, n'entraîne donc pas obligatoirement la série des troubles observés au cours des privations expérimentales de sommeil de longue durée . Sommeil lent et SP ne sont ainsi pas nécessaires à la vie (pendant 3 à 4 mois pour le premier, pendant près de 8 mois pour le second) et nous ne pouvons attribuer à leur suppression aucun déficit majeur. Privé de sommeil et de rêve depuis 3 mois, peut être au prix de quelques minutes d'hallucinations nocturnes, un homme peut lire le journal, faire des projets sur l'avenir, jouer et gagner aux cartes, retrouver sans difficulté des souvenirs récents ou anciens, apprendre un labyrinthe complexe et s'étendre toute la nuit sur un lit, dans l'obscurité, sans avoir sommeil ! Convenons en pour terminer, cette observation rend caduques la plupart des théories sur les fonctions du sommeil et du SP, mais elle n'en propose encore aucune.

Résumé

Nous rapportons l'observation d'un sujet de 27 ans atteint d'une chorée fibrillaire de Morvan. En dehors des fibrillations musculaires, ce sujet présentait une insomnie totale dont l'évolution spontanée et sous traitement au 5-HTP fut suivie presque continuellement par des enregistrements polygraphiques pendant 9 mois.
L'insomnie était remarquablement bien supportée. Au cours de la journée, le sujet était calme et avait un comportement normal. Il n'était pas fatigué. Le soir, il n'avait jamais sommeil. Il n'avait aucun des symptômes (conjonctivite, tremblement fin des extrémités, troubles de l'attention ou de la mémoire....) que l'on rencontre habituellement dans les insomnies provoquées instrumentales. Ses capacités intellectuelles étaient intactes et aucun déficit de la mémoire ne fut constaté. Par contre, ce malade présentait au cours de la nuit 2 types de symptômes pathologiques: (a) Un syndrome hallucinatoire majeur accompagné de vasoconstriction et de douleurs des extrémités (syndrome hallucinatoire distalgique). Ces hallucinations apparaissaient entre 21 et 23 h. Elles duraient 20 min à 1 h et revêtaient tous les modes sensoriels, visuel, auditif, olfactif, somesthésique. Elles étaient accompagnées par un tracé polygraphique similaire au stade I ou à l'éveil. Ces hallucinations furent aggravées par le tryptophane et disparurent lors du retour du sommeil avec les fortes doses de 5-HTP. (b) De brèves hallucinations (quelques secondes) qui apparaissaient pendant les épisodes de stade I ou pendant l'éveil.
Après une amélioration considérable coïncidant avec le traitement au 5-HTP, le malade fit une rechute après interruption du traitement. Cette rechute ne réagit pas à un nouveau traitement au 5-HTP et la mort survint après 11 mois d'évolution. L'examen anatomopathologique ne trouva aucune altération pathognomonique.
Les données de 117 enregistrements polygraphiques n'ont pas permis de mettre en évidence d'anomalies focales ou irritatives. Quelques atypies (blépharospasmes, stade I avec mouvements oculaires rapides, absence de réaction d'arrêt . . . ) ont parfois été notées.
La réalité de l'insomnie a été vérifiée par neuf enregistrements nocturnes; 5 enregistrements consécutifs réalisés avant toute thérapeutique objectivèrent une insomnie presque totale (TST moyen (stade I) de 26 min). Au cours de 4 autres enregistrements effectués lors de l'administration de placebo, le TST moyen était de 40 min (stade I).
Les thérapeutiques usuelles se montrèrent inefficaces. Seule la convulsivothérapie augmenta le TST de manière discrète mais significative sans affecter valablement chacun des paramètres du sommeil.
Le L tryptophane administré per os pendant 5 jours à dose quotidienne moyenne de 12 g n'entraîna aucune amélioration puisque le TST moyen ne dépassa pas 48 min (stade I). Le taux du 5-HIAA urinaire s'éleva cependant dans des proportions normales (14,48 mg/24 h). L'activité hallucinatoire fut très nettement exacerbée.
A faible dose (au dessous de 2 g/24 h) le DL-5-HTP n'influença pas valablement les paramètres du sommeil. Il eut cependant un effet sédatif et sa prescription coïncida avec une amélioration clinique.
A forte dose (plus de 2 g/24 h), le DL-5-HTP eut une action hypnogène certaine. Lorsque le 5-HTP entraîna l'apparition de stades III et IV, cet effet fut constaté 45 min après 1'administration du produit. Le TST augmenta de manière significative et il apparut des taux appréciables de stades III et IV et quelques minutes de sommeil paradoxal (SP) plusieurs nuits de suite (r TST/5-HTP = 0.4482, P < 0,001; r 5-HTP/II I + IV=0.6099, P < 0,001; r 5-HTP/SP=0.6134, P < 0,001; pour n=54). Enfin l'élimination du 5-HIAA urinaire fut directement corrélée avec le 5-HTP (r=0.9156, P < 0,001 pour n=30).
A la phase terminale, après une période d'arrêt thérapeutique, l'organisme du sujet cessa de répondre au DL-5-HTP en même temps que l'état clinique se détériorait inéluctablement et que l'excrétion urinaire de 5-HIAA diminuait.
Les résultats apportés par le 5-HTP permettent de discuter les mécanismes de cette insomnie majeure en fonction de l'hypothèse sérotoninergique du sommeil.
Enfin, la pathogénie des hallucinations et les différences cliniques entre cette insomnie totale (agrypnie) de longue durée et les privations expérimentales de sommeil sont discutées.

Sur l'existence d'un système hypnique ponto-limbique ses rapports avec l'activité onirique

Résumé

Des données expérimentales établies sur des chats chroniques, intacts, décortiqués et porteurs de section ou de coagulation du tronc cérébral, permettent de préciser les structures responsables de la phase de sommeil avec activité rapide corticale (Phase Rhombencéphalique du Sommeil - P.R.S.). La P.R.S. dépend de la mise en jeu périodique d'un groupe cellulaire situé au niveau du noyau R.P.C., au niveau de la F.R. pontique. Les voies nerveuses corticipètes responsables de l'activité rapide corticale sont différentes du système activateur ascendant. Elles sont en relation étroite avec le système limbique. Il existe en outre au cours de la P.R.S., qui constitue le stade le plus profond du sommeil, un ensemble caractéristique de manifestations somato-végétatives (mouvements rapides des yeux, disparition du tonus musculaire) dont certaines semblent être sous la dépendance de la Formation Reticulée inhibitrice. Des investigations effectuées chez l'homme normal, ou atteint de syndrome de décortication ou de décérébration, permettent d'assimiler la phase de sommeil onirique avec mouvements rapides des yeux à la P.R.S. L'activité onirique apparaît ainsi sous la dépendance d'un système Ponto-Iimbique périodiquement mis en jeu au cours du sommeil.

