jeudi 27 janvier 2011

LES MECANISMES NECESSAIRES A L'APPARITION DES RÊVES



A- CHRONOLOGIE DES DECOUVERTES SUR LE SOMMEIL








Qui parle de rêve, parle aussi de sommeil et donc bien sûr du cerveau. Le rêve est un ensemble de mécanismes et de conditions très complexes. Pour l'étudier, il nous faudra parler tout d'abord de l'aspect général de celui-ci dans le sommeil.
En 1937, un scientifique allemand nommé Klaue, découvre chez les chats des périodes de sommeil profond accompagnées d'une activité électrique corticale rapide différente de l'activité lente lors du sommeil. Onze ans plus tard un autre allemand nommé Ohlmeyer découvre des périodes d'érection au cours du sommeil. Ces cycles débutent quatre-vingt-dix minutes après l'endormissement et ont une durée de vingt-cinq minutes. Ces cycles ont une périodicité moyenne de quatre-vingt-cinq minutes. Cela correspond avec les phases de rêve mais à cette époque, la relation n'a pas été faite.
En 1949, deux scientifiques, Giuseppe Morruzzie et Horace Magoun découvrent dans le cerveau, une formation réticulée, système responsable de l'éveil. Elle est un groupement diffus de neurones situé dans le tronc cérébral. Elle joue un rôle important dans la vigilance ainsi que dans l'éveil.
L'année suivante, en 1950, le neurobiologiste lyonnais Michel Jouvet découvre la phase de rêve,  «le sommeil paradoxal». Alors que tous les muscles sont inertes, le cerveau est en pleine activité.















B- LA DIVISION DU SOMMEIL EN TROIS PHASES









Le sommeil qui jusqu'à maintenant n'était considéré que comme une seule phase, est en fait un ensemble comprenant trois phases.
La première est la phase pré sommeil, la phase d'endormissement.
L'endormissement est le moment qui prépare le sommeil et qui apprête aussi implicitement le rêve. Pour que tout cela fonctionne, il faut que l'endormissement se fasse, que  le système d'éveil ne soit plus excité,  qu'il n'y est pas de danger immédiat (prédateur …) et que les besoins de l'organisme soient satisfaits (faim, soif, partenaire sexuel …).
Si toutes ces conditions sont respectées, alors l'individu pourra s'endormir. L'endormissement est caractérisé par une inactivité du rythme cicardien. L'individu endormi passe alors en phase de sommeil lent.
Il est aussi appelé le sommeil à ondes lentes et est la seconde phase. On l'appelle ainsi car l'encéphalogramme d'un individu en période de sommeil lent est caractérisé par une onde de grande amplitude et lente. Il est aussi caractérisé par la conservation du tonus musculaire. C'est pendant le sommeil à ondes lentes, qu'apparaît alors le sommeil paradoxal, c'est la troisième phase.
Le sommeil paradoxal apparaît lorsque le système d'éveil ainsi que celui de l'endormissement sont totalement désactivés. Le sommeil paradoxal est une phase du sommeil pendant laquelle l'activité électrique corticale est similaire à celle de l'éveil.
On peut aussi remarquer l'apparition des mouvements oculaires rapides ainsi que la disparition du tonus musculaire. C'est une atonie posturale. On retrouve pendant ces périodes, des moments d'érections de vingt-cinq minutes ainsi que l'activation de l'activité ponto geniculo occipital (PGO). Sourd, aveugle et paralysé, le dormeur devient alors très vulnérable. C'est pour cela qu'il ne peut s'endormir que s'il se sent en totale sécurité.
Cet ensemble de phases est très bien structuré et est entrecoupé par des périodes très courtes de réveil. Ces « micro éveil » peuvent se produire plusieurs fois par nuits.

Après ce bref descriptif des différentes phases du sommeil, nous allons nous concentrer sur le sommeil paradoxal, période pendant laquelle intervient les rêves, sujet de notre TPE.












