lundi 10 janvier 2011

Deux textes de Freud sur le rêve



 Selon Freud,  les rêves seraient la « réalisation déguisée de désirs refoulés ». Dans l’exemple qui suit, Freud démontre que les rêves les plus insignifiants en apparence peuvent dissimuler un contenu caché inattendu:
«Vous dites toujours, déclare une spirituelle malade que le rêve est un désir réalisé. Je vais vous raconter un rêve qui est tout le contraire d’un désir. Comment accorderez-vous cela avec votre théorie ? » Voici le rêve ; Je veux donner un dîner mais je n’ai pour toutes provisions qu’un peu de saumon fumé. Je voudrais aller faire des achats mais je me rappelle que c’est dimanche après-midi et que toutes les boutiques sont fermées. Je veux téléphoner à quelques fournisseurs mais le téléphone est détraqué. Je dois donc renoncer au désir de donner un dîner…Ce qui vient (d’abord) à l’esprit (de la malade) n’a pu servir à interpréter le rêve. J’insiste. Au bout d’un moment, comme il convient lorsqu’on doit surmonter une résistance elle me dit qu’elle a rendu visite hier à une de ses amies ; elle en est fort jalouse parce que son mari en dit toujours beaucoup de bien. Fort heureusement l’amie est maigre et son mari aime les formes pleines. De quoi parlait donc cette personne maigre ? Naturellement de son désir d’engraisser. Elle lui a aussi demandé ; «Quand nous inviterez-vous à nouveau ? On mange toujours si bien chez vous. » Le sens du rêve est clair maintenant. Je peux dire à ma malade : «C’est exactement comme si vous lui aviez répondu mentalement «Oui-da», je vais t’inviter pour que tu manges bien, que tu engraisses et que tu plaises plus encore à mon mari ! J’aimerais mieux ne plus donner de dîner de ma vie»…. Le rêve accomplit ainsi votre vœu de ne point contribuer à rendre plus belle votre amie… Il ne manque plus qu’une concordance qui confirmerait la solution. On ne sait encore à quoi le saumon fumé répond dans le rêve : «D’où vient que vous évoquez dans le rêve le saumon fumé ? » «C’est, répond-elle le plat de prédilection de mon amie. »
Sigmund Freud, L’Interprétation des rêves (1926), trad. J. Meyerson, Éd. des PUF, (ANNÉE ???), pp. 112-114.

 Le rêve doit donc être interprété à la manière d’un rebus, ou encore d’une série de hiéroglyphes.
Toutes les tentatives faites jusqu’à présent pour élucider les problèmes du rêve s’attachaient à son contenu manifeste1, tel que nous le livre le souvenir, et s’efforçaient d’interpréter ce contenu manifeste. Lors même qu’elles renonçaient à l’interprétation, elles se fondaient encore sur ce contenu manifeste. Nous sommes seul à avoir tenu compte de quelque chose d’autre : pour nous, entre le contenu du rêve et les résultats auxquels parvient notre étude, il faut insérer un nouveau matériel psychique, le contenu latent ou les pensées du rêve, que met en évidence notre procédé d’analyse. C’est à partir de ces pensées latentes et non à partir du contenu manifeste que nous cherchons la solution. De là vient qu’un nouveau travail s’impose à nous. Nous devons rechercher quelles sont les relations entre le contenu manifeste du rêve et les pensées latentes2 et examiner le processus par lequel celles-ci ont produit celui-là. Les pensées du rêve et le contenu du rêve nous apparaissent comme deux exposés des mêmes faits en deux langues différentes ; ou mieux, le contenu du rêve nous apparaît comme une transcription des pensées du rêve dans un autre mode d’expression, dont nous ne pourrons connaître les signes et les règles que quand nous aurons comparé la traduction et l’original. Nous comprenons les pensées du rêve d’une manière immédiate dès qu’elles nous apparaissent. Le contenu du rêve nous est donné sous forme d’hiéroglyphes, dont les signes doivent être successivement traduits dans la langue des pensées du rêve. On se trompera évidemment si on veut lire ces signes comme des images et non selon leur signification conventionnelle. Supposons que je regarde un rébus3 : il représente une maison sur le toit de laquelle on voit un canot, puis une lettre isolée, un personnage sans tête qui court, etc. Je pourrais déclarer que ni cet ensemble, ni ses diverses parties n’ont de sens. Un canot ne doit pas se trouver sur le toit d’une maison et une personne qui n’a pas de tête ne peut pas courir ; de plus, la personne est plus grande que la maison, et, en admettant que le tout doive représenter un paysage, il ne convient pas d’y introduire des lettres isolées, qui ne sauraient apparaître dans la nature. Je ne jugerai exactement le rébus que lorsque je renoncerai à apprécier ainsi le tout et les parties, mais m’efforcerai de remplacer chaque image par une syllabe ou par un mot qui, pour une raison quelconque, peut être représenté par cette image. Ainsi réunis, les mots ne seront plus dépourvus de sens, mais pourront former quelque belle et profonde parole. Le rêve est un rébus, nos prédécesseurs ont commis la faute de vouloir l’interpréter en tant que dessin. C’est pourquoi il leur a paru absurde et sans valeur.
Sigmund Freud, L’Interprétation des rêves (1926), trad. J. Meyerson, Éd. des PUF, p. 241.
1. Contenu manifeste : contenu du récit du rêve fait par le rêveur.
2. Pensées latentes : pensées cachées et refoulées que le travail d’analyse doit révéler.
  Image: Balthus

Le rêve éveillé chez Robert Desoille



Qui est Robert Desoille, le génial inventeur de la psychanalyse à la française ?

1. LE FONDATEUR : Robert DESOILLE (1890-1966)

1. L'homme. Robert Desoille est né le 29 mai 1890 à Besançon. Son père était Général et son frère Henry sera Professeur de Médecine à l'Université de Paris. Doué en mathématiques, il devient ingénieur en électricité et termine sa vie comme inspecteur à l'EDF. Il a des activités syndicales et défend les employés victimes d’injustices. Parlant couramment l’allemand et l’anglais il sera interprète pendant les deux guerres. Il est blessé par une balle allemande à la mâchoire et décoré pendant la guerre 14-18. En 1920  il épouse une femme remarquable Lucie Bigeard. Elle l'initie aux techniques d'exploration de l'imaginaire de Caslant. Eugène Caslant (1865-1940), Polytechnicien et Colonel du génie, avait mis au point expérimentalement une méthode de voyage dans les images mentales et entraînait des personnes à la voyance dans l'inconnu. En apprenant la méthode auprès de lui, Desoille s'intéresse au contraire à l'expression des images intérieures personnelles et la thérapie des problèmes psychologiques qui vont avec. Dès 1923, il expérimente avec tout un groupe dans une orientation psychothérapique et publie ses premiers résultats dans différentes revues. Puis il cherche une explication à ces résultats si probants.
En 1938 paraît son premier livre Exploration de l'affectivité subconsciente par la méthode du Rêve Eveillé. Sa thèse est simple et claire : ces résultats prodigieux ne peuvent être compris qu'en étudiant la vie et les expériences des mystiques. La ressemblance des récits est tellement frappante que la clé est là. La meilleure manière d'approcher des expériences mystiques, tout en se guérissant de ses complexes et de ses problèmes, est l'analyse par le Rêve Eveillé. (Aujourd'hui on parlerait plutôt d'états de conscience transpersonnelle que de mystique, mais la clé est la même).
Puis arrive la seconde guerre et Desoille entre dans la Résistance. Il noue des liens étroits avec ses camarades de combat dans les maquis communistes. Aussi après la Libération, il croit trouver un garant de scientificité dans la théorie de Pavlov sur les réflexes conditionnés. C'est alors qu'à partir de son livre de 1950 il parle de "rêve éveillé dirigé", ce qui lui sera tellement reproché. Et c'est injuste, car il ne cherche que des garanties de scientificité et il ne transige jamais sur l'essentiel : la vision spiritualiste de l'homme et du monde. On trouve déjà chez lui la présence du nouveau paradigme du transpersonnel.
Il fréquente des psychanalystes ( Charles Baudouin, Françoise Dolto, Juliette Favez-Boutonnier, Sacha Nacht, René Laforgue ...), des philosophes (Gaston Bachelard, Gabriel Marcel ...).
Il a des contacts avec le monde entier et forme des élèves dans toute l'Europe : Allemagne (Prof. Kretschmer, Dr. Thomas et le groupe de Schultz), Belgique (Edith de Vriese), Espagne (Fernandez), Hollande (Prof.  van der Berg), Italie (Assagioli et son groupe, Prof. Rogo de Trévise,  Fusini), Portugal (Prof. Fernandez, Prof. de Fonseca), Suisse (Guillerey, Bevand), Uruguay (Prof. Berta de Montevideo), USA (Dr. Haronian, Tymieniecka), Argentine, Grande-Bretagne,  Japon, etc. Mais, à la différence de l'Association de Psychanalyse de Freud ou de la Société analytique de Jung, il laisse une grande liberté aussi chaque élève enseigne ce qu'il a compris et monte son propre groupe dans son pays. Ce qui fait que sous des noms très divers (Symbolic identification, dramaturgie, voyage imaginaire, visualisation créatrice, onirothérapie ...) on retrouve du rêve-éveillé dans bien des pays du monde.
De plus, la parenté est évidente avec une technique immémoriale de Yoga tantrique, le Yoga-nidra ou "Sommeil éveillé", "état crépusculaire" ou "sommeil yogique". Il existe aussi un Yoga des Rêves complet (Mi-lam) chez les Bouddhistes tibétains, qui intègre des pratiques très développées de rêve éveillé. Elle font partie intégrante de la retraite de trois ans des lamas. Peut-être Caslant en a-t-il eu connaissance par des ésotériques ou des occultistes. Par la suite la sophrologie de Caycedo s'emparera des visualisations et les vulgarisera, puis viendront la Pensée positive, l'Assertivité, la psychologie noétique ou unitive et toutes les visualisations californiennes. Là se trouve le plus grand danger : la confusion entre le vrai Rêve éveillé issu de l’inconscient et les visualisations imaginatives de type mental comme en sophrologie ou en psycho-synthèse ...
Lucie Bigeard est morte en 1945 et en 1950 Desoille épouse Mireille d’Ambosio. Il a le plaisir de pouvoir faire trois conférences à la Sorbonne sur le Rêve éveillé les 11, 18 et 28 janvier 1965 avant de mourir le 10 octobre 1966.
2.
LA TRAGEDIE DE L’INGRATITUDE
envers Robert Desoille

     Le caractère novateur de la découverte de Robert Desoille n’a pas été saisi ni reconnu. Il a été écrasé par Freud comme Lamarck a été écrasé par Darwin.
Il voyait bien qu’il n’était pas compris par ses soi-disant élèves. Aussi n’a-t-il jamais fondé d’Institut de Formation de son vivant. Et les trahisons vont se succéder.

1. GUILLERY . Desoille en 1934 est venu en Suisse rencontrer le Dr. Marc Guillery et a fait une démonstration de rêve éveillé sur le Dr. Pourtal, praticien du Vittoz. Puis ils ont correspondu pendant deux ans et Guillery a fondé sa « Méthode », « synthèse du rêve éveillé de Desoille, de la méthode de Vittoz et de la philosophie de Bergson ».
2. VIREL André. Le disciple préféré de Desoille semblait être André Virel, aussi petit que Desoille était grand. Ancien résistant et préfet régional, docteur en psychologie, il était celui qui enseignait la psycho-physiologie à la faculté des Sciences pour tous les psychologues de Paris. De par mon travail à l'université René Descartes ou Paris V, j'étais donc constamment en relation avec lui, comme très amicalement avec le professeur Léon-Jacques Delpech venu de l'université de Caen à celle de Paris VII. Mais le 29 février 1968 Virel publie avec le Dr. Frétigny leur livre « L'imagerie mentale, introduction à l'onirothérapie » où il noie la découverte de Desoille parmi tous ses concurrents (Janet, Binet, Happich, Daudet, Henry, Caslant, Nachmansonn, Guillery, Desnos, Godel, Clark ...) et il fonde son propre groupe de psychothérapie à l'Arbre Vert, 344 rue Saint Jacques et place St Julien le Pauvre, Paris 5ème 75005.
3. GIREDD. Dix-huit mois après sa mort, le 11 mars 1968 est fondé à Paris le GIREDD le Groupe international du Rêve éveillé dirigé de Desoille par quinze personnes : deux femmes (Fayol, Blanchard), trois psychologues (Delpech, Lévine, Nadal) et dix médecins (Boujard, Benoit, Dabhah, Deniau, Garnier, Guilhot, Katz, Launay, Maurey, Schnetzler). La présidente est Mme. le Dr. Fayol, vice-présidents le professeur Delpech et le Dr. Jean Guilhot, secrétaires les Dr. Launay, Maurey, Deniau, trésoriers Dr. Benoit et Nadal. Au début  seuls les médecins pouvaient être didacticiens.
    Le Groupe se divise entre les « psychanalystes » partisans d'une entrée pure et simple en psychanalyse et les « desoilliens » qui n'oublient pas le RE. Un groupe de « Défense de la mémoire de Robert Desoille », le CIRMEP se constitue et se réunit régulièrement chez M. et Mme. Guilhot. Mais peu à peu écoeurés par les violences de certains, les « desoilliens » partent les uns après les autres ou sont chassés (Dr. Boujard, Dr. Deniau, Dr. Jean-Pierre Schnetzler, Dr. Bernard Auriol, Robert Gérard, Pr. Roger Mucchielli, Dr. Monique Pellerin-Boumard (nièce de Desoille), Edith de Vriese, Michel Le Guennec, Pr. Delpech, Geneviève Lanfranchi ...).
4. CIPARE. Le 12 mars 1981 avec la lettre-programme pour « mettre aux oubliettes le vain problème de la spécificité du rêve éveillé » démissionnent 4 membres du Bureau sur 5, 6 didacticiens sur 11 et 3 membres du comité de rédaction de la Revue, plus les autres et tous leurs patients et supervisés. Ils fondent le CIPARE (Collège international de psychanalyse et d'anthropologie rêve éveillé). Mais comme ils sont devenus de vrais psychanalystes, rapidement ils suppriment le RE et deviennent le  CIPA en oubliant le rêve éveillé pour toujours.
5. Discussions et départs. Les discussions continuent sur les moteurs de la cure et sur le rôle du RE : accessoire, anecdotique, occasionnel, en dernier recours ? Alors que c'est le centre, le pivot de la cure, son moteur, pour d'autres le RE n'est qu'une technique mineure que l'on emploie, faute de mieux, lorsqu'il n'y a pas de rêve du sommeil. Ils ne comprennent pas que sans rien refuser de la psychanalyse, le RE permet d'ajouter une approche originale de l'inconscient, une mobilisation de l'imaginaire et l'accès à un niveau original de conscience (l'Eveil, le Surconscient, la Vacuité ou le Transpersonnel).
6. Puis souffle un vent mauvais et pour ne plus entendre le nom de Desoille, à l'Assemblée générale du 5 avril 1987 le Groupe devient le  GIREP (Groupe international du rêve éveillé en psychanalyse). Mais suffit-il d’enlever le nom du père pour le tuer ? Et l'on a beau demander ce que signifie « EN » (oiseau en cage, sucre en poudre, innocent en prison, Christ en croix ou mis en terre …) ? Le RE ne peut pas entrer purement et simplement dans la psychanalyse freudienne car il l'enrichit considérablement. Aussi vaut-il mieux parler de  PRE "Psychanalyse Rêve Eveillé", car c'est une authentique psychanalyse mais non-matérialiste et utilisant aussi la Psychanalyse des Hauteurs par conversion aux Valeurs.
7. Georges Romey fonde le rêve éveillé libre, (Arel) contre l’expression de « rêve éveillé dirigé » employée pendant un moment par Desoille. Dans son groupe la  psychanalyse personnelle préalable n’est plus obligatoire ou n’est pas la même.
 8. Desoille a des contacts avec le monde entier et forme des élèves dans toute l'Europe : Allemagne (Dr. Thomas et le groupe de Schultz), Belgique (Edith de Vriese), Espagne (Fernandez), Hollande ( van der Berg), Italie (Assagioli et son groupe, Fusini), Portugal (Prof. de Fonseca), Grande-Bretagne, USA, Suisse (Guillerey, Bevand),Argentine, Japon, etc. Mais, à la différence de l'Association de Psychanalyse de Freud ou de la Société analytique de Jung, il laisse une grande liberté aussi chaque élève enseigne ce qu'il a compris et monte son propre groupe dans son pays. On trouve donc du rêve-éveillé dans bien des pays du monde sous des noms très divers (Symbolic identification, dramaturgie, voyage imaginaire, visualisation créatrice, onirothérapie ...). On ne parle plus que de technique imaginative ou de libre association des images, en oubliant ce qui fait la richesse du rêve éveillé de Desoille.

Onirothérapie et packing



le Packing
ou
l'Enveloppement Humide Thérapeutique
 
 
1950-60
Un bref historique 
 

  • L'enveloppement humide thérapeutique (ou pack) est connu comme une technique corporelle thérapeutique qui s'adrese principalement au patient psychotique au sein d'une institution psychiatrique.
  • Pratique courante au 19ème siècle, il est ensuite rejeté avec l'ensemble des techniques hydrothérapiques qui avaient subi une dérive répressive dans la psychiatrie "aliéniste" de l'époque.
  • Dans "les années 50",  l'enveloppement humide est "redécouvert" aux Etats Unis par le psychiatre psychanalyste Woodburry à la clinique de Chesnut Lodge près de Washington, d'où il revient en Europe dans les années 60 (en Suisse, puis en France) sous le nom de "pack".
  • Au cours de ce périple, la technique et l'esprit du pack se sont trouvés considérablement transformés par l'écoute et la compréhension psychanalytiques. Le passage par les Etats Unis et par la psychanalyse a enrichi le pack et lui a permis d'acquérir la dimension d'une psychothérapie. 
  • Mais le cheminement du pack ne s'est pas arrêté là...

 
1978
  Une mutation récente
 

  • Le surgissement d'images mentales oniriques au cours des séances de pack a le plus souvent été négligé par les auteurs ayant publié et parfois même été confondu avec une manifestation hallucinatoire par les soignants et les thérapeutes qui l'ont utilisé.
  •  Dans les années 1978, l'un d'entre nous (Dr Cesaro, psychiatre) a constaté la production régulière d'images mentales oniriques au cours des séances de pack chez les patients traités dans le 2ème secteur de psychiatrie générale de la Sarthe (CHS Le Mans-Allones).
  • Cette constatation amène le Dr Cesaro à rencontrer "un spécialiste de l'image mentale", André Virel et à reconnaître le parallèlisme entre le pack et la décentration.
  • Un travail spécifique sur l'image mentale surgissant au cours des séances de pack devenait ainsi une piste possible pour un travail thérapeutique. Cette piste s'est rapidement révélée être une voie particulièrement intéressante et féconde.
  •   Les conceptions de André Virel sur la conduite des onirothérapies et celles de Gisela Pankow sur les "fonctions et la structuration dynamique de l'image du corps" ont puissamment contribué à faire évoluer le pack vers une méthode thérapeutique. Il était jusqu'alors considéré comme un outil de soin (outil certes limité mais précieux pour l'approche de patients dits "lourds", très gravement malades).
  • La transformation du pack en méthode thérapeutique telle qu'elle vient d'être brièvement évoquée n'est pas une simple formule. Les implications de cette évolution sont considérables. Il est devenu, par exemple, possible d'accompagner hors de la folie un certain nombre de patiens sans hospitalisation et, pour certains d'entre eux, sans utilisation de médication  psychotrope.
  • Certains de ces patients peuvent maintenant être considérés comme guéris puisqu'ils sont sortis de l'hôpital et ont pu mener une "vie normale" sans traitement depuis plus de 20 ans. Il est ensuite devenu possible d'envisager et de conduire des cures de patients psychotiques uniquement en ambulatoire (=sans hospitalisation): le pack devenait ainsi une méthode thérapeutique individuelle même s'il nécessite la présence d'au moins deux thérapeutes pour chaque séance.
  •  
 

Le pack: une méthode thérapeutique "adéquate" et un modèle pertinent 
 

  •  Ainsi l'évolution de la pratique du pack et sa seconde métamotphose ont contribué à révèler concrètement son potentiel de méthode thérapeutique individuelle adaptée à des patients, en général psychotiques qui ne pouvaient que très rarement bénéficier de psychothérapie. Le pack ouvre un accès psychothérapique à des patients qui traversent une période de troubles aigüs et à des patients qui se trouvent en situation d'impasse thérapeutique. Par le travail sur l'image mentale onirique qu'il rend possible, le pack peut être considéré, avec la décentration, comme une des onirothérapies (= psychothérapie qui utilise l'image mentale onirique).
  •   En s'adressant simultanément aux enveloppes soignante, corporelle et psychique, le pack retrouve les racines concrètes et préverbales de la Thérapie et il contribue ainsi à restituer à la psychothérapie, une efficacité thérapeutique qui s'etait perdue avec "le tout symbolique".
  • Ainsi le pack révèle sa nature, celle d' un modèle psychothérapique nouveau qui renoue cependant avec certaines pratiques ancestrales. Ce modèle est désigné par l'expression " psychothérapies d'enveloppement".

Onirothérapie et décentration


Qu'est-ce que la décentration?
La décentration est une technique de mise en condition utilisée dans l'onirothérapie d'intégration pour permettre au sujet d' accéder à un surgissement spontané d'images mentales oniriques.
Le sujet est habituellement allongé, les yeux fermés, dans une pièce obscure ou aux éclairages très atténués.
Il lui est demandé d'oublier ce qu'il peut savoir de la concentration et de la relaxation. Par définition, la concentration implique un effort d'attention sur un département sensoriel ou sur une fonction sensorielle. Ici le sujet doit s'abstenir de tout effort, d'où le nom de décentration donné à la technique. Toute attention doit s'effacer pour une attente.
Le but de la mise en condition n'est pas la recherche d'un état de relaxation, puisqu'il convient ici d'accepter les contractures qui précèdent généralement, et parfois de façon douloureuse, le stade de dissociation de l'image corporelle.
Initialement, la technique digitale peut faciliter l'entrée dans cet état d'attente passive. Le sujet est amené à abandonner les filtrages habituels imposés à ses perceptions sensorielles, et à percevoir par exemple la circulation du sang à l'extrêmité de ses doigts.
La palpitation du sang emplit le champ de la conscience perceptive. Les mains semblent grossir, se déformer, changer de position souvent de façon dissymétrique. Puis les divers départements sensoriels parlent anarchiquement. (...)
(extrait de l'article "décentration", André VIREL, "Vocabulaire des psychothérapies", Fayard, 1977)
Pourquoi la décentration?
Au début du siècle, la psychothérapie a privilégié soit la libre association d'idées (psychanalyse) soit le surgissement d'images (techniques d'imagerie mentale). Les uns mettaient l'accent sur une démarche intellectualisante, les autres privilégiaient l'affectif et le vécu des imageries.
Choisir la voie des images ne veut pas pour autant rejeter la prise de conscience des problèmes. Mais ce n'est pas la prise de conscience intellectuelle qui conduit à résoudre la structure névrotique, c'est le vécu onirique qui libérant la fonction biologique de l'imaginaire, engendre la prise de conscience.
    Pour parvenir à cette libération de l'imaginaire, une mise en condition corporelle préalable est nécessaire: c'est la technique de Décentration mise au point par André VIREL. La décentration ne saurait être confondue avec les différentes techniques de relaxation où il s'agit de relaxer le corps pour apaiser le psychisme. Dans un premier temps, la décentration vise au contraire à la somatisation, la corporalisation des tensions et cela se traduit par des contractures, des douleurs. La parole est donnée au corps, il devient sujet. Il est demandé au sujet, allongé, paupières closes, de s'abstenir de tout effort d'attention, de concentration afin de permettre à chaque territoire sensoriel de s'exprimer librement. Le sujet, en état de conscience hyponoïde et en niveau de conscience abaissée, dans un vécu passif devient alors disponible à tout ce qui viendra du fond de lui-même. Pour bien nous faire comprendre, nous précisons au sujet: "laissez venir tout ce qui vient de votre corps et non ce qui vient dans votre tête". D'un point de vue physiologique, cette introduction a pour but de permettre au sujet d'abandonner les filtrages imposés à nos perceptions sensorielles dans notre vie relationnelle de chaque jour. Ce qui revient à dire que le sujet se met à sentir ce qui se passe à l'intérieur de son corps en permanence mais auquel il ne prête pas d'attention dans sa vie à l'état de veille. Ainsi le sujet perçoit par exemple, la pulsation sanguine au niveau de ses empreintes digitales. (...)
(Extrait de: "faut-il rescusciter PAN" in A. VIREL "De la peur Initiale à l'Initiatique".)