Summary

Recollection of dreams occurs when a sleeping subject is aroused during the stage of sleep with low voltage E.E.G. activity associated with rapid eyes movements. This fact has led to the hypothesis that such a stage of sleep is associated with dreaming.
A similar stage of sleep with fast cortical activity and rapid eyes movements has been described in the cat. The neurophysiological mechanisms underlying this stage have been studied in chronic intact, decorticate, mesencephalic and pontile cats. Results show that the periodical cortical activity during sleep (Rhombencephalic Phase of Sleep: R.P.S.) is dependent upon the triggering of a system situated at the level of the nucleus reticularis pontis caudalis, in the pontine reticular formation. This system controls the somato vegetative phenomena which are highly characteristics of the R.P.S. (Disapperance of all muscular tonic activity even in the cases of decerebration and decerebellation hypertony, variation in respiratory and cardiac rhythms). The fast cortical and the slow 5/sec rhythmic hippocampal activities occuring during the R.P.S. are not suppressed by t he interupti on of the mesencephalic reticular formation, but are suppressed by lesion of the ventral mesencephalon, the hypothalamus and the septum. It is suggested that connections between the pontine reticular formation and the limbic system may take the "limbic midbrain circuit" described by Nauta.
The R.P.S. is more profound than the phase of sleep with slow cortical activitv as the threshold of awakening is increased in comparison with the slow phase of sleep. The R.P.S. can be triggered of in animals by stimulating the brain stem and some results suggest that a neuro humoral mechanism may be responsible for the periodical appearance of the R.P.S. Investigations on normal human subjects confirm that dreaming is associated with the stage of sleep with rapid eyes movements. A specific E.E.G. rhythm is described during this stage. Results obtained on chronic decorticate and decerebrate human subjects have confirmed the main results obtained in the cat, and lead to the conclusion that the stage of sleep with rapid eyes movements in human is similar to the R.P.S.
Such results suggest that dreaming occurs periodically during sleep when a ponto-limbic system is brought into play probably by a neuro humoral mechanism.
L'activité onirique ne peut être décelée que par son équivalent subjectif, le souvenir souvent fugitif d'un rêve. Aussi toute tentative de délimitation des structures nerveuses responsables d'un phénomène aussi mystérieux que le rêve peut sembler hasardeuse. Des données récentes, établies sur l'homme et l'animal, rendent cependant moins téméraire un tel essai. Les travaux de KLEITMAN et de ses collaborateurs [1, 12, 13] ont en effet démontré chez l'homme l'apparition périodique d'un stade particulier du sommeil de nuit, caractérisé par une activité E.E.G. de bas voltage et des mouvements des yeux. Les réveils provoqués au cours de ce stade s'accompagnent dans un grand nombre de cas de souvenir de rêve . Chez le chat, d'autre part, à côté de l'activité électrique corticale lente caractéristique du sommeil physiologique, l'existence de phases d'activité rapide néocorticale , associée à une activité rythmique lente hippocampique  avait été remarquée. DEMENT  signalait en outre la récurrence périodique d'une telle activité, son association avec des mouvements des yeux et l'assimilait à un "sommeil activé" (activated sleep) intermédiaire entre l'éveil et la phase E.E.G. lente du sommeil. Les caractéristiques électriques cortico-sous-corticales du sommeil avec activité corticale rapide et les manifestations somato-végétatives qui l'accompagnent  se prêtent particulièrement bien à l'analyse des structures nerveuses qui en sont responsables. Enfin, les analogies surprenantes de ce phénomène chez l'homme et l'animal rendent possible la confrontation entre son analyse structurelle expérimentale chez le chat et les données subjectives humaines.
Nous commencerons ainsi par exposer les faits expérimentaux établis sur le chat, qui permettent de délimiter un système pontolimbique, responsable de la phase d'activité rapide corticale au cours du sommeil (phase rhombencéphalique du sommeil) (P.R.S.) .
Nous montrerons ensuite la similitude de tette phase de sommei] avec celle qui est observée chez des sujets humains normaux ou porteurs de diverses atteintes pathologiques, réalisant de façon approchée les lésions de l'expérimentation animale. Enfin, nous discuterons les rapports de cette phase de sommeil avec l'activité onirique.

Données expérimentales établies sur le chat : la phase rhombencéphalique du sommeil

Des électrodes corticales et sous-corticales Ont été chroniquement implantées sur 68 chats chroniques intacts, décortiqués, décérébellés ou porteurs de section totale ou de coagulation limitée du tronc cérébral. L'activité E.M.G. des muscles de la nuque, les mouvements des yeux, l'électrocardiogramme et la respiration étaient enregistrés en même temps que l'activité électrique cérébrale. Les animaux étaient enregistrés sur un appareil E.E.G. au cours des différentes phases du sommeil physiologique pendant au moins une semaine. La position des électrodes et la topographie des lésions ont été vérifiées dans tous les cas par des coupes sériées colorées par les méthodes de NISSL, de LOYEZ et de LUXOL FAST BLUE.

Données expérimentales établies sur le chat : la phase rhombencéphalique du sommeil

Résultats

l. - Les deux aspects E.E.G. du sommeil physiologique chez le chat intact

 

