mercredi 25 mai 2011

Etayage


L'étayage est un concept lisière entre psychanalyse et éthologie.
Il y a une relation étroite entre la pulsion sexuelle et certaines fonctions corporelles. Ainsi dans l'activité orale du nourrisson il y a un plaisir pris à la succion du sein, c'est-à-dire l'excitation d'une zone érogène étroitement liée à la satisfaction du besoin de nourriture, on dit alors que la pulsion sexuelle s'étaye sur ce besoin.
« Au début, la satisfaction de la zone érogène était sans doute associée à la satisfaction du besoin alimentaire. L’activité sexuelle s’étaye tout d’abord sur une des fonctions servant à la conservation de la vie et ne s’en affranchit que plus tard » (S. Freud, Trois essais sur la théorie sexuelle).
La notion d’étayage fut utilisée par S. Freud pour définir la façon dont la pulsion sexuelle émerge des pulsions d’autoconservation à la période où apparaît l’auto érotisme*.
Lors de la tétée l’enfant répond au besoin impérieux (pulsion d’autoconservation) de se nourrir et ce faisant il obtient en parallèle un bénéfice, le plaisir, qui va devenir par la suite un but recherché pour lui-même. Une satisfaction autre que celle des fonctions vitales apparaît qui est une première satisfaction sexuelle. Dans l’exemple de la tétée, la zone labiale est sollicitée, elle va devenir une zone érogène pour l’enfant qui par la suite, dans un acte auto-érotique comme celui de la succion du pouce, va satisfaire une pulsion sexuelle.
Le terme d’étayage est également employé à propos du choix d’objet* pour exprimer le processus qui amène l’enfant de la vision de l’objet partiel (ex : le sein) qui assure la satisfaction instinctuelle (le besoin), à la reconnaissance de l’objet total (personne reconnue en tant que telle) par étayage.
Le concept d'étayage en pédagogie renvoie à la théorie de l'américain Jerome Bruner et à l'intervention de l'adulte dans l'apprentissage de l'enfant : “L’étayage (désigne) l’ensemble des interactions d’assistance de l’adulte permettant à l’enfant d’apprendre à organiser ses conduites afin de pouvoir résoudre seul un problème qu’il ne savait pas résoudre au départ. ”
Dans la psychanalyse freudienne, l'étayage, un des trois caractères de la sexualité infantile, désigne la relation existant entre les pulsions sexuelles et les pulsions d'autoconservation. les premières s'aident d'abord des fonctions vitales qui leur fournissent une source organique, un objet et une direction, et deviennent par la suite indépendantes.
Dans les sciences du langage, ce terme désigne, dans une situation de communication exolingue et asymétrique, les conduites langagières de soutien et d'aide, telles que la facilitation des énoncés et la vérification systématique qui scandent les échanges entre un natif et un non-natif. L'étayage, qui met ensemble la compréhension et la structuration discursive, est l'ajustement réciproque que le natif et le non-natif utilisent pour communiquer.
Pour de nombreux auteurs, l'étayage constitue un point majeur de la découverte psychanalytique : "[…] les deux grandes découvertes spécifiquement freudienne, celles autour desquelles toute la théorie psychanalytique s'est constituée, concerne les notions de Bindung (liaison) et d'Anlehnung (étayage) (Bergeret, 2000).

Étymologie Traduit de l'allemand : Anlehnung
- anlehen : appuyer sur, poser sur,…
- Anlehnung : en imitant qn/qch
C'est ce premier sens "d'appui sur" qui a été principalement retenu par la tradition psychanalytique (d'où les deux termes d'étayage et d'anaclitique employés dans les traductions).
  • Les moments clefs :
Le mot apparait dès 1905 et constitue un "point central" dans l'élaboration de cette première théorie des pulsions présentée dans les Trois essais…
La notion d'étayage représente également un moment important de la description de 1914 relatif au choix d'objet dans la vie amoureuse.
Choix d'objet :
- selon le type narcissique
- selon le type par étayage
  • Les trois temps de l'étayage / sexualité infantile :
Pour comprendre la notion d'étayage dans le champ de la sexualité infantile (psychanalyse), il semble nécessaire de la concevoir et de la penser eu regard, d'une part à l'instinct, d'autre part à son développement temporel :
1 ° temps :
"Les premières satisfactions sexuelles auto-érotique sont vécues en conjonction avec l'exercice des fonctions vitales qui servent à la conservation de l'individu" (Freud, 1914)(fonctions servant l'alimentation, .. dans l'exemple princeps de l'alimentation du bébé au sein).