Les médicaments psychiatriques : traitement ou charlatanisme ?



par Lawrence Stevens, J.D., avocat
traduit de l’anglais par Denis Masse
Les médicaments psychiatriques ne valent rien, et la plupart sont dangereux. Plusieurs causent des dommages permanents au cerveau, aux doses habituellement utilisées. Ces médicaments ainsi que la profession qui défend leur utilisation sont dangereux pour votre santé.
LES ANTIDÉPRESSEURS

Le manuel The Comprehensive Textbook of Psychiatry/IV, publié en 1985, affirme: “Les médicaments de la famille des tri-cycliques sont les antidépresseurs les plus efficaces” (Williams & Wilkins, p. 1520). Mais, dans son livre Overcoming Depression (Vaincre la dépression), publié en 1981, le Dr. Andrew Stanway, un médecin britannique, affirme: “si les antidépresseurs étaient réellement aussi efficaces qu’on nous le fait croire, les taux d’admission dans les hôpitaux pour dépression auraient sûrement diminué depuis les vingt ans qu’ils sont disponibles. Hélas cela n’est pas arrivé. […] Plusieurs études ont trouvé que les tri-cycliques sont à peine plus efficaces que des placebos et certaines ont même trouvé qu’ils n’étaient pas aussi efficaces que des comprimés bidons.” (Hamlyn Publishing Group, Ltd., p. 159-160).
Dans son manuel Electroconvulsive Therapy (La thérapie par électrochoc), Richard Abrams, médecin, professeur de psychiatrie à l’École de médecine de Chicago, explique la raison de la réédition, en 1988, de son livre publié 6 ans auparavant: “Durant ces 6 années, l’intérêt pour les électrochocs s’est grandement accru”. […] Qu’est-ce qui est responsable pour cette volte-face dans la psychiatrie américaine? Peut-être une désillusion avec les antidépresseurs. Aucun ne fut trouvé d’une efficacité thérapeutique supérieure à l’imipramine (un tri-cyclique), âgé maintenant de 30 ans, et les substances introduites plus récemment sont souvent soit moins efficaces ou bien plus toxiques, ou les deux, que les médicaments plus anciens." (Presses de l’Univ. Oxford, p. xi).
Dans son livre, le Dr. Abrams affirme: “Malgré les affirmations des fabricants, il n’y a eu aucun progrès significatif dans le traitement pharmacologique de la dépression depuis l’introduction de l’imipramine en 1958.” (p. 7). Dans la préface de ce livre, Max Fink, médecin, professeur de psychiatrie de l’Université de l’État de New-York à Stony Brook, dit que la raison pour l’usage accru des électrochocs (aussi appelés “thérapies” électroconvulsives ou TEC) comme traitement de la dépression, est ce qu’il appelle “le désappointement au sujet de l’efficacité des médicaments psychotropes” (p. vii).
Dans son livre, Les médicaments psychiatriques: danger pour le cerveau, publié en 1983, le psychiatre Peter Breggin, médecin, affirme: “La chose la plus importante à dire, au sujet des antidépresseurs les plus fréquemment utilisés, est qu’ils n’ont pas d’effet antidépressif spécifique.” Comme les neuroleptiques, auxquels ils ressemblent beaucoup chimiquement, ils sont hautement neurotoxiques et handicapant pour le cerveau, leurs effets étant le résultat d’un dérangement de la fonction cérébrale normale. [...] Seule “l’opinion clinique” des défenseurs des médicaments défend l’effet antidépressif de ces prétendus  antidépresseurs. (Springer Pub. Co., pp. 160 & 184).
Un article du magazine Newsweek, daté du 7 février 1994 dit que “le Prozac […] et  ses cousins chimiques comme le Zoloft et le Paxil ne sont pas plus efficaces contre la dépression que les traitements plus vieux.” (p. 41). La plupart des gens à qui j’ai parlé et qui avaient pris ces prétendus antidépresseurs, incluant le Prozac, ont dit que le médicament n’avait pas fonctionné pour eux. Ceci jette un doute sur les affirmations, souvent faites, que 60% ou plus de ceux qui prennent ces médicaments en bénéficient.

LE LITHIUM

On dit que le lithium peut aider les gens dont l’humeur change périodiquement de très joyeuse à très mauvaise. Les psychiatres appellent cela le trouble maniaco-dépressif ou maladie bipolaire. Le lithium fut décrit pour la première fois comme un médicament psychiatrique en 1949 par le psychiatre australien John Cade. Selon un traité de psychiatrie, “pendant qu’il faisait des expériences sur les animaux, Cade remarqua, presque par hasard, que le lithium rendait les animaux léthargiques, ce qui lui donna l’idée d’administrer cette substance à plusieurs patients psychiatriques agités.” Selon ce traité, “ce fut un moment clé dans l’histoire de la psychopharmacologie”. (Harold I. Kaplan, M.D. & Benjamin J. Sadock, M.D., Clinical Psychiatry, Williams & Wilkins, 1988, p. 342). Mais si vous ne voulez pas être léthargique, prendre du lithium serait d’un avantage douteux. Un supporter du lithium comme thérapie psychiatrique admet que le lithium cause “un sentiment plutôt dépressif, généralement léthargique”. Il appelle ça “la léthargie standard” causée par le lithium. (Roger Williams, "A Hasty Decision? Coping in the Aftermath of a Manic-Depressive Episode", American Health Magazine, octobre 1991, p. 20). De la même manière, un membre de ma famille fut diagnostiqué comme maniaco-dépressif et on lui donna une ordonnance pour du carbonate de lithium. Il me confia, des années plus tard: “Le lithium me protégeait de mes hauts mais pas de mes bas.” Cela ne doit pas être une surprise qu’un médicament induisant la léthargie ait cet effet. Aussi surprenant que cela puisse paraître, les psychiatres affirment quelquefois que le lithium efface les sentiments de dépression, comme si c’était possible qu’un médicament provoquant la léthargie comme le lithium (ainsi que la plupart des médicaments psychiatriques) n’augmente pas les sentiments de dépression et de mal-être – même si on leur donnent le nom d’antidépresseurs.