A - "Le sommeil lent" (70 à 80% de la durée du sommeil comportemental) se traduit par l'apparition d'une activité de fuseaux de 19 à 18 c/s au niveau du cortex du thalamus, de la formation réticulée (F.R.) mésencéphalique et pontique. Des ondes lentes de 2 à 4 c/s apparaissent ensuite au niveau de ces mêmes structures. Pendant ce temps, l'activité de l'hippocampe est caractérisée par des pointes de haut voltage (500 à 800 microvolts) . Au cours de ce stade, il persiste toujours une activité E.M.G. au niveau de la nuque et le seuil d'éveil par stimulation réticulaire s'élève de 30 à 50 % par rapport au stade d'endormissement. L'origine télencéphalique de la phase de "sommeil lent" est probable: il n'est plus possible en effet d'enregistrer des fuseaux ou des ondes lentes au niveau des différentes formations souscorticales chez des animaux totalement décortiqués ou en arrière d'une section totale du tronc cérébral à la limite mésodiencéphalique. Cette phase de sommeil semble donc traduire l'expression d une activité corticifuge dont les mécanismes de mise en jeu ont été discutés ailleurs.
B - "Phase de sommeil rapide" ou Phase Rhombencéphalique du Sommeil (P.R.S.).
Elle fait toujours suite à une phase de sommeil lent et n'apparaît jamais d'emblée après l'éveil. Son allure comportementale est caractéristique:
Il existe une totale atonie de l'animal caractérisce par une chute brusque de la tête. Parallèlement l'actilité E..M.G. des muscles de la nuque disparaît toujours totalement, tandis que surviennent des mouvements rapides des yeux, des vibrisses, plus rarement de brèves secousses des oreilles, des machoires, de la queue ou des extrémités. Il apparaît enfin des variations végétatives de facon constante: le rythme respiratoire devient irrégulier, plus superficiel et surtout plus rapide qu'au cours de la phase d'ondes lentes du sommeil, tandis que le rythme cardiaque se ralentit.
Au point de vue E.E.G., la P.R.S. se caractérise par une activité corticale, diencéphalique et mésencéphalique, rapide et de bas voltage, similaire à celle de l'éveil. Cette activité coïncide avec la disparition de l'E.M.G. de la nuque ou parfois peut la précéder ou la suivre de quelques secondes. L'hippocampe ventral et dorsal présente alors de façon presque continue un rythme théta à 5/s, très régulier, qui ressemble à celui décrit par GREEN et ARDUINI  au cours de l'éveil. Dans nos expériences cependant, nous n'avons noté qu'exceptionnellement un tel rythme au cours de l'état de veille. Au niveau du noyau Reticularis Pontis Caudalis (R.P.C.) des ondes à 8 c/s de haut voltage, ayant une allure de fuseaux apparaissent. Elles sont parfois associées à un rythme à 5 c/s, similaire à celui de l'hippocampe. Une activité rythmique identique a été également enregistrée au niveau de la substance grise péri-aqueducale, du noyau inter-pédonculaire et de l'hypothalamus postérieur. Au cours de cette phase enfin, les réponses évoquées auditives, corticales ou réticulaires, ont une amplitude moindre qu'au cours de l'éveil ou de la phase de sommeil lent. Une telle phase de sommeil, dont la durée moyenne est de 10 à 15 minutes, se répète périodiquement au cours du sommeil comportemental, séparée par des intervalles de 10 à 30 minutes. Elle correspond ainsi à 20 ou 30 % de la durée du sommeil.
Au cours de cette phase le seuil d'éveil par stimulation réticulaire ou sensorielle s'élève de façon notable par rapport à la phase de sommeil lent. Cette caractéristique, associée aux signes E.E.G. sous-corticaux, à la disparition totale du tonus musculaire et aux phénomènes somato-végétatifs, permet ainsi de déceler l'apparition périodique des P.R.S. chez des animaux ayant subis des mutilations du névraxe à des niveaux divers.

Données expérimentales établies sur le chat : la phase rhombencéphalique du sommeil

Résultats

II. - Structures responsables de la P.R.S.

A) Les structures nerveuses nécessaires et suffisantes au déclenchement périodique de la P.R.S.:

Le cervelet, dont on pourrait légitimement invoquer la mise en jeu devant l'atonie si caractéristique de la P.R.S. n'est pas en cause, puisque des P.R.S. tvpiques au point de vue E.E.G. et comportemental continuent à apparaître chez des animaux totalement cérébellectomisés.
Chez l'animal totalement néodécortiqué, les P.R.S. s'individualisent très nettement .
Au point de vue E.E.G. apparaissent des fuseaux de haut voltage au niveau du noyau R.P.C., tandis que l'hippocampe présente un rythme régulier à 5 c/s. Au niveau du thalamus, il persiste la même activité rapide et de très bas voltage qu'au cours de l'éveil.
Au point de vue comportemental, la diminution du tonus musculaire est totale et l'activité E.M.G. disparaît. Des mouvements des yeux apparaissent. Ils sont similaires à ceux de l'animal normal, mais moins fréquents. La durée des P.R.S. est de 10 à 15 minutes.
Section du tronc cérébral 
Des sections totales du tronc cérébral en avant du pont n'empêchent pas l'apparition périodique des P.R.S. Dans le cas d'animaux pontiques chez qui la partie de l'encéphale située en avant du l'ont fut enlevée deux états comportementaux pouvaient être remarqués.
L'état de veille était caractérisé par une rigidité très importante avec hyperextension des membres antérieurs. A ce stade l'activité souscorticale enregistrée au niveau des noyaux Reticularix Pontis Oralis et R.P.C. était rapide et de bas voltage, tandis que l'activité musculaire au niveau des muscles de la nuque était très importante
Le deuxième état était représenté par les P.R.S., leur périodicité et leur durée étaient semblables à celles des animaux intacts et leurs aspects étaient identiques au tableau de "cataplexie" décrit par BARD et MACHT [2] chez des préparations mésencéphaliques et pontiques chroniques. Elles étaient caractérisées pal une flaccidité totale de l'animal avec disparition de la nuque. Il n'y avait pas de mouvements des yeux, mais seulement quelques clignements des paupières, un ralentissement du rythme cardiaque et une accélération respiratoire. Au point de vue électrique apparut une activité rythmique lente et régulière à 3 c/s au niveau de la formation réticulée pontique.
Une telle constatation démontre que les structures nerveuses responsables du déclenchement de la P.R.S.S. sont situées en arrière du mésencéphale. La délimitation des limites postérieures de ces structures a été plus délicate, acr il s'est avéré extremement difficile de conserver plusieurs jours des animaux sectionnés en arrière du Pont. Deux préparations cependant ont survecu une semaine après ablation totale du cervelet et une section totale du tronc passant dorsalement au niveau des deux tiers postérieurs dn R.P.S. et se terminant ventralement à la jonction du Pont et des corps trapézoïdes.
Les phénomènes dépendant des structures situées en avant de la section peuvent se classer en trois stades E.E.G. et comportementaux:
1) Un stade d'éveil cérébral: les pupilles sont dilatées de 2 à 3 mm. Les yeux peuvent alors suivre un objet mouvant verticalement dans leur champ visuel. Au cours de ce stade, le corticogramme est rapide et de bas voltage. Un tel aspect correspond exactement à celui qui a été décrit chez la préparation médiopontine par BATINI et COLL.
2) Un stade de sommeil cérébral: les pupilles sont en myosis, il n'y a aucun mouvement de fixation lorsqu'un objet mouvant se déplace dans le champ visuel. I1 existe alors des fuseaux au niveau du cortex. Les périodes de fuseaux très courtes les premiers jours (15 à 20 % de la durée de l'enregistrement) deviennent ensuite plus longues et finissent par occuper vers le septième jour 50 % du temps total d'enregistrement.
A côté de ces deux stades dont l'interprétation en terme de comportement est relativement facile, il existe un "stade d'interprétation difficile" : le myosis est en effet très serré, il peut exister quelques mouvements oculaires spontanés, mais l'animal ne peut plus suivre aucun objet mouvant. Cependant l'activité cérébrale est rapide. Si une stimulation olfactive est appliquée à ce stade, elle entraîne alors une légère mydriase et l'animal peut alors suivre un objet sans que son activité cerébrale ne change. D'autre part des stimulations de l'hippocampe au cours de cette période peuvent entraîner l'apparition de fuseaux corticaux.
Les structures cérébrales situées en arrière de la section du tronc sont responsables par contre d'un "état de vigilance somatique" permanent caractérisé par une activité E.M.G. importante de la nuque et il n est jamais apparu de période d'atonie accompagnée de disparition de l'activité E.M.G. L'analyse des rythmes cardiaque et espiratoires n'a pas permis non plus de mettre en évidence de variation périodique analogue à une P.R.S.. Il semble ainsi que les structures bulbaires et médullaires soient incapab]es de déclencher l'apparition périodique de P.R.S. comportementales lorsqu'elles sont déconnectées du Pont.
Les structures nerveuses responsables de la P.R.S. sont donc situées en avant d'une section rétro-pontique et en arrière d'une section pré-pontique. C'est pourquoi des lésions limitées ont été placées au niveau de la F.R. pontique dans le but de supprimer électivement les aspects E.E.G. et comportementaux de la P.R.S.:
Lésions de la Formation Réticulée Pontique.
La destruction du noyau R.P.C. entraîne une disparition totale des phénomènes corticaux et périphériques de la P.R.S. Chez 4 animaux, la lésion intéressait en effet exclusivement les 4/5 ou la totalité du noyau R.P.C. et épargnait totalement le noyau giganto-cellulaire. Elle intéressait en outre le quart postérieur et inférieur du noyau Reticularis Pontis Oralis R.P.O.. Chez un cinquième animal, la lésion intéressait le R.P.C. de façon totale et les 3/4 médians et antérieurs du noyau giganto-cellulaire. Les lésions épargnaient totalement le R.P.O. La lésion commune aux animaux intéresse donc le R.P.C..
Ces chats étaient capables de se tenir debout et de marcher en titubant. Ils pouvaient se nourrir seuls. Chez tous apparurent des modifications périodiques et paroxystiques du comportement à partir du troisième et quatrième jour. De façon périotlique, deux à trois fois par heure, ils regardaient fixement devant eux, la tête levée, les pupilles dilatées et ils essayaient d'atteindre sans cesse avec leur patte antérieure un objet imaginaire. Ces réactions de type hallucinatoires s'accompagnaient d une activité rapide corticale et rythmique hippocampique.
Au point de vue E.E.G. les enregistrements des deux premiers jours étaient presque entièrement constitués par un corticogramme rapide et de bas voltage et une activité théta hippocampique associée à un comportement de veille. Les jours suivants cependant des phases de sommeil lent avec fuseaux corticaux et ondes lentes corticales et sous-corticales réapparurent pendant 50 à 60 % du temps d'enregistrement. La réaction d'éveil E.E.G. et comportementale était normale. A aucun moment, malgré des observations continues de jour et de nuit, n'apparurent de P R S. Car aucune activité rapide au cours du sommeil comportemental, aucun relâchement du tonus musculaire avec disparition de l'E.M.G. des muscles de la nuque ne purent être observés. Cependant respectivement vers le quinzième jour des P.R.S. réapparurent chez 4 animaux. Elles étaient très courtes et ne dépassaient pas 2 à 3 minutes. Elles survenaient avec une périodicité identique à celle des contrôles pré-operatoires, mais leur durée n'atteignait pas alors 1% du temps d'enregistrement. Ainsi, la destruction du noyau R.P.C. entraîne la disparition totale des phénomènes E.E.G. et périphériques caractéristiques de la P.R.S. Pour cette raison, noux avons proposé de donner à la phase d'activité rapide corticale au cours du sommeil, le nom de P.R.S. qui semble plus explicite que celui de "phase paradoxale" que nous avions proposé précédemment .

B) Les voies nerveuses responsables des phénomènes E.E.G. au cours de la P.R.S.:

La situation des structures déclenchantes de la P.R.S. avant été délimitée au niveau du noyau R.P.C., des lésions limitées du tronc cérébral, en avant de ce noyau, ont été réalisées afin d'essaver de supprimer électivement l'activité rapide néocorticale et l'activité rythmique hippocampique caractéristique de cette phase de sommeil.
1) Des lésions des parties latérales du tronc cérébral intéressant les voies specifiques ascendantes et laissant intactes la F.R. mésencéphalique et la partie verticale du tronc, laissent persister les signes E.E.G. néo- et paléo-corticaux de la P.R.S., du sommeil lent et de l'éveil ainsi que leurs corrélations somato-végétatives. Elles n'intéressent donc pas les voies de projection ascendante du système responsable de l' "activation corticale" au cours du sommeil.
2) Des lésions intéressant la partie antérieure du tegmentum mésencéphalique et respectant le tiers ventral du mésencéphale, suppriment l'activation corticale au cours de l'éveil déclenché par une stimulation de la formation réticulaire en arrière de la lésion. Cependant une telle destruction ne supprime pas la possibilité d'une activité rapide corticale au cours de la P.R.S. De tels animaux ne présentent ainsi une activité rapide corticale qu'au cours de la phase la plus profonde du sommeil. Ce fait laisse supposer que les voies responsables de l'activité rapide corticale au cours de la P.R.S. n'empruntent pas, tout au moins en totalité, le tegmentum mésencéphalique.
3) Des lésions placées aux niveaux suivants: partie médiane du noyau R.P.O., Noyau Centralis Superior de BECHTEREW, région du noyau inter-pédonculaire et de la substance grise péri-épendymaire, région sous-thalamique (hypothalamus médian, hypothalamus latéral, faisceau médian du télencéphale) et enfin septum , suppriment en tout ou en partie, l'activité rapide corticale et l'activité rythmique hippocampique au cours de la P.R.S. De telles lésions laissent cependant persister l'activation corticale au cours de l'éveil. Au cours de la P.R.S le tracé peut parfois s'activer légèrement par rapport à la phase de sommeil lent mais il persiste cependant des fuseaux et l'activité rythmique hippocampique est absente . Les autres symptômes de la P.R.S. par contre sont au complet. Ainsi des lésions placées au niveau de la partie ascendante du "Limbic Midbrain Circuit" [33,34] empêchent l'apparition des signes E.E.G. néo- et paléo-corticaux de la P.R.S. Il est ainsi probable que les voies ascendantes issues du noyau R.P.C. empruntent, tout au moins en partie, un tel système.
Mécanismes de la P.R.S.
L'apparition périodique de la P.R.S. dépend de la mise en jeu d'un mécanisme actif situé au sein de la partie caudale du tronc cérébral. Il est en effet possible de déclencher des P.R.S. typiques au point de vue E.E.G. et comportemental, d'une durée de 10 à 15 minutes, en stimulant la F.R. pontique ou mésencéphalique pendant quelques secondes au cours de la phase de sommeil lent. Ce phénomène a pu être obtenu également chez des animaux décortiqués et mésencéphaliques chroniques. Le déclenchement des P.R.S. par stimulation du tronc cérébral obéit à des conditions temporelles bien définies car les P.R.S. spontanées ou provoquées sont presque constamment suivies d'une phase réfractaire de 10 à 15 minutes pendant laquelle les stimulations sont inefficaces ou provoquent au contraire un éveil. La durée de telles périodes réfractaires et le mécanisme d'enclenchement de P.R.S. de plusieurs minutes après de brèves stimulations, suggèrent qu'un agent neuro-humoral, libéré au niveau du noyau R.P.C. pourrait être responsable de cette phase de sommeil.
L'atropine, aux doses de 0,2 mg/kg supprime l'apparition des P.R.S. E.E.G. et comportementales chez les animaux normaux ou mésencéphaliques. Une telle action est en faveur de l'existence d'un mécanisme neuro-humoral de type cholinergique.
L'ensemble de ces résultats permet ainsi de conclure que la P.R.S. traduit la mise en jeu périodique d'un système dont l'organisation structurale peut être schématisée de la façon suivante: l'intégrité d'un ensemble neuronique situé au niveau du noyau R.P.C. est nécessaire et suffisante au déclenchement périodique de la P.R.S. Ce "centre" est en relation avec l'écorce par l'intermédiaire de voies ascendantes distinctes du S.R.A.A. Ces voies, empruntant la partie ventrale du mésencéphale, la région sous-thalamique, probablement au niveau du Limbic Mid Brain Circuit, sont en relation étroite avec le système limbique. Les voies descendantes, issues du noyau R.P.C. et responsables des phénomènes somato-végétatifs, sont en relation étroite avec la F.R. inhibitrice ponto-bulbaire. Les mécanismes de la mise en jeu physiologique de ce système sont encore inconnus mais certains résultats suggèrent l'intervention d'un mécanisme neuro-humoral.

Investigations cliniques chez l'homme

Sujets normaux

Méthode : 20 tracés de sommeil de nuit (de 22 heures à 6 heures) ont été effectués sur 6 sujets adultes (deux hommes et quatre femmes de 20 à 35 ans) et trois enfants (16 mois, 22 mois, 3 ans). L'E.E.G. était enregistré en bipolaire au niveau du scalp ainsi que les mouvements des yeux grâce à des électrodes placées de part et d'autre des globes oculaires.
L'activité musculaire au niveau de la nuque ou des sternocleïdo-mastoïdiens, l'électrocardiogramme et enfin la respiration étaient également recueillis sur l'appareil E.E.G. Le seuil d'éveil était testé au moven de stimulations auditives pratiquées par l'intermédiaire d'un haut parleur déclenché par un stimulateur. Lors des éveils provoqués au cours des différents stades de sommeil, il était demandé aux sujets adultes s'ils se souvenaient d'un rêve.
Il est vite apparu au cours de ces enregistrements que l'index électromyographique était infidèle chez l'homme normal, car aussi bien l'E.M.G. des muscles de la nuque que celui des sterno-cleïdo-mastoïdiens disparaît au repos ou dès l'endormissement.
Résultats : nous n'insisterons pas sur les stades de sommeil classiques pour lesquels nous avons adopté la terminologie de DEMENT et KLEITMAN (1957) et nous ne décrirons seulement avec détail que le stade de sommeil avec mouvements rapides des yeux (M.R.Y.).
Le stade I fait suite à la disparition de l'alpha et s'observe immédiatement après l'endormissement. Il est caractérisé pal une activité de bas voltage relativement rapide et un manque absolu de fuseaux et de K complexes. Il peut être extrêmement court chez certains sujets. Il existe alors des mouvements lents des globes oculaires, svnchrones dans le sens horizontal, d'une fréquence de 10 à 20 par minute. Leur aspect régulier et lent permet de les distinguer facilement des M.R.Y.
Le stade II est caractérisé par la présence d'une activité de fuseaux apparaissant sur un arrière fond d'activité rapide et de bas voltage. Parfois il peut déjà exister une activité théta. C'est à ce stade que sont recueillis les K complexes spontanés ou provoqués au niveau des régions antérieures. Il y a encore des mouvements lents des yeux.
Le stade III est caractérisé par des ondes delta de haut voltage diffuses, auxquelles sont encore associés quelques fuseaux. Les mouvements lents des yeux ont presque disparu.
Enfin, le stade IV est caractérisé par la présence d'ondes lentes delta diffuses, de grande amplitude, sans fuseaux. Les mouvements lents des yeux ont alors disparu. Au cours de ces derniers stades la respiration est régulière, lente, ample et profonde. Le rythme cardiaque se ralentit progressivement, il est très régulier.
La phase de sommeil avec M.R.Y.
Cette phase possède des signes E.E.G. et comportementaux spécifiques qui permettent de la distinguer très nettement des autres stades de sommeil.
Au point de vue E.E.G. au niveau des régions occipItal.es il existe des bouftfées de rythme alpha très régulier, d'amplitude légèrement réduite et dont la fréquence est souvent de 1 à 2 c/s plus lente que l'alpha de veille. Ces bouffées sont souvent, mais non constamment bloquées au cours des mouvements rapides des yeux. Le reste du tracé est de bas voltage sans rythme décelable. Parfois des bouffées rapides à 20-25 c/s surviennent au niveau des régions frontales. Il n'y a aucun fuseau ni K complexe spontané ou provoqué par les stimulations sensorielles. Toutes ces caractéristiques peuvent cependant s'observer au cours du stade I du sommeil.
Par contre, un type d'activité constant et caractéristique permet de distinguer formellement cette phase du stade : c'est la présence d ondes lentes encochées, en "dents de scie", de 2 à 3,5 c/s dont l'allure est diphasique dans les enregistrements monopolaires. Leur amplitude est maximum dans les dérivations vertex-pariétales antérieures ou vertex-temporales antérieures. Elles ne s'observent pas sur les régions frontales ou occipItal.es. Elles surviennent par bouffées de quelques secondes. Souvent, mais non constamment, elles précèdent les mouvements des yeux. Elles cessent le plus souvent lorsque ceux-ci apparaissent. Rarement elles prennent l'apparence de bouffées pseudo-rythmiques qui peuvent persister pendant plusieurs minutes. Nous n'avons jamais observé de telles ondes en dehors de cette période de sommeil.
Au point de vue comporternental: des mouvements rapides des yeux ont été décrits.. Ils apparaissent constamment au cours de cette période et nous n'avons pas encore observé de sujets normaux qui n'en présentent pas. Nous en avons observés chez des enfants de 16 mois, et sur un sujet aveugle de 3 ans. Ce sont des mouvements des yeux synchrones, bilatéraux, horizontaux ou verticaux, qui ressemblent aux mouvements de fixation qu'un sujet peut effectuer en suivant une figure complexe à l'état de veille. Survenant par bouffées de quelques secondes, ils sont séparés par des périodes de repos total au cours desquelles les yeux sont immobiles. Les paupières sont en général relâchées et permettent d'apercevoir la sclérotique. Il existe en outre des mouvements discrets et rapides des commissures labiales et des doigts. Il est exceptionnel qu'il y ait alors des mouvements globaux des membres et du corps. Au cours de ce stade apparaissent en outre des variations végétatives constantes: le rythme respiratoire devient plus irrégulier, plus superficiel et plus rapide, parfois il est entrecoupé de courtes poses lors des mouvements des yeux. L'irrégularité du rythme respiratoire nous a semblé être avec les mouvements des yeux, l'index comportemental le plus fidèle de cette phase de sommeil. Les variations du rythme cardiaque sont moins constantes et ne s'observent que dans 70 % des cas environ. Le plus souvent il s'agit d'un ralentissement mais au cours d'une même nuit on peut observer soit un ralentissement, soit une accélération.
La durée de ces phases de sommeil, variable d'un sujet a l'autre, est en moyenne de 20 à 30 minutes et tend à devenir plus longue vers la fin de la nuit . Chez l'adulte leur durée totale représente 90 à 30 % de la durée totale du sommeil comportemental. Chez l'enfant au dessous de 3 ans, ces périodes constituent de 35 à 40 % de la durée totale du sommeil.
Au cours de cette phase de sommeil, le seuil d'éveil par stimulation auditive est très nettement augmenté par rapport aux autres stades. Il s'est révélé trois à quatre fois plus élevé en moyenne qu'au cours du stade II, une fois et demie ou deux fois plus élevé qu'au cours des stades III et IV.

Résultats des réveils provoqués chez l'adulte normal

Seuls les souvenirs très précis de rêves, pouvant être ra¢ontés et transcrits avec détails ont été retenus. Lorsque les sujets déclaraient avoir l'impression d'avoir "rêvé" sans pouvoir donner de description précise du contenu du rêve, les résultats étaient tenus pour négatifs.
Quarante-cinq réveils ont été provoqués pendant ou immédiatement après une période de mouvements rapides des yeux. Il y a eu 31 souvenirs de rêve (68 %). Par contre, sur 60 réveils provoqués au cours des stades I, II, III ou IV, il n'y eut que trois souvenirs de rêve (8%).

Investigations cliniques chez l'homme

Sujets présentant des atteintes pathologiques cérébrales

L'apparition de P.R.S. comportementales facilement décelables chez l'animal décortiqué ou mésencéphalique chronique, nous a conduit à nous demander si une telle phase de sommeil ne pouvait pas également être objectivée par une analyse polygraphique chez les malades dont les atteintes pathologiques cérébrales étaient comparables aux lésions expérimentales réalisées chez l'animal. C'est pourquoi nous avons poursuivi systématiquement l'étude E.E.G. du sommeil chez des sujets présentant des troubles de conscience prolongés. De tels malades qui sont de plus en plus fréquents actuellement, grâce aux techniques de réanimation qui permettent de dépasser le stade de coma aigu, constituent un champ investigation extrêmement précieux: leur aspect clinique demeure en effet relativement fixe pendant des mois et même des années. Lorsque cela est possible, des examens anatomo-pathologiques permettent de constater des lésions fixées qui peuvent alors être confrontées aux données E.E.G. et cliniques .
Vingt enregistrements polygraphiques (E.E.G., E.M.G., mouvements des yeux, E.K.G, respiration) d'une durée de 6 à 8 heures ont été effectués chez 12 sujets atteints de troubles prolongés de la conscience (de 6 mois à 5 ans). Nous n'insisterons ici que sur deux aspects de ces troubles particulièrement intéressants.

A) Syndrome de décortication.

Nous résumons ici une observation typique concernant unde ces cas :
- FE... Jean, 30 ans: traumatisme crânien grave le 12-11-1959. Coma profond immédiat. Trachéotomie pour troubles respiratoires le même jour. Evolution pendant 18 mois d'un état de décortication avec triple flexion aux membres supérieurs, réflexe de MAGNUS et KLEIJN, hyperextension des membres inférieurs. Absence de toute perceptivité (ne répond pas aux ordres verbaux ou écrits). Absence de réaction d'orientation au stimuli visuels. Tourne la tête du côté d'un stimulus sonore de forte intensité. Ce malade a été enregistré à plusieurs reprises. Tous ses tracés sont comparables.
Le tracé E.E.G. est constitué par une activité thêta microvoltée, monomorphe, à 7 c/s, prédominant au niveau des régions postérieures. Ce tracé est d'une monotonie frappante car il ne subit aucune variation malgré les diverses stimulations sensorielles. A aucun moment n'apparaît d'ondes lentes de haut voltage ou de fuseaux.
Chez ce malade, l'étude polygraphique révèle l'existence de deux états de vigilance :
a) Lors de l'état de veille comportementale (les yeux sont ouverts) il existe une très riche activité musculaire au niveau du biceps (hypertonie de décortication) ou au niveau du scalp et des muscles frontaux. De nombreux artéfacts musculaires créés par la présence de mâchonnement se surajoutent sur le tracé. On note également de très nombreux clignements des yeux et quelques mouvements spontanés des globes oculaires. La respiration est alors du type périodique, six phases respiratoires consécutives étant suivies d'une pose de 15 secondes. La veille comportementale est entrecoupée périodiquement, environ toutes les 20 minutes, par des périodes de sommeil comportemental avec fermeture des yeux, dont l'aspect polygraphique est totalement similaire à la P.R.S. Observée chez l'animal décortiqué:
b) Le tracé E.E.G. s'aplatit légèrement sans qu'il y ait variation de la fréquence. Il peut apparaître également de discrètes bouffées d'ondes lentes rythmiques à 3 c/s en dents de scie au niveau du vertex. On constate alors une disparition totale de toute activité E.M.G. des muscles enregistrés: disparition des artéfacts musculaires au niveau du scalp, et de l'activité E.M.G. au niveau du biceps. Il existe à ce moment-là des mouvements rapides des yeux qui ont une allure moins régulière, plus stéréotypée que chez l'individu normal. La respiration s'accélère, devient irrégulière et perd son caractère de respiration périodique, le rythme cardiaque selon les phases de sommeil s'accélère ou se ralentit. La longueur moyenne de ces périodes de sommeil était de 7 minutes et la durée totale occupait 20% du temps d'enregistrement. Au cours de ces périodes, le seuil d'éveil était très augmenté. Il était impossible de réveiller le malade même par de violentes stimulations auditives et il ne pouvait être réveillé que par des stimulations nociceptives. Enfin, ce sujet présentait au cours de l'état de veille des clonies faciales droites sans traduction électrique au niveau du scalp. Celles-ci disparaissaient totalement au cours du sommeil.
Les tracés obtenus chez 4 autres malades atteints de syndrome de décortication ont été similaires. La vérification anatomique a révélé l'existence de plages de nécrose et de dégénérescence de la substance blanche très importantes, intéressant les trois quarts antérieurs des hémisphères et réalisant un véritable état de décortication fonctionnelle interrompant les projections thalamo-corticales . Un tel aspect d'encéphalopathie traumatique est semblable à celui décrit par S. STRICH . Il s'est ajouté des lésions directes du pallium au niveau des cornes d'Ammon et de la partie antérieure des lobes temporaux. Le tronc cérébral était intact, mis à part une dégénérescence des faisceaux pyramidaux.

b) Syndrome de décérébration.

Deux sujets ont présenté pendant 3 mois un syndrome cle décérébration post-traumatique avec attitude constante des membres supérieurs en hyper-extension, rotation en dedans et pronation, hyper-extension des membres inférieurs. Absence totale de perceptivité et une attitude comportementale d'éveil (yeux ouverts) presque permanente. Chez de tels malades, les examens polygraphiques ont révélé l'existence de phases d'ondes lentes discrètes associées à un sommeil comportemental pendant de courtes périodes. Par contre, il existait toujours une activité E.M.G. au niveau du triceps et il n'a été possible de mettre en évidence que des périodes extrêmement courtes (une à deux minutes) associant des mouvements des yeux à une disparition totale de 1'E.M.G. L'ensemble de ces périodes ne dépassait pas 2 % de la durée totale des enregistrements. La vérification anatomique a révélé l'existence de lésions hémorragiques et de ramollissements anciens au niveau de la F.R. pontique, mésencéphalique postérieure au niveau du noyau rouge, du brachium conjonctivum, associées à des lésions discrètes diffuses de la substance blanche hémisphérique.

Discussion

Notre discussion portera d'abord sur les différences et les similitudes entre la P.R.S. chez le Chat et la phase de sommeil avec M.R.Y. chez l'homme.

A) Différence E.E.G.

Elles sont de deux ordres:
1) L'activité E.E.G. corticale du Chat au cours de la P.R.S. est identique à celle observée au cours d'un éveil intense. Par contre, chez l'homme, le tracé E.E.G. de la phase de sommeil avec M.R.Y. est différent de celui observé au cours de l'état de vigilance maxima (réaction d'arrêt, d'attention).
Cependant, au cours de cette phase de sommeil, il apparaît souvent un rythme occipItal. similaire au rythme alpha qui est observé pendant l'éveil, lors de la fermeture des yeux.
2) Il n'existe pas chez le Chat d'ondes à 3 c/s en "dents de scie" au niveau du vertex au cours de la P.R.S., comme on en observe chez l'Homme. Mais les conditions d'enregistrement chez le Chat ne sont pas les mêmes que chez l'Homme dont on enregistre l'E.E.G. à travers le scalp, méthode qui ne permet pas de déceler avec précision l'origine cérébrale de telles ondes. Survenant presque toujours avant les mouvements des yeux et non pendant ceux-ci, leur origine ne peut être pour cette raison assimilée à un mécanisme identique à celui des "ondes lambda" recueillies au cours de l'état de veille au niveau du cortex occipItal.. Elles semblent plutôt accompagner un mécanisme causal des M.R.Y. Il est alors possible qu'elles soient un reflet lointain de l'activité du système limbique ce qui expliquerait leur localisation E.E.G. élective au niveau du vertex (Gyrus Cingulé) et du lobe temporal chez l'homme. Elles seraient alors dans cette hypothèse, l'analogue de l'activité rythmique hippocampique observée chez l'animal.
De telles différences chez ces deux espèces, l'Homme et le Chat, n'impliquent pas forcément des mécanismes neuro-physiologiques différents. D'une part, elles peuvent s'expliquer par des conditions d'enregistrement non identiques (électrodes corticales chez le chat, électrodes sur le scalp chez l'homme). D'autre part, il est possible que seule l'organisation anatomique et fonctionelle du néocortex soit différente chez l'homme et chez le Chat, ce qui expliquerait que les tracés E.E.G. ne soient pas identiques, tandis que les structures et les mécanismes souscorticaux responsables de cette phase de sommeil seraient semblables, expliquant alors le faisceau de ressemblances étroites qui existent entre les phénomènes comportementaux observés chez ces deux espèces.

B) Similitude des phénomènes comportementaux (Tableau 1).

Les M.R.Y. observés chez l'homme ressemblent en tout point à ceux que le chat présente lors de la P.R.S. Ils évoquent les mouvements complexes de fixation d'objets lors de l'état de veille, survenant par bouffées plus ou moins longues, interrompus de brèves périodes d'immobilité. Ils s'accompagnent de mouvements des commissures labiales (mouvements des vibrisses et des oreilles chez le chat) et des extrémités des membres.
Les variations végétatives sont caractéristiques. Celles de la respiration sont analogues chez les deux espèces et constituent l'un des index les plus fidèle de la P.R.S. Les variations du rythme cardiaque sont moins constantes chez l'homme que chez le chat mais s'observent néanmoins au cours de 70 % des P.R.S. (à type de bradycardie le plus souvent).

TABLEAU I : Aspects polygraphiques de la P.R.S.

Chat normalChat décortiquéHomme normalSyndrôme de décortication
Activité rapide corticale+0 Rythme alpha 0
Activité thèta hippocampique+ + Ondes à 3 c/s en dents de scie?
Activité thêta et fuseaux pontiques++??
Seuil d'éveilTrès augmenté Très augmenté Très augmenté Très augmenté
Disparition du tonus musculaire++Non décelable par l'E.M.G. +
M.R.Y.++++
Variations végétatives
Coeur et respiration
++++
Equivalent subjectif??Rêve ?
La disparition du tonus musculaire (signalée par l'abolition de l'E.M.G. des muscles de la nuque chez le chat) avait été remarquée chez l'homme dès 1932 par KOURETAS et SKOURAS au cours du cauchemar : ils observèrent pendant le sommeil d'un sujet de 25 ans une atonie subite et totale de tout le corps pendant les cauchemars, faisant place à une simple hypotonie pendant le reste du sommeil. Nous n'avons pas pu encore mettre en évidence cette atonie par la méthode E.M.G. chez l'homme normal, comme nous l'avons fait chez le chat. Les muscles de la nuque qui ont un rôle antigravifique chez le chat en posture de sommeil ne jouent aucun rôle chez l'homme couché à plat, la tête appuyée sur un oreiller (ce qui explique la disparition de toute activité E.M.G. dès que le sujet est étendu). L'étude du sommeil chez l'homme en position assise devrait permettre de résoudre cette question.
Par contre, lorsqu'une hypertonie apparaît chez l'homme et qu'une activité E.M.G. peut être enregistrée dans des conditions de repos, on assiste alors au cours de la phase avec M.R.Y. à une disparition totale de l'activité E.M.G.
Enfin, des réveils par stimulation auditive au cours du sommeil révèlent aussi bien chez le chat que chez l'homme une augmentation importante du seuil d'éveil pendant cette phase. Quelque soit l'explication neurophysiologique et la signification de la "profondeur" de cette période de sommeil, cet argument permet d'infirmer l'hypothèse assimilant cette phase chez l'homme au stade I, donc à un stade de "sommeil léger" . Il faut admettre au contraire qu'il s'agit d'une phase qualitativement différente survenant périodiquement au cours du sommeil.

C) Similitude structurale.

Chez l'homme, le hasard provoque des lésions pathologiques dont la localisation peut être comparée à celle de lésions expérimentalement réalisées chez l'animal.
Ainsi, chez des sujets présentant un syndrome de décortication, des phases de sommeil avec M.R.Y. ont pu être observées, identiques aux P.R.S. du chat décortiqué. Elles constituent alors la presque totalité du sommeil comportemental, et leur durée relative représente 20 à 25 % du cycle nycthéméral.
Des lésions du tronc cérébral inférieur chez l'homme suppriment l'apparition des phases de sommeil avec M.R.Y. Dans les cas que nous avons observé, les lésions étaient, il est vrai, diffuses et non limitées au noyau R.P.C.et débordaient un peu la F.R. mésencéphalique. Cependant, ce fait peut être comparé avec les résultats obtenus chez le chat après destruction du R.P.C.

D) Autres aspects fonctionnels.

A l'ensemble de ces données objectives on peut en ajouter d'autres (dont la valeur est plus limitée) qui pourraient trouver une application dans le domaine de la Psychiatrie.
Chez le chat, la suppression des P.R.S. (par lésion du noyau R.P.C.) entraîne l'apparition périodique de phénomènes évoquant des hallucinations, associées à des troubles végétatifs (tachycardie)  .
Chez l'homme, des expériences de privation totale de sommeil ("sleep deprivation")  entraînent presque constamment l'apparition d'hallucinations somesthésiques, auditives et visuelles. DEMENT a réalisé la privation élective de phases de sommeil avec M.R.Y. chez l'homme pendant 48 heures, mais un tel laps de temps a été insuffisant pour laisser apparaître des hallucinations.
Ainsi, une revue critique des différences et similitudes entre la P.R.S. chez le chat et le sommeil avec M.R.Y. chez l'homme permet d'admettre qu il existe une très grande probabilité pour que l'activité onirique survienne au cours d'un stade de sommeil analogue à la P.R.S. (alors qu il est impossible d'affirmer que le chat rêve au cours de la P.R.S. !).
L'actirité onirique apparaît ainsi comme l'équiralent subjectif des phénomènes cérébraux cérébraux survenant au cours de la P.R.S. : elle constitue un phénomène périodique lié étroitement aux modifications du tonus musculaire et du système végétatif (qui ne lui sont cependant pas liées de façon réciproque puisqu'ils apparaissent chez les sujets et animaux décortiqués). L'activité onirique dépendrait ainsi de la mise en jeu périodique au cours du sommeil d'un groupe de neurones situé au niveau de la F.R. Pontique, en rapport étroit avec le système limbique par des voies ascendantes distinctes du S.R.A.A.
Une analyse plus poussée des mécanismes et des fonctions du rêve est difficile à l'heure actuelle. Ce phénomène mystérieux qu'est le rêve soulève encore de nombreuses questions qui restent sans réponse.
Pourquoi la P.R.S., qui semble s'accompagner d'une activité unitaire corticale et réticulaire importante  est-elle associée avec une disparition totale de toute activité E.M.G. ? Quelle est la fonction de cette phase associant "onirisme cérébral" et "sommeil musculaire" qui interrompt périodiquement la phase d'activité lente du sommeil dénuée semble-t-il de toute activité subjective et acconupagnée d'un certain état de vigilance musculaire ?
Comment expliquer que les mouvements des yeux observés chez l'homme normal au cours de la P.R.S. et dont la relation avec l'imagerie onirique semble très étroite   existent également chez des nourrissons, des aveugles, des sujets atteints d'un syndrome de décortication et "inconscients" depuis des années ? Il faudrait alors admettre que ces mouvements des yeux soient sous la dépendance primaire de centres sous-corticaux ou d'un contrôle limbique. De tels mouvements de balayage des yeux pourraient alors être la cause, et non la conséquence des processus centraux dont la mémorisation ultérieure se traduit si souvent par une imagerie irrationnelle.
Occupant le quart ou le tiers de nos nuits de sommeil, le rêve a éveillé notre curiosité de tout temps. Pour le neurophysiologiste la porte des rêves est à peine entrouverte et la clef des songes n'est pas encore découverte. Si certains mécanismes de l'activité onirique semblent se dévoiler, les fonctions du rêve nous demeurent toujours inconnues. Cependant, l'imagerie onirique qui étonne notre cerveau éveillé s'intègre à l'unité de l'organisme puisqu'elle est soumise, de même que les grandes régulations végétatives et homéostasiques, à l'activité d'un groupe cellulaire situé au sein de la F.R. Pontique.

Michel Jouvet
Colloques Internationaux du CNRS, Montpellier (1961)