C- LE FONCTIONNEMENT DU SOMMEIL











Nous avons dit que le sommeil paradoxal est une phase pendant laquelle l'animal est très vulnérable car il est totalement impuissant.
En 1957, des neurobiologistes de Chicago ont découvert la périodicité des mouvements des yeux des dormeurs. Malgré leur atonie posturale, les yeux arrivent à bouger.
L'atonie posturale est une paralysie totale du corps dans une position momentané.Elle est déclenchée par un petit groupe de neurones de taille moyenne situés dans le locus coeruleus alpha et sa partie interne. Ces neurones sont sensibles à l'acétylcholine. Cette substance provoque une atonie généralisée accompagnée soit du sommeil paradoxal soit de l'éveil (état de cataplexie).
A la base de cette atonie posturale, c'est une activité ponto géniculo occipital (PGO). Cette activité est située dans la formation réticulée pontique. Les voies qu'empreinte cette activité mène au cortex cérébral par l'intermédiaire parfois de relais thalamiques. Ce mécanisme est appelé le frein moteur. Il est divisé en trois étages. Le premier est l'étage des commandes et les deux autres sont des étages d'exécution.
L'étage de commande est situé à coté du locus coeruleus au niveau du locus coeruleus alpha. Lors de l'éveil, ce système est contré par un système permissif puissant. Ainsi, pendant l'éveil et le sommeil, l'activité du locus coeruleus est importante mais celle du locus coeruleus alpha est nulle.
Au cours du sommeil, l'activité du locus coeruleus diminue et cesse totalement au début du sommeil paradoxal.
C'est  alors que l'activité locus coeruleus alpha se met à croître et envoie aux étages
exécuteurs des influx excitateurs descendants, qui eux-mêmes envoient à leur tour des influx inhibiteurs gagnant la moelle épinière. Ils viennent alors bloquer l'activité PGO au niveau  des neurones moteurs alpha (Neurones qui stimulent les muscles).Parfois, certains influx moteurs puissants arrivent à passer et provoquent alors des petits mouvements chez l'animal.
Chez l'homme, il existe quand mêmes des personnes ayant un dysfonctionnement  du second  mécanisme (mécanisme bloquant l'activité PGO). Celui-ci ne joue pas son rôle. Les individus ont alors pendant leurs phases de sommeil paradoxal, une diminution variable de l'atonie musculaire, une augmentation de l'activité des membres (contractions musculaires), mais aussi une augmentation de la concentration et de la densité des mouvements oculaires. Chez ces hommes, on remarque lorsqu'ils dorment qu'ils deviennent agressifs voire violents (se blessent ou blessent les autres). Sur les chats, après une lésion  du système de freinage, on observe un comportement onirique bien différent de celui des hommes. Au moment ou apparaissent les pointes (PGO) annonçant le sommeil paradoxal, le chat endormi ouvre le yeux et lève la tête. Aveugle et sourd, le chat commence alors à  représenter plusieurs scènes  de la vie quotidienne: le toilettage, l'attaque, le jeu, la faim.

Dans l'immense majorité des rêves, voire dans tous les cas, le rêve est visuel. Les rêves sonores sont moins fréquent (45% des rêves). On y éprouve des sensations tactiles et corporelles dans 35% des cas. Le goût et l'odorat sont largement sous représentés avec 1% des cas. Beaucoup de nos rêves sont des cauchemars ou des semi cauchemars.
Le rêve ne ressemble pas à la réalité. S'il n'est pas dépourvu d'une certaine cohérence, ses bizarreries déconcertantes, son absurdité nous sautent aux yeux au réveil.
Ces bizarreries oniriques sont presque toujours visuelles. C'est donc à l'intérieur des régions du cerveau chargées de l'analyse des images que la recherche sur le rêve porte. Ceci paraît assez logique car la vision est le sens le plus développé chez l'homme. La plupart des rêves naissent lors de la phase paradoxale. Or, la région la plus active lors du rêve se trouve à la base des lobes temporaux et occipitaux : il s'agit précisément de l'une des régions spécialisées dans le traitement des images.
Lorsque la rétine enregistre une scène et la transforme en signaux électriques, elle la transmet par le nerf optique et les corps genouillés latéraux aux aires visuelles primaires du lobe occipitale. L'image y est alors traitée et réduite en ses éléments les plus ténus ; certains neurones réagissent aux mouvements, aux couleurs… Ainsi décomposée, l'image est conduite par deux voies nerveuses différentes. La première voie, dite
dorsale, traite les données spatiales de l'images, notamment dans les lobes pariétaux. Ce système permet de détecter le mouvement d'un objet ou du corps lui-même par rapport à cet objet dans son environnement.
La seconde voie est appelée
ventrale.
Elle implique principalement la base des lobes temporaux et occipitaux temporaux (LT et LOT). Ces régions analyse l'identité des objets de la scène visuelle. Cette voie reconnaît les choses et les personnes.
LT et LOT, très actifs durant le sommeil paradoxal, se divisent en régions spécialisées : il y a par exemple une zone chargée du traitement du visage de personnes ( aire ou gyrus fusiforme de reconnaissance des visages, sa lésion surtout dans l'hémisphère droit, cause un trouble
appelé prosopagnosie qui empêche de reconnaître même sa propre mère à sa seule apparence ; du grec
prosopan, « personne » et agnosie, « ignorance ») Il existe aussi une région chargée
d'identifier les lieux, les parties du corps, la reconnaissance de la forme des mots (on ne lit jamais toutes les lettres, on reconnaît la forme des mots) et une région qui identifie les formes en général.
Ces différentes régions ventrales sont interconnectés.

Que se passe-t-il lorsque l'on ferme les yeux et qu'il n'y a aucune information visuelle ? Les aires primaires visuelles sont désactivées et pourtant, l'imagerie interne persiste. En fait, toutes ces régions du cerveau produisent leurs propres images que la volonté peut susciter.
« Le cerveau produit en permanence ses propres images si bien que certains psychologues estiment qu'en fait nous hallucinons la réalité plus que nous la voyons » explique Sophie Schwartz. Les régions cérébrales du traitement de l'image réalisent ce que les spécialistes appellent des interférences en créant une sorte d'image idéale qui n'est pas du tout celle perçue par la rétine. La simple impression de relief est une construction du cerveau. « Face à un paysage, on ne perçoit pas une image faite de points, lignes et couleurs, mais des montagnes, des arbres... »

Durant le sommeil paradoxal, ces régions très actives pourraient perdre leur cohérence ou se mettre à fonctionner indépendamment du reste du cerveau, comme lors de certaines pathologies mentales. L'absence d'informations visuelles empêcherait les inférences oniriques d'être réajustées. En outre, le lobe préfrontal étant peu actif pendant cette phase de sommeil, l'élimination des images absurdes ou incongrues ne se ferait pas correctement. Le rêveur serait alors un spectateur de ses propres hallucinations, un naïf croyant aux effets spéciaux de son cerveau.
Pourquoi les rêves sont parfois si absurdes ?
Il y a de mauvais rapports entre les différents dimensions des objets représentés dans un rêve. On a beaucoup de points communs entre les rêves et les lésions cérébrales. De nombreuses personnes se souvenant de leurs rêves et les ayant trouvés très drôle, font un bide lorsqu'elles les racontent. Les rêves sont en effet plus chargés émotionnellement que la réalité, mais cette émotion peut être inadéquate à la situation. On peut rester indifférent à une scène horrible et être terroriser par un coquelicot. Les images sont souvent très bizarres mais respectent un certain degré d'organisation ce qui montre une certaine limite aux rêves. En effet, les rêves ressemblent rarement à des tableaux abstraits.

Lors de l'éveil, les informations auditives sont traitées par le biais de l'hémisphère gauche, où se situent les aires corticales de traitement du langage. Les informations visuelles sont triées et analysées dans les lobes occipitaux. Parallèlement, les lobes préfrontaux sont très actifs et servent aussi bien à prendre une décision qu'à filtrer les informations nerveuses et autres pulsions produites en permanence et spontanément dans les autres régions du cerveau. Le cortex en état d'éveil manifeste une activité plutôt asymétrique, prédominante dans l'hémisphère gauche à l'avant de l'encéphale.
Lorsque commence le sommeil, les filtres ascendants excitatrices responsables de l'éveil sont inhibées par différents noyaux du tronc cérébral et du thalamus. Au niveau du cortex, des inter-neurones inhibiteurs diminuent l'activité globale des neurones qui se synchronisent. Plus le sommeil est profond, plus lentes et amples seront les ondes cérébrales. Le cortex, siège des fonctions supérieures du cerveau (intégration sensorielle, planification motrice, idéation et intention, mémoire et orientation spatiale) se désactive progressivement.
A peu près quatre fois par nuits, la désactivation corticale observée lors du sommeil profond est interrompue par l'émergence d'un troisième état de conscience, appelé sommeil paradoxal. Sous l'effet d'un générateur situé à l'arrière du tronc cérébral, les fibres excitatrices ascendantes se réactivent et désynchronisent à nouveau le cortex. Pourtant, malgré ce réveil cortical, le dormeur ne se réveille pas. Le générateur de sommeil paradoxal inhibe les neurones de la moelle épinière chargés du transfert des signaux moteurs et provoque ainsi une atonie totale hormis quelques frétillements du bout des doigts et surtout des mouvements occulaires extrêmement rapides appelés
REM (rapid eye mouvment). Durant le sommeil paradoxal, l'activité corticale est plus symétrique que lors de l'éveil. Des régions profondes comme le thalamus, l'hypothalamus, le système limbique, surtout l'amygdale (responsable de l'évaluation émotionnelle et de la peur) et la base du lobe temporal et de la région occipitaux-temporale (LT et LOT) se retrouvent relativement plus actives que les lobes préfrontaux et pariétaux. Cette différence explique en partie l'hypothèse selon laquelle le rêve a lieu durant le sommeil paradoxal :malgré la fermeture des paupières, les régions produisant par exemple l'imagerie cérébrale (LOT) se retrouvent suractivées tandis que les lobes frontaux se montrent moins à même d'exercer leur rôle de filtre.
Normalement, lorsque l'activité mentale est faible, c'est le cas du sommeil lent, les ondes cérébrales sont généralement synchrones. En sommeil paradoxal, c'est tout le contraire : activation et désynchronisation. Ces PGO sont connus pour être responsable des rêves et de leurs images. Ils prennent naissance dans un petit groupe de neurones PGO-on situés dans le pont. Ces neurones excitent le noyau visuel du thalamus, puis le cortex visuel, et donnent ainsi naissance aux images de nos rêves. Cependant, on sait aussi que ces ondes se propagent dans d'autres systèmes sensoriels du cortex cérébral. C'est pourquoi le rêve peut faire intervenir des bruits et certaines sensations tactiles.
Au début de ses recherches, M.Jouvet pensait que la noradrénaline, une monoamine, était libérée par des neurones SP-on. Maintenant, on sait que c'est l'inverse, ce sont les SP-off. Aujourd'hui, on convient que les neurones de type on -regroupés dans un système exécutif- dont de deux types : les cholinergiques et les acides aminés excitateurs, glutanate en particulier. Pour le système permissif, donc les neurones SP-off, les monoaminergiques dominent. Ce sont des des neurones aux neurotransmetteurs variés : noradrénaline, adrénaline, histamine et sérotonine. Tous sont impliqués dans d'autres voies neurologiques comme la régulation de l'humeur, de la mémoire et des états de vigilance. Pour l'instant, on sait que les neurones monoaminergiques inhibent les SP-on, mais aucune preuve ne permet de dire qu'ils les stimulent par l'arrêt de leur activité. Les chercheurs supposent que l'interruption des neurones SP-off GABA (acide gamma-aminobutyrique) ergiques permettrait une activation de plusieurs populations de neurones SP-on cholinergiques et glutamatergiques. Ces neurones s'exciteraient alors mutuellement jusqu'à un stade où ils déclencheraient le sommeil paradoxal. Le modèle semble bien compliqué : les neurones possèderaient un mécanisme d'auto-inhibition. Des neurones cholinergiques ne peuvent donc activer que des neurones non cholinergiques, glutamates par exemple. On en découvre régulièrement de nouveau. Enfin, même si la clé du sommeil paradoxal se situe dans le
périlocus coeruleus alpha, le modèle est loin d'être simplifié.