MÉDICAMENTS TRANQUILISANTS ET ANXIOLYTIQUES

Parmi les médicaments les plus prescrits figurent ceux de la classe des tranquillisants ou anxiolytiques, incluant le Valium, le Librium, le Xanax et l’Halcion. Les médecins qui les prescrivent disent qu’ils ont des effets calmants, combattent l’anxiété, la panique ou bien sont utiles pour aider à dormir. Quiconque croit ces affirmations devrait aller à la bibliothèque la plus proche et lire l’article “High Anxiety” dans le numéro de janvier 1993 du magazine Consumer Reports, ou bien lire le chapitre 11 du livre Toxic Psychiatry (St. Martin's Press, 1991), par le psychiatre Peter Breggin, les deux affirmant que le contraire est plus près de la réalité. Comme tous ou presque tous les médicaments psychiatriques, les prétendus "anxiolytiques" ne guérissent rien mais sont plutôt des substances handicapant le cerveau. Lors d’un essai clinique, 70% des personnes prenant de l’Halcion “ont développé des pertes de mémoire, de la dépression et de la paranoïa” (“Le fabricant de l’Halcion, Upjohn Co., défend un somnifère controversé”, Miami Herald, 17 décembre 1991, p. 13A). Selon le Newsweek du 17 février 1992, “quatre pays ont déjà interdit ce médicament” (p. 58). Dans son livre Toxic Psychiatry, le psychiatre Peter Breggin, parlant des tranquillisants, dit: “comme la plupart des médicaments psychiatriques, l’usage d’un médicament finit par causer une augmentation des mêmes symptômes que le médicament est supposé améliorer” (ibid, p. 246).
LES MÉDICAMENTS PSYCHIATRIQUES ET LE SOMMEIL :
DISTINCTION ENTRE LE SOMMEIL ET L’INCONSCIENCE PROVOQUÉE PAR LES MÉDICAMENTS
Contrairement à l’affirmation que les neuroleptiques, les tranquillisants et les prétendus antidépresseurs sont de bons somnifères, leur véritable effet est d’inhiber ou de bloquer le vrai sommeil. Une fois que je me présentais à un cours de psychiatrie, avec un ami étudiant en médecine, le professeur nous a dit: “La recherche a montré que nous n’avons pas besoin de dormir mais que nous avons grandement besoin de rêver.” Le stade du sommeil où nous rêvons est le plus important. La plupart des médicaments psychiatriques, y compris ceux promus comme somnifères ou tranquillisants, inhibent ce stade très important du sommeil, provoquant un état qui ressemble au sommeil mais qui est véritablement un état d’inconscience sans rêves – pas du sommeil. Le sommeil, en d’autres mots, est une activité mentale importante qui est altéré ou stopé par la majorité des médicaments psychiatriques.
Un magazine de développement personnel conseille: “Ne prenez des somnifères que sur ordre du médecin et pendant pas plus de dix nuits consécutives. En plus de perdre de leur efficacité et de provoquer une dépendance, les somnifères réduisent ou empêchent le stade de rêve du sommeil qui est nécessaire à la santé mentale” (magazine Going Bonkers?, premier numéro, p. 75).
Dans le livre The Brain Book, le professeur Peter Russell Ph.D., de l’Université du Rhode Island, dit: “Durant le sommeil, et particulièrement durant les périodes de rêve, des protéines et autres substances du cerveau utilisées pendant la journée sont régénérées.” (Plume, 1979, p. 76).
Des expériences de privation du sommeil sur des gens normaux ont montré que le manque de sommeil cause des hallucinations s’il dure assez longtemps. (Maya Pines, The Brain Changers, Harcourt Brace Jovanovich, 1973, p. 105). Alors que croyez-vous que sont les conséquences du fait de prendre des médicaments qui inhibent ou bloquent le vrai sommeil?
LES NEUROLEPTIQUES/ANTI-PSYCHOTIQUES/ ANTI-SCHIZOPHRÉNIQUES
LA DYSKINÉSIE TARDIVE
Aussi dangereux que soient les prétendus antidépresseurs, le lithium et les prétendus anxiolytiques (tranquillisants), ils sont loin d’être aussi dommageables que les neuroleptiques, aussi appelés “antipsychotiques” ou “anti-schizophréniques”. Inclus dans cette catégorie sont le Largatil (chlorpromazine), le Mellaril, le Prolixin (fluphenazine), le Compazine, le Stelazine et l’Haldol (haloperidol), ainsi que plusieurs autres. Tenant compte de leurs effets psychologiques, ces prétendus neuroleptiques provoquent le mal-être et non la tranquillité. Ils bloquent (physiquement et par leur action neurologique) en grande partie les facultés d’agir et de penser d’une personne, et cela même aux doses courantes. En handicapant les gens, ils peuvent arrêter presque n’importe quelle pensée ou comportement que le “thérapeute” veut arrêter. Mais ceci ne fait que handicaper une personne, ce n’est pas une thérapie. Le médicament arrête temporairement, ou détruit de façon permanente, les bons comme les mauvais côtés de la personnalité d’une personne. À quel degré le handicap provoqué par le médicament peut disparaître en arrêtant la prise du médicament dépend de la durée de la prise et du dosage administré. Les prétendus médicaments neuroleptiques/antipsychotiques endommagent le cerveau d’une manière plus directe, plus grave et plus permanente que n’importe quelle autre classe de médicaments utilisée en psychiatrie.
Les docteurs Joyce G. Small et Iver F. Small, tous deux professeurs de psychiatrie à l’Université de l’Indiana, critiquent les psychiatres qui utilisent des “psychotropes qui sont connus comme ayant des effets neurotoxiques”, et parlent “de la prise de conscience de plus en plus répandue des effets secondaires indésirables à long terme et quelquefois permanents sur la fonction cérébrale provoqués par les neuroleptiques. La preuve des dommages du cerveau n’est pas mince mais plutôt grossièrement évidente, même pour l’observateur non-initié!” (Behavioral and Brain Sciences, mars 1984, Vol. 7, p. 34).
Selon Conrad M. Swartz, Ph.D., médecin., professeur de psychiatrie à l’École médicale de Chicago, “bien que les neuroleptiques soulagent l’anxiété psychotique, leur effet calmant s’étend à d’autres aspects subtils de la personnalité, dont l’initiative, les réactions émotionnelles, l’enthousiasme, le désir sexuel, l’attention, et la perception du soi. […] Ceci, en plus des effets secondaires, le plus commun étant des mouvements involontaires, sont la preuve de l'altération du cerveau” (Behavioral and Brain Sciences, mars 1984, Vol. 7, pp. 37-38).
Le Mental and Physical Disability Law Reporter, dans un rapport publié en 1985, indique que les tribunaux des États-Unis ont finalement commencé à considérer que l’administration involontaire des prétendus antipsychotiques/neuroleptiques pourrait être affectée par les droits donnés par le premier amendement de la Constitution des États-Unis. “Parce que […] les médicaments antipsychotiques ont la capacité de nuire gravement et même pour la vie à la faculté de penser et de communiquer d’une personne” (“Les plaintes concernant l’administration involontaire de médicaments sont en progression, janvier-février 1985, p. 26).  Dans Les molécules du cerveau: la nouvelle science utopique de la psychologie moléculaire (Molecules of the Mind: The Brave New Science of Molecular Psychology), le Professeur Jon Franklin a noté: “Cette ère coïncida avec une prise de conscience croissante que les neuroleptiques, non seulement ne guérissaient pas la schizophrénie, – mais qu’ils endommageaient en fait le cerveau. Soudainement, les psychiatres qui les utilisaient, comme auparavant leurs patients marginaux, furent suspectés de nazisme et même pire” (Dell Pub. Co., 1987, p. 103).
Dans son livre Les médicaments psychiatriques: danger pour le cerveau  (Psychiatric Drugs: Hazards to the Brain), le psychiatre Peter Breggin allègue qu’en utilisant des médicaments qui endommagent le cerveau, “la psychiatrie a libéré à travers le monde une épidémie qui atteint de un à deux millions de personnes chaque année” (op. cit., pp. 109 et 108). Dans les cas graves, le dommage au cerveau provoqué par les neuroleptiques prend la forme de mouvements corporel anormaux appelés "dyskinésie tardive". Mais la dyskinésie tardive est seulement la pointe de l’iceberg des dommages cérébraux causés par les neuroleptiques. Les facultés supérieures du cerveau sont plus vulnérables et sont dérangées avant les fonctions élémentaires comme le contrôle musculaire.
Le professeur de psychiatrie, le docteur Richard Abrams, médecin, a reconnu que “la dyskinésie tardive a maintenant été détectée après de courts traitements avec des médicaments neuroleptiques (Benjamin B. Wolman [éditeur], The Therapist's Handbook: Treatment Methods of Mental Disorders [Le Manuel du Thérapeute : méthodes de traitement des troubles mentaux], Van Nostrand Reinhold Co., 1976, p. 25).  Dans son livre The New Psychiatry (La nouvelle psychiatrie), publié en 1985, le professeur Jerrold S. Maxmen, médecin, de l’Université Columbia, allègue: “le meilleur moyen d’éviter la dyskinésie tardive est d’éviter complètement les médicaments antipsychotiques. À l’exception du traitement de la schizophrénie, ils ne doivent jamais être utilisés plus de deux à trois mois consécutifs. Ce qui est criminel, c’est que beaucoup trop de patients reçoivent des antipsychotiques qu'ils ne devraient pas recevoir.” (Mentor, pp. 155-156). En fait, le Dr. Maxmen ne va pas assez loin. Sa qualification de l’administration des soi-disant médicaments antipsychotiques/anti-schizophréniques/neuroleptiques comme “criminelle” est correcte pour tous les gens, y compris ceux appelés schizophrènes, même si les médicaments ne sont pas donnés assez longtemps pour que les dommages au cerveau en arrivent à la dyskinésie tardive.
L’auteur de la préface d’un livre de quatre médecins, publié en 1980, Tardive Dyskinesia: Research & Treatment (Dyskinésie tardive : recherche et traitement) a fait ces remarques: “À la fin des années soixante, j’ai fait un résumé de la littérature sur la dyskinésie tardive […]. La majorité des psychiatres, ou bien ignoraient l’existence de ce problème, ou bien faisaient des efforts vains pour prouver que ces anomalies motrices étaient cliniquement négligeables ou sans rapport avec la thérapie médicamenteuse. Pendant ce temps, le nombre de patients souffrant de dyskinésie tardive augmenta et les symptômes empirèrent pour ceux ayant cette maladie […]. Il y a peu de chercheurs ou de cliniciens qui ont encore des doutes sur la nature iatrogène [d’origine médicale] de la dyskinésie tardive. […] Il est évident que plus une personne en apprend sur les effets toxiques des neuroleptiques sur le système nerveux central, plus elle voit la nécessité de revoir nos pratiques médicales concernant ces médicaments. Il est malheureux que de nombreux praticiens continuent à prescrire des psychotropes à des doses excessives, et qu’un nombre considérable d’institutions psychiatriques n’ont pas encore mis en œuvre une politique concernant l’administration et la prévention de la dyskinésie tardive. Si ce livre, qui représente les opinions des experts dans ce domaine, peut mettre en évidence la complaisance de nombreux psychiatres, ce ne sera pas une petite réussite.” (in: William E. Fann, M.D., et al., Tardive Dyskinesia: Research & Treatment [Dyskinésie tardive : recherche et traitement], SP Medical & Scientific).
Dans Psychiatric Drugs: Hazards to the Brain (Médicaments psychiatriques: danger pour le cerveau), le psychiatre Peter Breggin dit ceci: “Les neuroleptiques sont des substances extrêmement toxiques, ils sont des poisons pour de nombreux organes du corps. Ce sont particulièrement des neurotoxines très puissantes, et ils produisent fréquemment des dommages permanents au cerveau. […] La dyskinésie tardive peut se développer avec de faibles doses, pour un court laps de temps. […] La démence [perte des fonctions cérébrales supérieures] associée à la dyskinésie tardive est habituellement irréversible. […]  Rarement me suis-je senti plus triste ou plus impuissant que par la négligence de la psychiatrie à admettre l’évidence qu’elle est en train de causer des lobotomies irréversibles, des psychoses, et la démence chez des millions de patients à cause des traitements aux neuroleptiques.” (op. cit., pp. 70, 107, 135, 146).
Richard Abrams, médecin, professeur de psychiatrie, a mis en évidence que “Les antidépresseurs tri-cycliques sont chimiquement des modifications mineures de la chlorpromazine [Largatil] et furent introduits comme des neuroleptiques potentiels.” (B. Wolman, The Therapist's Handbook [Le manuel du thérapeute], op. cit., p. 31). Dans son livre Psychiatric Drugs: Hazards to the Brain [Médicaments psychiatriques: danger pour le cerveau], le Dr. Breggin appelle prétendus antidépresseurs “des neuroleptiques déguisés” (p. 166). Le psychiatre Mark S. Gold, médecin, a dit que les antidépresseurs peuvent causer la dyskinésie tardive. (The Good News About Depression [La bonne nouvelle à propos de la dépression], Bantam, 1986, p. 259).
Pourquoi les prétendus patients acceptent-ils une telle “médication” ? Quelquefois, ils sont ignorants des dommages neurologiques qu’ils s’imposent eux-mêmes en suivant les conseils de leur psychiatre qui leur conseille de prendre ce “médicament”. Mais souvent, si ce n’est pas la plupart du temps, ils sont forcés de prendre le neuroleptique, contre leur volonté. Dans son livre, Psychiatric Drugs: Hazards to the Brain, Peter Breggin dit: “de manière répétée, dans mon expérience clinique, j'ai vu des patients plongés dans une angoisse et une colère profondes parce qu’ils étaient forcés de prendre des neuroleptiques. […] Le problème est si répandu dans la pratique hospitalière quotidienne qu’une grande proportion doivent subir la menace d’une injection intramusculaire forcée avant qu’ils ne prennent le médicament.” (p. 45).
COMPARAISON ENTRE LE TRAITEMENT PSYCHIATRIQUE FORCÉ ET LE VIOL
L’administration forcée d’un médicament psychiatrique (ou d’un prétendu traitement comme les électrochocs) est une sorte de tyrannie qui peut être comparée, physiquement et moralement, au viol. Comparez le viol sexuel et l’administration involontaire d’un médicament psychiatrique, injecté intra-musculairement dans une fesse, qui est la partie de l’anatomie où l’injection est habituellement faite : dans le viol sexuel comme dans l’administration involontaire d’un médicament psychiatrique, la force est utilisée. Dans les deux cas les pantalons de la victimes sont abaissés. Dans les deux cas, un tube est inséré dans le corps de la victime contre son gré. Dans le cas du viol sexuel, le tube est un pénis. Dans le cas de ce qu’on pourrait appeler un viol psychiatrique, le tube est une aiguille hypodermique. Dans les deux cas, un fluide est injecté dans le corps de la victime contre son gré. Dans les deux cas, c’est dans (ou près) du derrière. Dans le cas du viol sexuel, le fluide est du sperme. Dans le cas du viol psychiatrique, le fluide est du Largatil, du Prolixin ou une autre drogue handicapant le cerveau. L’invasion corporelle est similaire dans les deux cas, sinon (pour des raisons que j’expliquerai) pire, dans le cas du viol psychiatrique. Similaire aussi est le sentiment d’outrage dans l’esprit de la victime de chaque type d’agression. Comme le disait Thomas Szasz, professeur de psychiatrie, “la violence est la violence, peut importe qu’elle soit nommée une maladie psychiatrique ou un traitement psychiatrique”. Certains, qui ne sont pas “hospitalisés” (c’est-à-dire emprisonnés), sont forcés, sous la menace d’emprisonnement (“hospitalisation”), de se présenter dans un cabinet de médecin toutes les deux semaines pour une injection d’un neuroleptique à longue durée d’action comme le Prolixin.
Pourquoi le viol psychiatrique est-il pire que le viol sexuel? […] La partie de votre corps la plus essentielle et la plus intime n’est pas celle entre vos jambes mais celle entre vos oreilles. Une agression du cerveau d’une personne comme l’imposition d’un “traitement“ handicapant ou dommageable pour le cerveau (comme un psychotrope, un électrochoc ou une chirurgie cérébrale) est un crime visant l’intimité moralement plus horrible qu’un viol sexuel. En termes moraux, le viol psychiatrique est un crime plus grave que le viol sexuel pour une autre raison: l’administration involontaire des “thérapies” biologiques de la psychiatrie provoque des dommages permanents au cerveau. Ceci, contrastant avec le fait que, chez la femme violée, la fonction sexuelle reste habituellement intacte. Elles souffrent bien sûr d’un traumatisme psychologique, mais les victimes d’agressions psychiatriques aussi. J’espère que ces propos ne seront pas interprétés comme minimisant le traumatisme et l’horreur du viol sexuel si je fais la remarque que j’ai défendu en justice des femmes victimes de viol sexuel et que chacune de cette demi-douzaine (environ) de femmes que j’ai connues ont repris une vie sexuelle apparemment normale, et dans la plupart des cas se sont mariées et ont fondé une famille. Au contraire, les cerveaux des personnes ayant subi l’agression psychiatrique ne sont souvent pas complètement fonctionnels à cause des dommages physiques et biologiques provoqués par le “traitement”. Dans un débat télévisé en 1990, le psychanalyste Jeffrey Masson, Ph.D., a dit qu’il souhaitait que les responsables de telles “thérapies” feront face un jour à des “procès de type Nuremberg” (Geraldo, Nov. 30, 1990).
Lawrence Stevens, avocat, a défendu des patients psychiatriques en justice. Ses écrits ne sont pas protégés par le droit d’auteur. Vous êtes encouragés à en faire des copies pour en faire bénéficier d’autres personnes.

Rêve et religion





Le rêve et la religion

La croyance à l'origine divine des songes est une croyance universelle. On connait les songes que Zeus envoie à Agamemnon, les songes et les visions qu'accorde Apollon à Delphes, notamment à Oreste. Dans l'orphisme et l'école de Pythagore on enseigne que la communication avec le ciel s'effectue uniquement pendant le sommeil, moment où l'âme s'éveille, doctrine identique qu'on retrouve chez les écrivains juifs et arabes du moyen-âge. Ibn Khaldoun 1332-1406 nous renseigne sur la pratique ritualisée des rêves mantiques chez les musulmans. L'oniromancie babylonienne n'avait rien à apprendre de la Grèce. Le songe prophétique est bien connu chez les Sémites, dont témoigne l'Ecriture Sainte.

Le chamanisme de Sibérie
  • La croyance la plus répandue chez tous les peuples sibériens est que la vie du corps dépend de l'âme. Gardant une certaine autonomie, elle peut s'évader pendant la phase du sommeil, et le rêve témoigne de cette évasion. Cette absence temporaire est sans danger, à condition qu'on ne réveille pas brutalement quelqu'un qui dort. Chez les Xant-Mansi, on dessine un tétras sur les berceaux des nourrissons afin que l'âme de celui-ci ne s'en aille pas trop loin. Si elle se fait prendre par les esprits, la mort est inéluctable, à moins que le chaman intervienne. Cette absence d'âme peut aussi être attribuée à d'autres états proches du rêve comme l'ivresse et la maladie (surtout mentale), d'où la pratique chamanique du rappel de l'âme dans le corps. Enfin, cette absence est définitive en cas de décès.

  • Dans les sociétés chamaniques, certains types de rêves vont apporter la chance au chasseur. S'il rêve de la fille de l'esprit de la Forêt (et des Eaux aussi pour les Selkup), c'est-à-dire du donneur de gibier (donneur de chance), sa chasse sera couronnée de succès. La fille de l'esprit de la Forêt peut apparaître différente à chaque rêve, en vertu de la "pluralité d'entités particulières, localisées". "Elle est toujours très belle et le plus souvent nue, séductrice et exigeante". En échange du gibier, elle demande les plaisirs humains (amour, contes et chants). L'épouse du chasseur devine d'ailleurs au gibier rapporté si son mari a une maîtresse surnaturelle. Il existe un interdit de pratiquer l'acte sexuel avant la chasse, avec son épouse notamment. Mais il est de bon présage d'avoir un rêve où le chasseur désire une femme sylvestre. Mais cette séduction a un prix : à terme elle signifie la mort du chasseur, la fille de l'esprit de la Forêt cherchant à le retenir. Elle le rend fou et le fait mourir. Les Tongouses expliquent les morts violentes des chasseurs par l'amour que leur porte l'ourse. Pour les Turco-mongols, les filles d'esprit doivent tuer les chasseurs pour les avoir comme maris.

  • Toujours en Sibérie, les chamans voient en rêve l'élan ou le renne dont la peau va lui servir à confectionner son tambour. Le rêve lui permet de savoir où le trouver et comment le reconnaître. Il ne lui restera plus qu'à faire part de ces renseignements au chasseur pour que celui-ci aille le tuer. Cette recherche peut durer une année entière. Le tambour est un objet essentiel pour exercer l'activité de chaman. Outre le fait qu'il fait participer la communauté entière, le chaman épouse en quelque sorte son tambour puisqu'il matérialise son alliance surnaturelle avec la fille de l'esprit de la Forêt[16]. C'est dire la fonction sacrée de ce type de rêve.

  • Toujours chez le chaman, certains type de rêve s'inscrivent dans le cadre de l'initiation. Ils se produisent d'ailleurs souvent pendant une maladie. Dans ces rêves, il existe des thèmes récurrents : rencontres avec des figures divines (Dame des Eaux, Seigneur des Enfers, Dame des animaux), esprits-guides, révélations sur les maladies et leur traitement, dépeçage et découpage du corps du chaman.
La Grèce antique
  • Morphée
Dans la mythologie grecque, Morphée désigne les songes. Fils d'Hypnos (le Sommeil) et de Nyx (la Nuit), il est représenté avec des ailes battant rapidement et silencieusement, qui lui permettent de voler et lui confèrent l'ubiquité. C'est en effleurant un dormeur avec une fleur de pavot qu'il lui procure un rêve. Il fut foudroyé par Zeus pour avoir communiqué des secrets aux mortels.
Morphée désigne la forme qui se révèle dans le sommeil, car il peut emprunter la forme qu'il désire. Thanatos, celui qui donne la mort, est le frère jumeau d'Hypnos. La nuit, le voyageur peut boire dans les eaux du Styx, soit à la source de Mnémosyne, et Hypnos le laisse se réveiller, soit à la source du Lhété, et Thanatos le retient dans les Enfers[18]. Selon une autre tradition grecque, le dieu du rêve est Oneiros, moins célèbre de nos jours, mais qui parce que son nom signifie "rêve" nous a lègué une précieuse étymologie.
  • L'oniromancie
Le médecin grec Hippocrate (-400) a consacré un traité aux rapports entre des contenus oniriques et diverses maladies : ainsi, voir en rêve une mer agitée « pronostique l'affection du ventre », voir du rouge témoigne d'une surabondance de sang, etc. Par contre, l'onirocritique s'attachera surtout aux valeurs prémonitoires des données vues en rêve, décodées de façon symbolique à l'aide de diverses « clés des songes » (voir Artémidore).

Vision religieuse
  • Songes et Prophéties
S'il y a parmi vous un prophète, c'est en vision que je me révèle à lui, c'est dans un songe que je lui parle Nb12,6.

Les songes (somnium) et les visions (visio) prophétiques occupent une place importante dans l'ancien et le nouveau testament. Bien que les visions ne soient pas subordonnées au sommeil, comme c'est le cas dans les songes, il n'est pas toujours aisé de différencier les deux dans les textes bibliques.
La prophétie est cependant contraignante et expose le prophète : Livre de Jérémie#Chapitre 20. Inversement, lorsque la prophétie fait défaut, les songes ne sont plus habités par Dieu : ainsi Saül se plaint Et Dieu m'a abandonné et ne me répond plus, ni par les prophètes ni par les songes. Premier livre de Samuel#Premier livre de Samuel 28

Selon Maïmonide 1135-1204, toutes les prophéties et manifestations révélées aux prophètes se font en songe ou en vision, apportées ou non par un ange, que les voies et moyens utilisés soit mentionnés ou non. Selon lui, les révélations s'obtiennent dans une vision, et le prophète en saisit la signification dès son réveil. Pour les non prophètes : nous-mêmes rêvons que nous sommes éveillés et racontons un songe à quelqu'un qui nous l'explique, témoignant de la nécessité d'un interprète[27]. Pour Ibn Khaldoun 1332-1406, il y avait deux types de songes pour rendre compte des écritures saintes : le songe véridique qui est une révélation évidente de la présence divine. Il obligeait au réveil immédiat et son impression était si forte et si durable que le sujet ne pouvait l'oublier. Et le songe ordinaire qui nécessite un effort de remémoration et une interprétation, c'est le prototype du songe symbolique ou allégorique : Joseph est l'interprète des rêves du Pharaon en Egypte Genèse - Crampon#Chapitre 41, idem pour Daniel auprès du roi Nabuchodonosor II à Babylone.

Les prophètes sont les interlocuteurs privilégiés de Dieu, ils sont choisi par Lui. L'état de sommeil permet la suppression des sens corporels, et c'est une des théories fournie par Maïmonide pour expliquer la réception de l'émanation envoyée par Dieu. Sur la base d'une faculté imaginative très développée, la prophétie est une perfection acquise, mais qui peut être troublée par la tristesse, la colère et la fatigue. Pour Ibn Khaldoun, les songes de réelle et totale importance viennent de Dieu et ceux qui demandent à être interprétés viennent des anges.

Entre la prophétie et la divination, la frontière est mince. La Loi Biblique est pourtant claire quand à la divination : Vous ne pratiquerez ni divination ni incantation. Les faux prophètes sont hors la Loi, c'est le Deutéronome qui légifère sur les faux prophètes : Si quelque prophète ou faiseur de songes surgit ... tu n'écouteras pas les paroles de ce prophète ni les songes de ce songeur Deu 13,2-4. Et c'est Jérémie qui y consacre un livret : Livre de Jérémie - Crampon#Chapitre 23
La divination était une abomination chez les prophètes de Yahvé, excepté le cas des Ourim et Thoummim. Parmi les procédés de divination, il y avait : le discours rimé, saj en arabe, marque distinctive du devin (kâhin), sorcellerie, observateurs de corps transparents, d'organes comme le cœur, le foie, les os, les mouvements d'animaux, d'objets (cailloux : cléromancie), l'astrologie ...

Les possédés, majnûn en arabe, meshugga en hébreu, est un cas particulier puisqu'il fait référence aux jinns, créatures sémitiques qui s'approprient la forme humaine. A l'origine, ils pouvaient être un individu possédé par un esprit amical, et qui plus tard, on été vu comme ceux qui s'unissaient aux humains, comme les fils d'élohim qui prirent les filles des hommes parce qu'elles étaient belles, ou encore comme des aliénés dans leurs délires furieux, des extatiques, ou des épileptiques.

D'après Maïmoïde, Moïse seul fit exception à la règle qui veut que Dieu communique sa volonté à ses prophètes par les songes et les visions : Il n'en est pas ainsi de mon serviteur Moïse, toute ma maison lui est confiée. Je lui parle faca à face dans l'évidence, non en énigmes. Nb 12,7-8.

Bien que les songes ordinaires soient considérés comme des vanités, trompeurs et impurs, dans la vision apocalyptique du livre de Joël, l'effusion de l'esprit se répandra sur toute chair : vos fils et vos filles prophétiseront, vos anciens auront des songes, vos jeunes gens des visions. Joël 3,1.
  • Songes ordinaires et divinatoires, blâmés par les prophètes :
Siracide 34,1-8 : de la vanité des songes, sauf s'ils sont envoyés du Très-Haut.

Jr 29,8 : Dans la lettre adressée par Jérémie aux prêtres, prophètes et peuple déportés de Jérusalem à Babylone par Nabuchodonosor , Yahvé Sabaot prévient de ne point écoutez les songes, ni des prophètes, ni des devins, ni de chacun d'eux, car ils ne sont point envoyés par Lui.
Qohélet = Ecclésiaste 5,2 : car du nombre des tracas vient le songe.
Qohélet = Ecclésiaste 5,6 : Paroles de Qohélet, fils de David, roi de Jérusalem : Car du nombre des songes viennent les vanités et les paroles multipliées.
Lv 19,26 : Vous ne mangerez rien avec du sang ; vous ne pratiquerez ni divination ni incantation.
Dt 13,2-6 : contre les séductions de l'idolâtrie, et des faiseurs de songes. Dans le code Deutéronomique il faut suivre Yahvé et non d'autres Dieux.
Dt 18,9-14 : la Loi interdit la divination, les incantations, la mantique ou la magie.
  • Les démons du rêve
Selon G. Van der Leeuw, partout les démons sont plus anciens que les dieux. Un démon n'est pas nécessairement un être inférieur. Il peut même parfois devenir un dieu. Dans l'animisme, le monde est rempli d'esprits et de démons. À l'origine les démons sont en rapport avec des expériences vécues. Ils résultent de la confrontation aux puissances de la vie. Ils prennent aussi leur source avec les expériences du rêve.
  • Le rêve angoissé, le cauchemar, c'est l'éphialtès, l'empousa et la lamia des grecs, la lamashtu assyro-babylonienne.


Les rêves sexuels avec le démon : c'est l'union entre un démon et un être humain. À l'extrême il est question d'un mariage. Cette représentation du démon est partout présente dans le monde. Ils sont à l'origine de l'incube et du succube, de Lilith, la première femme d'Adam, l'Ardat Lili babylonienne. Mais aussi les Jinns arabo-islamiques, les trollss scandinaves et les fées celtiques. Ceci est à rapprocher de la fille de l'esprit de la forêt des sociétés chamaniques sibériennes (voir ci-dessus). Le chamanisme a été décrit comme étant le premier système religieux. Dans ce cadre, le chaman ne pouvait se soustraire à cette union au risque de mourir. Il n'est pas aberrant de penser que toutes les formes d'unions et de mariages avec des démons nocturnes ne soient en fait qu'une forme postérieure et adaptée (notamment malfaisante) de celles des croyances chamaniques.

Le rêve, message de l'inconscient




Article paru dans la revue 130
Le rêve, message que nous adresse l'inconscient, est un moyen privilégié de connaissance de soi. Il ne se limite pas à la vie personnelle : il nous met en contact, par l'intermédiaire de ses images-symboles, avec des réalités archétypales et universelles.

Dans la mythologie grecque, Hypnos, Dieu du Sommeil, est le frère jumeau de Thanatos, la Mort, tous deux fils de la Nuit. Hypnos a pour fils Morphée, le Dieu des Songes.
Mort, sommeil, songes font partie d'une même famille, nourrie par une mère inspiratrice, la Nuit.

Un voyage intérieur


Mort et sommeil sont en fait deux états dans lesquels l'être échappe au conscient et où l'inconscient s'exprime. Le rêve est alors une porte qui s'ouvre vers un gigantesque univers.

L'expression tomber de sommeil est significative. Lors d'une séance d'hypnose, un analyste relate les expériences de ses patients, qui décrivent ainsi leurs sensations (1) : "Je tourbillonne, tout mon corps flotte et tourne comme une toupie. Je suis un derviche tourneur. Je suis en train de dégringoler dans une tombe". Ou encore : "Je suis au fond d'un puits. L'espace semble infini, il s'enfonce". Un autre parle "d'un gouffre profond".


Dans la plupart des langues, on dit sombrer, tomber, dans le sommeil. En hongrois, c'est alomba merült : se glisser sous le sommeil, comme dans de l'eau. Cela n'est pas sans nous rappeler les témoignages de mort clinique. Lors d'un arrêt cardiaque bref, la personne se voit sortir de son corps et flotter. Quand l'arrêt est plus long, il y a visualisation d'un long tunnel très sombre conduisant à une lumière éblouissante (2).
Dans les croyances animistes, en Floride, l'âme appelée Tarunga, quitte le corps pendant le rêve et revient au réveil. Un jour elle ne revient pas et c'est la mort. On éveille un dormeur doucement, avec précaution, de peur que son âme n'ait pas le temps de revenir. Dans certaines autres traditions, le retour précipité de l'âme est la cause des migraines que l'on éprouve parfois au réveil. Tous ces témoignages prouvent que le sommeil, qui entraîne la disparition de l'état de conscience qui est le nôtre en état de veille, nous amène vers un monde intérieur, décrit dans toutes les cultures.

Au début du siècle, Freud fut un des pionniers de la science des rêves, qu'il définit comme la "voie royale vers l'inconscient". Cependant, dans son approche, le rêve est limité à une interprétation personnelle et temporelle. Le sommeil serait un défoulement de la conscience, qui satisfait en rêve des désirs qu'elle n'oserait vivre dans la réalité. Le rêve canalise essentiellement le refoulement sexuel. La conscience est supérieure à l'inconscient, "sorte de boîte à ordures du conscient".

Jung, disciple de Freud, approfondit la démarche et chercha durant de longues années à créer un pont entre les rêves et les expériences spirituelles faites par les hommes à travers les âges. Il entreprit une vaste enquête au Nouveau-Mexique, au Kenya, en Amérique du Nord, aux Indes et en Europe, pour étudier sur place mœurs, religions et psychologies. Grâce à cette longue quête, il put s'assurer du bien-fondé de sa théorie de l'inconscient collectif, en dégagea l'existence d'un fond commun psychique universel, producteur d'archétypes.

La psyché ou âme se compose d'une infime partie consciente, qui se définit par la relation avec le moi, et d'une partie insondable inconsciente. Selon l'image jungienne, la conscience est comme un îlot qui flotte dans l'immense mer de l'inconscient, divisé en deux zones : inconscient personnel et inconscient collectif.
L'inconscient personnel rassemble tout ce que nous avons refoulé et n'avons pas encore perçu de nous-mêmes. Selon Jung, il a "la caractéristique qu'il pourrait tout aussi bien être conscient". Il est strictement lié à l'expérience personnelle de l'âge zéro à l'âge actuel.

L'inconscient collectif est commun à l'espèce humaine. Il s'est élaboré à partir de la mémoire de toute l'expérience ancestrale depuis des millions d'années. C'est une sorte "d'image éternelle du monde".

Jung explique : "Tout comme le corps humain révèle une anatomie commune par-delà toutes les différences raciales, la psyché possède de son côté, au-delà de toutes les distinctions culturelles et conscientes, un substrat commun que j'ai désigné du nom d'inconscient collectif". Ces expériences ancestrales se traduisent par des images-symboles, archétypes indépendants du temps et de l'espace, par de-là toute conception individuelle, et ont donné naissance aux dieux et aux héros mythologiques.
Ainsi mythologie et psychologie se retrouvent dans la sentence de Delphes : "Connais toi toi-même et tu connaîtras l'Univers et les Dieux".


C'est ainsi que, bien souvent, dans nos rêves, nous sommes confrontés à des images-symboles inconnues jusque-là de notre sphère consciente mais qui recouvrent une trame archétypale. Leur interprétation nous permet de faire émerger à la conscience une connaissance intérieure.

La fonction générale du rêve, au niveau psychique, est de rétablir un équilibre. Le rêve compense les déficiences de la personnalité et en même temps donne des signaux d'alarme au rêveur.

Quatre grands types de rêves


Du rêve "bilan de la journée" on dit généralement qu'il est "bête". Le rêveur le trouve banal, car il reprend des événements de la journée sans importance particulière. C'est en fait une expression de l'inconscient personnel. Mais il n'y a pas de rêve banal. Tous ont leur importance. Et il faudra chercher quels détails, couleurs ou formes le sujet a plus particulièrement retenu de sa journée.

Le rêve "compensatoire" réduit ce qui a été surestimé dans la journée par le conscient, et souligne au contraire ce qui a été dévalué. Il a une fonction de rectification qui permet de rétablir un équilibre indispensable pour permettre à la personnalité de vivre mieux les événements. Ainsi aux événements lourds et pénibles de la journée répondent dans la nuit qui suit des rêves gais. C'est une soupape compensatoire de l'inconscient, un lâcher prise indispensable pour survivre. Ce type de rêve peut apporter des solutions au sujet, et faire partie des rêves "d'avertissement".
Dans le rêve de "transmutation" l'inconscient présente des événements forts et différents du vécu du sujet, qui créent des tensions dans l'âme. On se réveille par exemple avec l'envie de pleurer, ou avec une sensation d'angoisse. Ce type de rêve met en jeu des forces internes et crée un conflit avec le moi. C'est une activation de nos fonctions psychologiques. En même temps, ces rêves apportent un élargissement de la conscience : ce qui était éteint en nous se réveille.

Les rêves de mort font partie de cette catégorie (3). Que le sujet rêve sa propre mort ou celle d'un autre sujet, ces rêves sont généralement à interpréter comme symbole de transformation et de passage et signifient qu'un renouvellement intérieur est en train de se produire.

Lorsqu'on rêve la mort d'autrui, on peut l'interpréter, dans plus de neuf cas sur dix, comme une mort symbolique. C'est l'image de ce que la personne représente pour nous qui cherche à mourir ou qui se manifeste négativement. Par exemple, le fait de voir en rêve mourir son père peut être le signe que nous acceptons mal l'autorité, que nous avons un problème de hiérarchie ou que nous avons une faiblesse dans notre polarité yang, active ; ou encore que nous acquérons notre autonomie par rapport à lui.

Ces rêves, bien sûr, marquent très fortement le rêveur, qui ne doit pas négliger le message pressenti.
Les "grands rêves" sont des rêves dans lesquels émerge l'inconscient collectif. Le sujet peut ne pas voir de rapport entre sa propre personne et le rêve qu'il a fait. Celui-ci est chargé de symboles et d'archétypes, inconnus ou presque jusque-là du rêveur. Ces rêves peuvent reprendre des trames mythologiques, avec un dénouement. Ils sont très revitalisants pour le sujet, et l'ouvrent à une dimension intérieure insoupçonnée. Bien souvent ce sont ceux dont on se rappelle le moins. Car notre mémoire est sélective et a tendance à retenir avant tout les rêves les plus proches de notre sphère de conscience, donc les moins symboliques.

Un langage symbolique


Nous présentons ci-dessous deux exemples assez courants, les rêves de maison et les rêves d'eau, qui peuvent aider le lecteur à mieux se situer.
Etant donné que nous vivons quotidiennement à l'intérieur de maisons, chez nous ou au bureau, il est naturel que nos rêves se situent, la plupart du temps, dans des pièces que l'on reconnaît mais que l'architecte de notre inconscient a disposé de manière nouvelle. En fait, la maison, c'est nous.

Ce qui s'y passe n'est que le reflet de ce que nous vivons en nous. C'est pour cela que la comparaison symbolique de la maison nous renseigne sur notre état psychologique intérieur : pièces larges et claires, ou salles obscures et étroites, décorées ou vides... Les pièces courantes, salle à manger, bureau, reviennent moins que des pièces apparemment secondaires, mais davantage porteuses de sens pour notre inconscient (salle de bain, cave, WC).

La cave représente l'inconscient personnel. C'est dans la cave qu'on trouve généralement les réserves (alimentaires, ou vieux objets entassés plus ou moins propres). Elle renferme dans nos rêves les réserves de l'âme et les possibilités de l'inconscient. Il y fait noir, et il faut y apporter la lumière. Rêver d'un escalier qui descend à la cave fait allusion à cette descente dans les profondeurs où se trouvent richesses et terreurs.

La cuisine est le foyer de la maison. Grâce à une forme d'alchimie, la maîtresse de maison transforme les aliments en mets divers propres à la consommation. C'est pour cela qu'on l'associe dans les rêves à la digestion psychique.
La chambre à coucher représente la sphère intime de chacun. Souvent dans les rêves, le lit occupe le côté gauche, celui de l'inconscient.

Les rêves de WC sont très nombreux. Ce petit espace occupe en fait une place bien plus importante qu'il n'y paraît. C'est dans ce lieu que l'enfant a pris conscience des phénomènes de son corps, et c'est là que l'adulte, le plus pauvre ou le plus évolué, rejette les substances de son corps devenues superflues. Mais les rêves de cabinet n'ont rien d'indécent. Ils font allusion à une délivrance, indiquent qu'on en a terminé avec certaines affaires psychiques. On met de l'ordre, on se débarrasse de ce qui a été utilisé et ne sert plus.

La salle de bain est l'espace où l'eau vivifiante et pure coule et nettoie. Les parfums, les couleurs, généralement pastel, font allusion à la purification de notre inconscient. Nous étudierons plus loin le symbolisme de l'eau dans le rêve.
Le grenier est au sommet de la maison. Il domine d'en haut le monde des réalités. Il y a des greniers encombrés de décombres couverts de toiles d'araignées. Souvent on y trouve des fantaisies, des costumes vieillots. C'est le monde de notre pensée et l'image de notre tête. Les rêves où l'on voit un incendie prendre sous le toit peuvent constituer les premiers indices de troubles mentaux. Parfois, plutôt que des mansardes encombrées, le rêve présente des pièces vides.

Ne serait-ce pas une partie de nous-même encore inexplorée ?
Les escaliers ont naturellement leur importance, ils relient symboliquement les différentes parties de notre personnalité. Ils représentent le lien en nous. Si une marche manque, ou si la rampe est fragile, il veut signifier que ce lien est précaire : il y a en nous une partie à consolider. Les rêves d'escalier en colimaçon sont preuve de maturité intérieure. Ils représentent la spirale d'évolution autour d'un axe bien défini.
La façade est la présentation extérieure de nous-même : neuve, en réfection, vieille, palais ou cabane. Elle renseigne sur l'importance que l'on donne à son image vis-à-vis des autres.

Nombreux seraient les exemples de maisons illustrant toujours la réalité intérieure de l'individu. Dans l'analyse freudienne, la maison est la matrice féminine, maternelle (4).
L'eau est, avec la forêt et la terre, le plus grand symbole de l'inconscient. Elle représente avant tout la vie qui nourrit les plantes, les animaux, les hommes. "Psychologiquement, dit Jung, l'eau signifie esprit devenu inconscient". L'eau contient en elle-même le germe de toute chose. Elle détruit, désintègre les formes mais purifie et fait renaître (Moïse et Osiris, "sauvés des eaux").

Eau pure, claire et transparente : trop pure, l'eau n'est pas forcément naturelle. Elle peut exprimer un excès d'intellectualisme ou de morale dogmatique. Elle exclut l'impur qui est pourtant contenu dans tout élément.

L'eau souillée signale que le rêveur entre en contact avec son ombre, c'est-à-dire avec la partie la plus obscure de son âme, qui salit son inconscient. Il est en fait en contact avec une grande partie de sa propre fertilité, encore immature. Cette eau sale peut aussi vouloir dire au rêveur qu'il faut accepter la vie dans tous ses aspects, les meilleurs comme les pires et sortir de l'utopie.

L'eau peut-être habitée de poissons ou d'algues : dans ce cas, c'est une eau nourricière qui symbolise un inconscient riche. Parfois, les algues ou les poissons sont morts. C'est un avertissement : il est temps de prendre davantage soin d'une vie intérieure qui s'étiole.

Traverser l'eau est l'indication d'un changement fondamental d'attitude et d'état de conscience qui conduit à une nouvelle vision du monde. Se laisser glisser dans l'eau est une forme de laxisme qui indique que le rêveur se laisse engloutir par le flot psychique. Il se laisse submerger par ses instincts. La visualisation de la surface de l'eau évoque la limite entre conscient et inconscient, entre lumière et ombre. Se regarder dans ce miroir est une prise de conscience de soi. L'eau vert émeraude représente, par excellence, la pureté des forces intérieures (5).

Ces quelques exemples se voudraient une incitation à une découverte plus profonde. Se découvrir par ses rêves, c'est se voir différemment et dévoiler des parties de soi-même insoupçonnées. La nuit offre une rencontre avec l'autre visage de soi, et toutes les images que nous présente le rêve peuvent être des repères sur le chemin de la connaissance.

(1) Les portes du rêve, Céza Roheim, Payot, 1973.
(2)  Voir Entretien avec Raymond Moody, in revue Nouvelle Acropole, n° 110.
(3) Voir La symbolique de la mort dans les rêves, in revue Nouvelle Acropole, n° 110
(4) Les rêves et leur interprétation, Ernest Aeppli, Payot,1986.
(5) La symbologie des rêves, Jacques de la Rocheterie, Imago, 1986.
Sur le sommeil et les rêves, voir aussi les ouvrages de R. Fluchaire et notre rubrique A Lire.

Catherine Peythieu

Les rêves et le complexe d'Oedipe


Les rêves : le complexe d'Oedipe

Rappelons-nous le complexe dOedipe classique :

- le garçon désire l'amour exclusif et total de sa mère; de ce fait, il cherche à "éliminer" son père, qui est son rival dans cet amour. Il tente d'éliminer son père en devenant plus fort que lui, plus beau que lui;  mais également en s'identifiant à son père, en devenant une "copie" de son père, forcément plus jeune et donc capable, croit-il, d'attirer davantage l'amour de sa mère.

- la fille désire être la seule à être "remarquée " par son père, la seule à en être aimée. Sa rivale - sa mère - doit donc être éliminée. La fille essaye d'être plus jolie, plus attirante que sa mère. Elle fait tout pour être remarquée par son père (vêtements, maquillage, etc.). Ou bien elle s'identifie à son père, en essayant de l'imiter, ou de le battre sur son terrain. Elle devient un "garçon manqué", avec le grand risque de devenir une "fille manquée".

Voilà donc pour le classique. Mais que se passe-t-il foncièrement, et qu'il est indispensable de bien comprendre si l'on veut interpréter les rêves où apparaissent des situations oedipiennes avec tous les symboles qui en dérivent ?

Rappelons-nous que le besoin essentiel - qui prime tous les autres - d'un être humain est de se sentir "relié" à tout ce qui l'entoure. Sa démarche permanente est de retrouver la sensation d'être "fondu" dans l'univers. Pour cette recherche "religieuse" (de religare = relier), la situation oedipienne est idéale, surtout chez le garçon. Imaginons qu'il ait sa mère à sa disposition plénière et sans condition aucune. Imaginons qu'il soit le seul au monde à être aimé de sa mère, et de façon absolue. Donc qu'il n'y ait aucun autre "garçon" dans son chemin, en l'occurence son père. Ce serait alors la fusion totale, non pas avec sa mère, mais avec ce que représente une mère symboliquement, c'est-à-dire, l'accueil absolu, la sécurité totale, et la sensation de "participer" à la femme, symbole de la vie.

Ce serait ainsi le "paradis". Et l'on comprend que ce paradis devienne rapidement un paradis perdu, à cause des tabous qui couvrent toute union absolue, même affective, avec une mère. Mais les paradis perdus engendrent toujours d'intenses nostalgies, non pas ici de "sa" mère, mais de la "reliance" universelle qu'elle représentait. Et l'on peut dire qu'un "complexe dOedipe", dans cette acception, n'est jamais résolu.

Plus quotidiennement. le complexe se "résoud" plus ou moins. Toujours le garçon (puis l'homme) conservera cette nostalgie d'un infini manqué. Mais l'existence le poussera à devenir "un homme", à connaître "des femmes" ; bref, à réaliser le chemin qui lui est traditionnellement imparti.

Cependant, si l'homme reste trop attaché à sa mère, ou à son symbole, il demeurera un "petit garçon". Il idéalisera la femme et rêvera d'amours platoniques et grandioses. Il fera tout pour ne pas déplaire, à moins qu'il ne devienne très agressif. Il cherchera à charmer et à séduire, non pour aimer une femme, mais pour être aimé d'elle. Il est inutile de dire que son "Anima" se mettra à brimbaler, avec les situations et les rêves négatifs qui en dépendent (voir l'article sur l'Anima).

Le complexe d'Oedipe non-résolu se traduira par des rêves où apparaîtront des femmes idéales et inaccessibles, où se montreront de grandes amours maudites, où les hommes seront ressentis comme castrateurs et dangereux, etc.



Pierre Daco "L'interprétation des rêves"

Les rapports du rêve et du mythe



REVE OU MYTHE ? DEUX FORMES ET DEUX DESTINS DE L'IMAGINAIRE

Pour introduire mon propos, quelques remarques terminologiques sur le mot mythe ne sont pas inutiles. Emprunté au grec muthos, le mythe est primitivement et essentiellement une suite de paroles qui ont un sens, il est un discours, un discours public. Il est aussi le contenu de ces paroles, il est une pensée. Ce n'est que par une spécialisation secondaire, dès l'épopée homérique, qu'il prend la valeur d'une fiction, d'une histoire inventée, d'un récit imaginaire, d'une fable ou d'une allégorie. Le mythe s'oppose à la réalité, entendez la réalité comme butée de l'imaginaire, mais il est un discours vrai. À la fin du XIXème siècle, mythe désigne une représentation idéalisée d'un état passé de l'humanité, souvent d'une origine de celle-ci. C'est au XXème siècle que lui sera attribué un rôle déterminant dans les représentations d'une collectivité (Lévi-Strauss, Anthropologie structurale) ou d'un individu (Lacan, Le mythe individuel du névrosé). Si nous voulons penser les rapports du rêve et du mythe, c'est donc dans l'acception secondaire du mythe que nous aurons à situer notre recherche : ce sont deux formes de l'imaginaire, mais ce sont aussi deux modes de représentation qui portent un sens à déchiffrer, un sens primordial concernant le passé de la psyché et le passé de l'humanité. Cette équation a été le fond de la pensée de Freud, d'Abraham et de Rank. D'emblée, les affinités du rêve et du mythe sont établies, l'accent mis sur leurs similitudes l'emportant sur l'analyse de leurs différences. Je voudrais dans cette conférence soutenir l'argument suivant : rêve et mythe sont formés de la même matière psychique de base, mais ils organisent ce matériel selon des logiques et des fonctions distinctes. Rêve et mythe sont deux discours qui ont un sens à la fois essentiel et obscur. Ce sont deux formes de l'imaginaire, l'imaginaire explorateur de l'inconnu (le rêve) et l'imaginaire explicatif de celui-ci (le mythe). Le rêve est l'imaginaire de l'intime alors que le mythe est l'imaginaire public, collectif, social. Dans cette perspective, il est particulièrement pertinent de tenter de saisir comment rêve et mythe ont des destins différents, et de quelle manière s'articulent leurs rapports dans les groupes, lieu méthodologiquement organisé pour saisir les passages et les transformations : entre l'intime, le partagé et le public. Je voudrais montrer les continuités entre rêve et mythe, mais aussi et peut-être surtout, insister sur les oppositions entre rêve et mythe. Pour cela je ferai tout d'abord un bref rappel des thèses psychanalytiques fondatrices (chez Freud, O. Rank et K. Abraham), puis je prendrai appui sur la clinique de la cure et sur celle du groupe. I. REVE ET MYTHE. Une phrase de Freud illustre cette continuité : " Les contes et les mythes sont les rêves de l'enfance de l'humanité ". Rêve et mythe dans la pensée de Freud Puisque le rêve est pour Freud la voie royale d'accès à l'inconscient, le mythe lui en ouvre aussi l'espace, et ceci de trois manières : 1° C'est par la voie du recours du mythe (mais aussi à la légende et au conte), que Freud invente le complexe d'Odipe, le narcissisme, les concepts de l'inquiétante étrangeté, les trois visages de la femme... C'est en inventant un mythe qu'il dévoile, avec Totem et Tabou, la face refoulée (par lui) du complexe d'Odipe. Cette utilisation mythopoétique du mythe illustre la transformation, par retournements successifs, des rapports du fantasme, du mythe et de la théorie. Elle a chez Freud valeur de méthode. 2° Comme la légende et le conte, le mythe est fait du matériau de la psyché, son étoffe est celle
des parties les plus primitives du psychisme : " Des fantasmes du névrosé singulier part un large chemin qui conduit aux créations imaginaires des foules et des peuples telles qu'elles apparaissent dans les mythes, légendes et contes populaires " (1925, G.-W, XIV, 95 ; tr. fr. 86). 3° Les mythes entretiennent avec la sexualité infantile des relations de connaissance réciproques : " la connaissance des théories sexuelles infantiles, des formes qu'elles prennent dans la pensée des enfants peut être intéressante de différents points de vue et de façon surprenante aussi pour la compréhension des mythes et des contes " (1908, G.-W, VII, 173; tr. fr. 16). En effet, mythes et contes sont " les échos de la question-énigme : d'où viennent les enfants ? ". Ils constituent une réponse erronée à laquelle les enfants ne croient pas. 4° Les rapports du mythe et du rêve sont consubstantiels. Freud s'est exprimé sur ce point capital en de nombreux endroits, par exemple dans l'Intérêt de la psychanalyse (1913, G.-W, VIII, 414-416, tr. fr. 207-209) : " Il paraît possible de transposer la conception psychanalytique acquise par le rêve aux produits de l'imagination populaire comme les mythes et les légendes. La tâche d'une interprétation de ces créations se présente depuis longtemps ; on soupçonne qu'elles ont un 'sens secret', on est préparé aux modifications et aux transformations qui dissimulent ce sens ". Freud envisage finalement ces rapports sous deux aspects : le mythe objective le rêve, tout comme le conte, la légende et l'ouvre poétique. Le poète réveille chez ses auditeurs " les impulsions issues d'une enfance devenue préhistorique " (1900, G.-W, II-III, 252 ; tr. fr. 215). Le rêve éclaire le mythe. Dans le contenu manifeste des rêves, on retrouve fréquemment des images et des situations qui rappellent certains motifs connus des mythes, des contes, et des légendes : "l'interprétation de ces rêves nous permet de retrouver les fondements primitifs de ces motifs sans pour autant qu'il nous soit permis d'oublier les modifications que la signification première de ce matériel a subies au cours des siècles." (1932, G.-W, XV, 24-26 ; tr. fr. 33-36). Le contenu latent dévoile, grâce au travail de l'interprétation, " la matière brute qui peut assez souvent être qualifiée de sexuelle " (ibid.). Le mythe peut être utilisé comme souvenir-écran, comme le conte, ainsi que Freud le montre dans l'analyse du rêve de Rumpelstilzchen (1913) et de celui de l'Homme aux loups (1918, G.-W XII, 56-78 ; tr. fr. 342-358). Dans d'autres développements, Freud soutient que la symbolique du rêve " conduit bien au-delà du domaine du rêve, dans celui de l'imagination populaire ; nous y verrons le symbole à l'origine du conte, des mythes et des légendes, dans l'esprit comique et dans le folklore ; c'est par lui que nous découvrirons des rapports intimes entre le rêve et ces diverses productions [.]. Le symbole fournit au travail du rêve les matériaux à condenser, à déplacer, à dramatiser " (1901, G.-W, II-III, 699 ; tr. fr. 169). Les symboles du rêve n'appartiennent d'ailleurs pas " en propre au rêveur et ne caractérisent pas uniquement le travail qui s'accomplit au cours des rêves. Nous savons déjà que les mythes et les contes, le peuple dans ses proverbes et ses chants, le langage courant et l'imagination poétique utilisent le même symbolisme " (1916, G.-W, XI, 168; tr. fr. 151). C'est pourquoi la signification des symboles du rêve est fournie par le conte, les mythes et le folklore (1916, ibid) ou encore : " ... L'analyse est innocente de la découverte de la symbolique, celle-ci était connue depuis longtemps dans d'autres domaines (folklore, légende, mythe) et elle joue là un rôle même plus grand que dans le "langage du rêve" " (1925, op. cit., 86). En 1911, Freud envisage d'opérer une refonte de la théorie du rêve tel qu'il l'avait conçue et exposée dans la Traumdeutung. Son projet était de faire le lien entre rêve d'une part, poésie, mythe et folklore d'autre part. C'est aussi en 1911, dans le contexte d'émulations importantes et profondément novatrices dans les arts, que Freud crée la revue Imago, dans laquelle de très nombreux articles font références aux thèmes mythologiques et parmi ceux-ci, les essais de O. Rank et de K. Abraham. Rank et le mythe de la naissance du héros.
Rank considérait qu'il proposait la première tentative d'interprétation psychanalytique des mythes : il affirmait que la réalité psychique est organisatrice de ce qui est raconté par le mythe ou par le conte. L'ouvrage qu'il écrit en 1909 à la demande de Freud, Le mythe de la naissance du héros, ouvre en effet des perspectives originales dans l'approche méthodologique et dans la problématique de la formation et de la fonction des mythes. En rupture avec l'analyse naturaliste de la mythologie, Rank fonde son étude sur le parallèle entre le rêve et le mythe et sur le concept proposé par Freud de roman familial des névrosés. Rank. commence par établir l'universalité du mythe du héros, puis il expose son hypothèse centrale : la part que prend la vie psychosexuelle inconsciente dans la formation des mythes. À partir d'une enquête sur 18 mythes récoltés dans différentes cultures, il en dégage les thèmes récurrents pour mettre à jour la structure de ce qu'il appellera une légende-type du héros. Le schéma général de son interprétation est donné par l'éclairage qu'apportent les rêves typiques à l'analyse des différents éléments du mythe. Son analyse est conduite comme celle d'un rêve : le mythe est la réalisation d'un désir inconscient, il est construit selon les mêmes processus que le rêve : déplacement, condensation, mise en figurabilité, symbolisation. Rank conclut que " la même expression symbolique domine à la fois le langage du rêve et celui du mythe " (ibid., p. 101). Le concept de roman familial des névrosés permet à Rank de spécifier comment, dans l'imagination des rêves diurnes prépubertaires comme dans les récits du mythe, sont représentés à la fois le désir de se débarrasser des parents peu estimés pour les remplacer par d'autres, plus nobles et prestigieux, et les questions concernant la connaissance des processus sexuels, de la procréation, de la naissance et du corps maternel. Cette concordance conduit Rank à établir une analogie entre le moi de l'enfant et le héros. Il notera que dans la création littéraire le héros représente le poète lui-même, idée que Freud reprendra à la fin de Psychologie des masses et analyse du moi. L'ouvrage se termine par deux considérations importantes : l'une concerne la genèse et la fonction du mythe du héros dans la vie sociale et dans les processus identificatoires individuels et collectifs; l'autre le rôle pathologique du héros et les rapports entre le mythe et le délire de filiation. Rêve et mythe chez K. Abraham. En 1909, la même année que Rank publie Le mythe de la naissance du héros, K. Abraham fait éditer Rêve et mythe. Contribution à l'étude de la psychologie collective. Son but est celui d'une psychanalyse appliquée : montrer que les théories de Freud s'appliquent largement à la psychologie du mythe, comparer le mythe avec les phénomènes de la psychologie individuelle, en particulier le rêve, dont il souligne essentiellement les convergences avec le mythe. Les énoncés principaux sont les suivants : les désirs inconscients communs à beaucoup et à tous, nous les rencontrons aussi dans les mythes (p. 171). Des contenus sont communs à certains rêves et à certains mythes (désir odipien et mythe d'Odipe), notamment le symbolisme sexuel. Les mythes comme les rêves cachent un contenu latent derrière un contenu manifeste : ils exigent une interprétation (p. 173) puisque la société ne comprend pas le contenu latent de ses mythes (p. 187). Rêve et mythe naissent du refoulement dans l'inconscient de pensées inacceptable, l'un et l'autre ont pris naissance aux temps préhistoriques du sujet et de l'humanité. D'où cette affirmation reprise de Freud : dans les mythes, comme dans les contes et les légendes, s'exprime l'imagination d'un peuple. Conditions et conséquences de la continuité du rêve et du mythe. Si l'on considère l'essentiel des analyses de Freud, de Rank et d'Abraham, on s'aperçoit qu'elles forment la matrice d'une unique proposition : toutes interprètent le mythe par le rêve, elles
soulignent la continuité et l'emboîtement du rêve et du mythe. Cette proposition est d'abord une pétition de principe chez Freud, elle le reste chez Abraham et chez Rank, mais elle commence aussi à être mise à l'épreuve de l'analyse comparée des versions des mythes, et à être transformée en hypothèse féconde. C'est ce courant de pensée qui est encore celui de G. Devereux lorsqu'il écrit : " le mythe n'est efficace que parce qu'il a été préalablement rêvé ". La thèse de la continuité et l'emboîtement du rêve et du mythe s'attache à l'identité des contenus et des fonctions psychiques. Mais elle va plus loin : elle suppose des espaces oniriques communs et partagés et un dispositif de transformation du rêve vers le mythe. Surtout, les positions classiques ne prennent pas en compte les différences de processus de fabrication entre rêve et mythe, et donc les écarts de structure et de fonctions. Cependant, faute de dispositif clinique, ces différences sont rarement pointées et restent spéculatives. Parmi les rares différences que relève Abraham, celle-ci me paraît particulièrement intéressante : le rêve dramatise alors que le mythe prend figure d'épopée. Cette remarque, qui rejoint notre propos d'introduction sur le statut sémantique du mythe, et engage tout le débat sur la différence entre rêve et mythe. Le rêve est un travail de mise en scène dans notre théâtre intérieur, dans lequel prédominent les processus primaires et les représentations visuelles. Ces représentations peuvent être accompagnées de sensations kinesthésiques, cénesthésiques, de sentiments, d'affects, de désirs manifestes. Le mythe est récit, parole, sans doute élaboration secondaire du rêve, mais du rêve de quels rêveurs ? II. REVE OU MYTHE. Je voudrais maintenant vous proposer une autre perspective : elle oppose le rêve au mythe. Je construirai cette opposition à partir de la clinique de la cure et de la clinique des groupes. Le mythe au lieu du rêve. L'histoire de Madeleine Commençons par une brève présentation de la cure de Madeleine, qui construit une utopie et un mythe des origines pour ne pas rêver. Madeleine est une adolescente de 16 ans lorsqu'elle entreprend avec moi une psychothérapie psychanalytique. Son père a déclenché la consultation, parce que sa fille a fumé de la marijuana et qu'elle ne va pas bien depuis son enfance. Son histoire est douloureuse : conçue moins d'un an après la mort subite en bas âge du premier enfant du couple, elle naît prématurée à sept mois dans des conditions particulièrement difficiles pour elle et pour sa mère qui venait de perdre son propre père. Le bébé demeura longtemps à l'hôpital pour y être soigné de ses troubles respiratoires. Elle fut un bébé intelligent, mais toujours maladif, très peu sociable et très souvent en conflit avec sa mère. Peu après la naissance d'un second garçon, lorsque Madeleine eut quatre ans, les parents se séparèrent. Le père avait la "garde" de sa fille, leurs relations étaient assez bonnes Madeleine souffrait de la séparation d'avec son frère et des relations toujours très tendues avec sa mère. À l'entrée dans la puberté se succèdent des phases dépressives et des alternances d'épisodes boulimiques et anorexiques. Au moment où elle me rencontre, ce qui trouble Madeleine est son fonctionnement intime : quelquefois ses règles sont en retard, elle ne sait si elle s'en réjouit ou si elle s'en angoisse, tout est confus. La sexualité lui fait très peur, le contact des corps, le contact de la chair sont pour elle autant de catastrophes. Elle est angoissée à l'idée d'une rencontre qui pourrait déclencher des sentiments amoureux ou simplement tendres : elle pourrait se pulvériser. .Elle se sent persécutée par de petits animaux, souvent des rongeurs, et elle se plaint de n'avoir plus de rêves. .Au cours d'une séance, Madeleine me demande de lui prêter la couverture qui est là, pliée sur une chaise à côté du divan : j'accepte. La nuit suivante Madeleine fait un rêve, le premier dont elle se souvienne depuis des années : elle était perdue dans une tempête de neige sur le col d'une
montagne. Un peu plus loin tout était calme, blanc et très froid, glacial. Quelqu'un sortait d'une tente et lui apportait un manteau et un bol de lait. Elle accueille ce rêve avec une grande joie d'enfant. Je lui dis que ce rêve est ce qu'elle me donne en échange de la couverture, mais que ce rêve est à elle. Elle a demandé-trouvé-créé un écran creux, blanc, maternel qui lui a permis de rêver de nouveau. Après ce rêve, elle ne rêvera plus avant longtemps. Mais à la séance suivante, elle m'apporte tout autre chose : le récit d'une utopie qu'elle avait imaginée quatre ans auparavant, lorsqu'elle avait une douzaine d'années, un hôpital installé dans une île, étroitement surveillé, hygiénique et ordonné. Le récit qu'elle en fera s'échelonnera sur plusieurs séances et il constituera un puissant moteur de sa psychothérapie. Je ne parlerai pas ici du contenu de l'utopie. Je veux seulement souligner que la construction de l'utopie, qui contenait un mythe des origines, était venu à la place du rêve. L'utopie et le mythe ont fonctionné comme l'hyper secondarisation d'un fantasme : leur fonction était d'occulter le rêve profond, intime, tout en exploitant une rêverie, qui s'était figée, une fois pour toutes, dans la forme et dans le contenu hyper contrôlé de l'utopie. De ce point de vue, le mythe (ou l'utopie) est une construction-écran contre le rêve. Le mythe est une élaboration secondaire défensive contre les contenus du rêve : un résidu du rêve qui accomplit tous les rêves. La cure de Madeleine nous permet de comprendre dans quelles conditions le rêve apparaît à la place du mythe, et nous pouvons alors comprendre (en partie) ce que le mythe codifie et ce que le rêve figure. III. REVE ET MYTHE DANS LES GROUPES. Qu'en est-il des rapports entre rêve et mythe dans la clinique du groupe ? Quels que soient les rapports du rêve et du mythe, nous avons affaire au même matériel psychique, la matière de l'imaginaire groupal. La notion d'imaginaire groupal a été introduite par D. Anzieu (1964) à propos de la thèse de l'analogie du groupe et du rêve. Elle a été reprise dans notre recherche commune où elle a pris diverses formes et plusieurs significations. 1. Le point de départ est proposé par Pontalis lorsqu'il affirme que le groupe est l'objet de représentations imaginaires (images. fantaisies, fantasmes). 2. Puis Anzieu soutient que le groupe est, comme le rêve, l'accomplissement imaginaire de désirs et de menaces inconscientes : du point de vue de la dynamique psychique, le groupe est un rêve, c'estàdire un débat avec un fantasme sous jacent. Le groupe est le moyen de la réalisation de désirs partagés (y compris l'illusion du désir partagé). Si le groupe est " comme un rêve ", il est un espace onirique commun et la matière imaginaire de toutes ses formations. 3. J'ai considéré le groupe comme un agencement des formes de la réalité psychique dans le groupe pour en faire une réalité psychique de groupe. Un appareil psychique spécifique effectue ce travail de liaison, de combinaison et de transformation. des psychés : il construit la réalité psychique de groupe. L'imaginaire groupal est une dimension de l'appareil psychique groupal, il produit les figurations et les discours inconscients du groupe sur ses origines, ses buts et ce qu'il représente pour ses membres. J'ai distingué quatre formes de l'imaginaire groupal : l'espace onirique commun et partagé, lieu du second ombilic du rêve, le mythe, l'utopie et l'idéologie. Ces trois dernières formes, au-delà de leurs spécificités, sont du registre de l'imaginaire (au sens de Lacan) dans la mesure où elles assurent une fonction unificatrice sous l'égide des formations de l'idéal. 4. Missenard a travaillé sur les identifications imaginaires dans les groupes et il a montré que le groupe naît comme objet imaginaire lorsque les participants, s'étant identifiés à l'objet idéal de l'autre pour sortir de la confusion originelle, construisent le groupe comme unifié, de telle sorte qu'il réponde à leur désir et assure la continuité de leur moi. L'abandon de la fonction imaginaire du
groupe, c'est-à-dire d'unification à travers le rapport narcissique des sujets à un idéal commun, permet l'accès de chacun à ses propres désirs personnels. La clinique psychanalytique des groupes m'a conduit à penser que le rapport d'opposition entre la voie imaginaire du rêve et la voie imaginaire du mythe a un équivalent dans le groupe : ou bien l'on rêve ou bien l'on fabrique un mythe (ou une utopie). Dans un groupe que j'ai conduit il y après de quarante ans avec Anzieu et dont nous avons publié l'analyse, se sont développées une idéologie égalitariste et le mythe édenique du Paradis perdu. Mon interprétation est que cette idéologie et ce mythe requièrent l'adhésion croyante à un Idéal et à la toute puissance de l'Idée, à une origine idéalisée, capable d'unifier le groupe. Dans ce groupe, il n'y a pas eu de récit du rêve. Tout s'est passé comme si rêver risquait de trop exposer chacun dans son intimité et de transgresser les idéaux communs. Ce qui a prévalu pendant toute cette phase, ce sont les identifications imaginaires et le pôle isomorphique, narcissique, de l'appareil psychique groupal. Plusieurs autres cas cliniques me conduisent à penser que lorsque dans les groupes il se forme des mythes et des utopies, il n'y a pas de récits de rêve. Cela ne veut pas dire les participants ne rêvent pas. Cela veut dire que nous n'avons pas accès aux rêves. Nous pouvons seulement supposer que la matière onirique est traitée différemment, et que la production du mythe correspond à des impératifs collectifs, sociaux, qui assurent l'unité du groupe. Quelques remarques sur les fonctions du mythe dans les groupes. 1°. Le mythe est une élaboration secondaire des " rêves de l'humanité ". J'admets que le mythe contient et élabore les grands " rêves " de l'humanité : mais le statut du rêve est ici celui de l'accomplissement des désirs refoulés et non celui d'une expérience onirique. Le mythe travaille à son niveau et avec ses processus propres le même matériel que le rêve. La matière inconsciente du mythe est la fantasmatique originaire. 2°. Le mythe survient après une catastrophe comme auto-représentation résolutive et reconstitutive de l'identité du groupe, ce qui vérifie la proposition de C. Levi-Strauss. Le mythe fixe aussi les frontières de l'inclusion-exclusion et soutient le sentiment de l'appartenance à un ensemble. L'invention et récitation du mythe soigne une excitation perturbatrice, source d'angoisse et de non-pensée. Elles ont de ce fait une valeur refondatrice de l'origine, de l'ordre du monde et de sa finalité. 3°. Le mythe, interprète le rêve. Le mythe comme élaboration du rêve lui permet de fonctionner comme un système méta-interprétatif du rêve. Ce système est utilisé comme un dispositif d'intégration du Moi onirique dans la culture. Le mythe agit dans le registre des processus tertiaires, à entendre au sens de la liaison entre le primaire et le secondaire (Green), mais aussi et surtout dans le sens que Dodds, dans son ouvrage sur L'irrationnel chez les Grecs, a donné à ce processus pour décrire comment chez les Grecs le mythe est un principe d'interprétation du rêve. 4°. Le mythe, embrayeur de l'activité onirique. La récitation du mythe est un embrayeur de l'activité onirique. Nous avons beaucoup utilisé cette fonction avec D. Anzieu, lorsque, devant la paralysie des processus associatifs en grand groupe, il racontait un mythe (ou un conte), déclenchant ainsi des associations, des rêveries et des rêves nocturnes qui pouvaient prendre appui sur ces représentations. . 5°. Le mythe, ouvre du travail de culture (Kulturarbeit) fonctionne comme une prédisposition signifiante utilisable par le Préconscient. C'est sous cet angle que l'on peut le mieux discerner les différences entre le travail du rêve et le travail du mythe, le temps du rêve et le temps du mythe. Telle est ce que j'ai appelé la fonction mytho-poétique dans les groupes. Pour conclure, je distingue deux modalités de l'imaginaire groupal. Le premier est un imaginaire explorateur, organisé par les processus primaires de la figuration de l'inconnu : c'est le rêve, mais il ne peut apparaître qu'à certaines conditions. Le second est un imaginaire explicatif, qui
secondarise les fantasmes des origines et dont le but est de créer une auto-représentation commune et partageable par le Moi des membres du groupe : c'est le mythe.

René Kaës