Conjonction : all. Anschluss, lit. "branché sur"
En ce premier temps l'on peut parler d'un "nouage" entre l'instinct et la Libido.
2 ° temps :
Temps de relative séparation des pulsions d'autoconservation (les besoins selon Laplanche, 1970) et des pulsions sexuelles : "puis le besoin de répétition de la satisfaction sexuelle se sépare du besoin de nutrition" (Freud, 1914).
Notons que pour la théorie psychanalytique, "l'excitation sexuelle se produit comme effet additionnel" (Freud, 1905). L'effet additionnel (Nebenwirkung - lit. "effet à côté") ou "prime de plaisir"…
En ce 2 ° temps la Libido "s'émancipe" de l'instinct.
3 ° temps :
Moment d'une relative réunification, à l'adolescence, sous le primat de la génitalité. Temps de rétablissement d'une "unité normalement requise à la fonction amoureuse"(Freud, 1905).
La Libido "mime" t'elle l'instinct ?

banner_Freud.gif (4668 octets)
Choix d’objet narcissique, choix d’objet par étayage
La vie amoureuse des êtres humains, avec la diversité de sa différenciation chez l’homme et la femme, nous fournit un troisième accès à l’étude du narcissisme. De même que la libido d’objet a d’abord caché à notre observation la libido du Moi, de même, en étudiant le choix d’objet des enfants (et des adolescents), avons-nous tout d’abord remarqué qu’ils tirent leurs objets sexuels de leurs premières expériences de satisfaction.
Les premières satisfactions sexuelles auto-érotiques sont vécues en conjonction avec l’exercice de fonctions vitales qui servent à la conservation de l’individu. Les pulsions sexuelles s’étayent d’abord sur la satisfaction des pulsions du Moi, dont elles ne se rendent indépendantes que plus tard; mais cet étayage continue à se révéler dans le fait que les personnes qui ont affaire avec l’alimentation, les soins, la protection de l’enfant deviennent les premiers objets sexuels; c’est en premier lieu la mère ou son substitut.
Mais à côté de ce type et de cette source de choix d’objet, que l’on peut nommer type par étayage, la recherche psychanalytique nous en a fait connaître un second que nous ne nous attendions pas à rencontrer. Nous avons trouvé avec une particulière évidence chez des personnes dont le développement libidinal est perturbé, comme les pervers et les homosexuels, qu’ils ne choisissent pas leur objet d’amour ultérieur sur le modèle de la mère, mais bien sur celui de leur propre personne.
De toute évidence, ils se cherchent eux-mêmes comme objet d’amour, en présentant le type de choix d’objet qu’on peut nommer narcissique. C’est dans cette observation qu’il faut trouver le plus puissant motif qui nous contraint à l’hypothèse du narcissisme.
En fait nous n’avons pas conclu que les êtres humains se divisaient en deux groupes rigoureusement distincts selon leur type de choix d’objet, par étayage ou narcissique; au contraire, nous préférons faire l’hypothèse que les deux voies menant au choix d’objet sont ouvertes à chaque être humain, de sorte que l’une ou l’autre peut avoir la préférence.
Nous disons que l’être humain a deux objets sexuels originaires: lui-même et la femme qui lui donne ses soins; en cela nous présupposons le narcissisme primaire de tout être humain, narcissisme qui peut éventuellement venir s’exprimer de façon dominante dans son choix d’objet.
La comparaison de l’homme et de la femme montre alors qu’il existe dans leur rapport au type de choix d’objet des différences fondamentales, bien qu’elles ne soient naturellement pas d’une régularité absolue. Le plein amour d’objet selon le type par étayage est particulièrement caractéristique de l’homme. Il présente la surestimation sexuelle frappante qui a bien son origine dans le narcissisme originaire de l’enfant et répond donc à un transfert de ce narcissisme sur l’objet sexuel.
Cette surestimation sexuelle permet l’apparition de l’état bien particulier de la passion amoureuse qui fait penser à une compulsion névrotique, et qui se ramène ainsi à un appauvrissement du Moi en libido au profit de l’objet. Différent est le développement du type féminin le plus fréquent et vraisemblablement le plus pur et le plus authentique. Dans ce cas, il semble que, lors du développement pubertaire, la formation des organes sexuels féminins, qui étaient jusqu’ici à l’état de latence, provoque une augmentation du narcissisme originaire, défavorable à un amour d’objet régulier s’accompagnant de surestimation sexuelle.
Il s’installe, en particulier dans le cas d’un développement vers la beauté, un état où la femme se suffit à elle-même, ce qui la dédommage de la liberté de choix d’objet que lui conteste la société. De telles femmes n’aiment, à strictement parler, qu’elles-mêmes, à peu près aussi intensément que l’homme les aime. Leur besoin ne les fait pas tendre à aimer, mais à être aimées, et leur plaît l’homme qui remplit cette condition. On ne saurait surestimer l’importance de ce type de femmes pour la vie amoureuse de l’être humain.
De telles femmes exercent le plus grand charme sur les hommes, non seulement pour des raisons esthétiques, car elles sont habituellement les plus belles, mais aussi en raison de constellations psychologiques intéressantes. Il apparaît en effet avec évidence que le narcissisme d’une personne déploie un grand attrait sur ceux qui se sont dessaisis de toute la mesure de leur propre narcissisme et sont en quête de l’amour d’objet; le charme de l’enfant repose en bonne partie sur son narcissisme, le fait qu’il se suffit à lui-même, son inaccessibilité; de même le charme de certains animaux qui semblent ne pas se soucier de nous, comme les chats et les grands animaux de proie; et même le grand criminel et l’humoriste forcent notre intérêt, lorsque la poésie nous les représente, par ce narcissisme conséquent qu’ils savent montrer en tenant à distance de leur Moi tout ce qui le diminuerait.
C’est comme si nous les envions pour l’état psychique bienheureux qu’ils maintiennent, pour une position de libido inattaquable que nous avons nous-même abandonnée par la suite. Mais le grand charme de la femme narcissique ne manque pas d’avoir son revers; l’insatisfaction de l’homme amoureux, le doute sur l’amour de la femme, les plaintes sur sa nature énigmatique ont pour une bonne part leur racine dans cette incongruence des types de choix d’objet.
Peut-être n’est-il pas superflu de donner l’assurance que, dans cette description de la vie amoureuse féminine, tout parti pris de rabaisser la femme m’est étranger. En dehors du fait que tout parti pris en général m’est étranger, je sais aussi que ces différentes voies d’accomplissement correspondent, dans un rapport biologique extrêmement compliqué, à la différenciation des fonctions; de plus, je suis prêt à admettre qu’il existe quantité de femmes qui aiment selon le type masculin et développent également la surestimation sexuelle propre à ce type.
Et même pour les. femmes narcissiques qui restent froides envers l’homme, il est une voie qui les mène au plein amour d’objet. Dans l’enfant qu’elles mettent au monde, c’est une partie de leur propre corps qui se présente à elles comme un objet étranger, auquel elles peuvent maintenant, en partant du narcissisme, vouer le plein amour d’objet. D’autres femmes encore n’ont pas besoin d’attendre la venue d’un enfant pour s’engager dans le développement qui va du narcissisme (secondaire) à l’amour d’objet.
Avant la puberté, elles se sont senties masculines et ont fait un bout de développement dans le sens masculin; après que la survenue de la maturité féminine a coupé court à ces tendances, il leur reste la faculté d’aspirer à un idéal masculin qui est précisément la continuation de cet être garçonnier qu’elles étaient elles-mêmes autrefois.
Nous pouvons conclure ces remarques par un résumé des voies menant au choix d’objet. On aime:
1) Selon le type narcissique :
a) Ce que l’on est soi-même;
b) Ce que l’on a été soi-même.
c) Ce que l’on voudrait être soi-même;
d) La personne qui a été une partie du propre soi.
2) Selon le type par étayage:
a) La femme qui nourrit;
b) L’homme qui protège; et les lignées de personnes substitutives qui en partent.
Le cas c) du premier type ne pourra être justifié que par des développements qu’on trouvera plus loin.
Il restera, dans un autre contexte, à apprécier l’importance du choix d’objet narcissique pour l’homosexualité masculine.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire