lundi 31 janvier 2011

Sigmund Freud - La signification occulte des rêves

 

 



Sigmund Freud - La signification occulte des rêves


Que les problèmes posés par la vie onirique se succèdent à perte de vue ne surprendra que celui qui oublie précisément que tous les problèmes de la vie psychique reviennent aussi sous la forme du rêve, accrus de quelques autres qui relèvent de la nature particulière des rêves. Bien des choses que nous étudions sous le rapport du rêve - parce que c’est là qu’elles se révèlent à nous - n’ont pourtant rien - ou peu - à faire avec la spécificité psychique du rêve.
C’est ainsi que, par exemple, la symbolique n’est pas un problème du rêve mais un thème de notre pensée archaïque - de notre " langue fondamentale ", pour reprendre l’excellente formule du paranoïaque Schreber - et elle domine le mythe et le rituel religieux tout autant que le rêve ; c’est à peine s’il reste à la symbolique du rêve la caractéristique de voiler essentiellement le matériel qui a une signification sexuelle ! Le rêve d’angoisse non plus ne doit pas attendre son élucidation de la théorie des rêves, l’angoisse est bien plutôt un problème concernant les névroses, et il ne reste plus qu’à examiner comment l’angoisse peut naître dans les conditions de l’activité onirique.
Je pense qu’il n’en va pas autrement du rapport du rêve avec les prétendues réalités du monde occulte. Mais comme le rêve lui-même a toujours été quelque chose de mystérieux, on l’a étroitement associé à ces autres mystères inexpliqués. Historiquement, il pouvait certes y prétendre à juste titre car, dans les temps originels, lorsque notre mythologie se formait, les images du rêve ont pu avoir leur part dans la genèse des représentations de l’âme.
Il y aurait deux catégories de rêves qui sont à mettre au nombre des phénomènes occultes : les rêves prophétiques et les rêves télépathiques. En faveur de ces deux catégories plaide une masse incommensurable de témoignages, et contre elles l’aversion tenace, le préjugé de la science, si l’on veut.
Qu’il y ait des rêves prophétiques, en ce sens que leur contenu représente quelque mise en forme de l’avenir, cela ne fait pas l’ombre d’un doute ; il reste seulement à se demander si ces prédictions vont coïncider de manière significative avec ce qui se produira effectivement par la suite. J’avoue qu’en l’espèce mon parti pris d’objectivité m’abandonne. qu’un travail psychique quelconque autre qu’un calcul perspicace soit en mesure de prévoir dans le détail le cours des événements à venir, voilà qui, d’une part, contredit trop toutes les espérances et tous les points de vue de la science et qui, d’autre part, correspond trop fidèlement à des désirs ancestraux et bien connus de l’humanité que la critique se doit de rejeter comme autant de prétentions injustifiées.
Je veux donc dire par là que, si l’on met en regard les récits le plus souvent précaires, naïfs et peu crédibles, les illusions mnésiques toujours possibles facilitées par l’affectivité et les quelques heureux hasards qui se présentent nécessairement, on peut s’attendre à ce que le fantôme des rêves prophétiques s’anéantisse. Personnellement, je n’ai jamais fait l’expérience ni entendu parler de quoi que ce soit qui puisse susciter un jugement plus favorable.
Il en est autrement des rêves télépathiques. Ici cependant, remarquons avant toute chose que nul n’a encore prétendu que le phénomène télépathique - l’enregistrement d’un processus psychique chez une personne par une autre par une voie différente de celle de la perception sensorielle - était exclusivement lié au rêve. La télépathie, encore une fois, n’est donc pas le problème du rêve ; nul besoin d’étudier les rêves télépathiques pour y puiser un jugement quant à son existence.
Si l’on soumet les récits ayant trait à des phénomènes télépathiques (inexactement : transfert de pensée) à la même critique que celle qui nous avait servi à nous défendre d’autres affirmations occultes, il nous reste cependant un matériel considérable que l’on ne peut négliger si aisément.
De même, dans ce domaine, on réussit bien plus à collecter observations et expériences personnelles qui viennent justifier une attitude bienveillante à l’égard du problème de la télépathie, encore qu’elles ne puissent suffire pour établir une conviction assise sur des certitudes. On se forme provisoirement l’opinion selon laquelle il se pourrait bien que la télépathie existe effectivement et qu’elle constitue le noyau de vérité de beaucoup d’autres assertions qui, sans elle, seraient incroyables.
On fait certainement bien de défendre avec obstination, en matière de télépathie comme ailleurs, toute position de scepticisme et de ne céder qu’avec réticence à la force des preuves. Je crois avoir trouvé un matériel qui échappe à la plupart des réserves par ailleurs admissibles des prophéties non accomplies de diseurs de bonne aventure professionnels. Malheureusement, seules quelques observations de ce type sont à ma disposition ; deux d’entre elles cependant m’ont laissé une forte impression. Il ne m est pas donné d’en faire part de façon assez détaillée pour qu’elles puissent agir aussi sur autrui. Je dois me borner à mettre en évidence quelques points essentiels.
Les personnes concernées s’étaient donc - en un lieu étranger et par un diseur de bonne aventure étranger qui, ce faisant, se livrait à quelque pratique probablement indifférente - entendu prédire pour une date déterminée quelque chose qui ne s’était pas vérifié. Le terme de la réalisation de la prophétie était passé depuis longtemps. Il était frappant de voir que les personnes, loin d’être railleuses ou déçues, répondaient de leur aventure avec une satisfaction non dissimulée.
Dans le contenu de la prédiction qui leur avait été faite se trouvaient des détails très précis qui paraissaient arbitraires et incompréhensibles et qui n’auraient été justement légitimés que par leur vérification. C’est ainsi, par exemple, que le chiromancien dit à une femme âgée de vingt-sept ans - mais d’apparence beaucoup plus jeune - qui avait retiré son alliance, qu’elle finirait par se marier et qu’elle aurait deux enfants à trente-deux ans. Cette femme avait quarante-trois ans lorsque, devenue gravement malade, elle me raconta ce fait dans son analyse ; elle était restée sans enfants.
A condition de connaître son histoire intime, qui était certainement restée ignorée du " Professeur " dans le hall de l’hôtel parisien, on pouvait comprendre les deux chiffres de la prophétie. Après avoir porté à son père un attachement d’une intensité peu commune, la jeune fille s’était mariée et avait alors ardemment désiré avoir des enfants pour pouvoir substituer son mari à son père. Après de longues années de déception, au seuil de la névrose, elle sollicita la prophétie qui lui promettait le destin de sa mère.
Pour cette dernière, il était exact qu’elle avait eu deux enfants, à trente-deux ans. Ainsi, ce n’est qu’avec l’aide de la psychanalyse qu’il fut possible d’interpréter dans toute leur signification les particularités de l’heureuse nouvelle qui émanait d’une source prétendument extérieure. Mais alors, on ne pouvait mieux élucider la totalité des faits précisés sans aucune équivoque que par l’hypothèse qu’un fort désir inconscient de la consultante - en réalité, le désir inconscient le plus fort de sa vie affective et le moteur de sa névrose en éclosion - s’était manifesté par un transfert direct au diseur de bonne aventure absorbé par des manipulations de diversion.
J’ai également eu l’impression, au fil des essais pratiqués dans le cercle de mes intimes, que le transfert de souvenirs à tonalité fortement affective réussit sans difficulté. Si l’on se risque à soumettre à un travail analytique les idées de la personne sur laquelle le transfert doit se porter, des concordances souvent se feront jour qui, sinon, seraient restées méconnues. Fort de plus d’une expérience, je suis enclin à tirer la conclusion que de tels transferts se réalisent particulièrement bien au moment où une représentation émerge de l’inconscient - ou bien, pour m’exprimer en termes théoriques, dès qu’elle passe du " processus primaire "au " processus secondaire ".
Malgré toute la prudence requise par la portée, la nouveauté et l’obscurité du sujet, j’ai considéré qu’il n’était plus du tout justifié de garder pour moi ces propos relatifs au problème de la télépathie. Tout ceci ne concerne le rêve que dans cette mesure s’il y a des messages télépathiques, il est indéniable qu’ils peuvent aussi atteindre le dormeur et être appréhendés par lui dans le rêve. En effet, si l’on procède par analogie avec du matériel perceptif et idéationnel autre, on ne peut non plus écarter l’idée que des messages télépathiques qui ont été enregistrés durant la journée ne soient soumis à élaboration que dans le rêve de la nuit suivante.
Il n’y aurait pas même à redire si le matériel parvenu par télépathie était, dans le rêve, altéré et transformé au même titre qu’un autre. On aimerait bien, à l’aide de la psychanalyse, augmenter ses connaissances en matière de télépathie et les assurer plus solidement.


P.-S.

Freud, S. (1925/1992). Quelques suppléments à l’interprétation des rêves. In Œuvres complètes, XVII (pp. 185-188). Paris : PUF.

Rêve et inconscient



L'inconscient est l'instance psychique découverte par Freud et nommée par lui en tant que lieu des représentations qui se sont vu refuser l'accès à la conscience, représentations refoulées qui supportent les désirs inconscients.
Sa théorie constitue l'hypothèse fondatrice de la psychanalyse.
Pour celle-ci, l'inconscient est l'organisation qui gouverne nos pensées, nos désirs, nos actes ; cette instance est porteuse d'un savoir inconscient auquel nous n'avons pas accès si ce n'est à travers ce qu'on appelle les formations de l'inconscient - rêve, lapsus, symptôme, oubli, etc. - qui signent le retour de ce qui fut refoulé et qui se manifestent en dehors de la volonté du sujet ; celui-ci se révèle donc être dirigé à son insu par un réseau articulé de représentations que la conscience ne peut reconnaître siennes.
Donc toutes ces formations sont porteuses d'un savoir mais d'un savoir énigmatique, constitué par un matériel littéral en lui-même dépourvu de signification, savoir qui ne se livre pas comme ça, et qui reste donc à déchiffrer - travail de l'analyse - et c'est cela que Freud a découvert en se prêtant à l'écoute de ses premières patientes hystériques.
Le réseau signifiant préexiste au sujet : à sa naissance, il se trouve pris déjà dans le réseau symbolique de la parenté, de l'alliance et de la nomination, ce qui fait dire à Lacan que "l'inconscient, c'est le désir de l'Autre", l'Autre étant entendu ici comme la chaîne symbolique inconsciente porteuse d'une mémoire qui excède celle du sujet et dans laquelle le sujet est pris . Lacan dira aussi : il s'agit de "l'Autre, lieu de cette mémoire que Freud a découverte sous le nom d'inconscient" (1).
Tout le monde a l'expérience de quelque chose qui lui a échappé, qu'il a commis sans le vouloir, par surprise, de l'ordre du lapsus, acte manqué, oubli, méprise, erreur.
Tous nous rêvons et nos rêves sont pour nous le plus souvent étonnants et incompréhensibles.
Et si l'on vient voir le psychanalyste c'est parce que l'on souffre de symptômes énigmatiques, le plus souvent répétitifs qui sont devenus insupportables et dont la raison ne vient pas à bout.
L'inconscient est donc ce qui surgit comme incongru dans le discours conscient, dans le discours courant que nous croyons maîtriser, ce qui fait effraction dans la parole ou les comportement sur le mode de l'énigme, ce qui se répète contrre la volonté du sujet, ce qui intrigue et questionne : Toutes ces manifestations involontaires et énigmatiques, ces "formations" de l'inconscient, toutes sont des formations langagières, de véritables "créations", de trouvailles, elles relèvent du signifiant, elles sont structurées comme un langage, elles obéissent à ce que Freud nomme le processus primaire de pensée, les mécanismes en oeuvre ici étant la condensation et le déplacement, renvoyant à la métaphore et à la métonymie.
En ce sens, l'inconscient ou plutôt ses formations, c'est ce qui s'écrit dans la parole, ou dans le comportement, mais sous la forme d'une écriture chiffrée et donc à déchiffrer.
Pourquoi ce savoir inconscient ne se livre-t-il pas tout simplement pourquoi nécessite-t-il un travail de déchiffrage ? c'est qu'il avance masqué pour tenter de déjouer la censure en rapport avec ce que nous avons du refouler pour advenir comme sujet, depuis le premier refoulement, appelé refoulement originaire, où l'enfant doit renoncer à être pur objet du désir de la mère, refoulement princeps qui sera suivi par la suite des refoulements secondaires.
L'inconscient donc, à travers ses formations, se donne à déchiffrer, à lire, il est de l'ordre de l'écrit et son écriture est de l'ordre du jeu de lettres : l'inconscient sait introduire une lettre supplémentaire ou la retirer dans une séquence ; il sait organiser des déplacements de césure et faire ainsi émerger une signification différente ; il sait jouer sur l'homophonie, sur l'orthographe différente de mots ou de séquences qui ont le même son et qui se prêtent à la dislocation selon le jeu de "lalangue", où le sujet de l'inconscient cherche à se faire entendre et les formations de l'inconscient à chiffrer le désir ; ici les mots sont traités comme des choses et valent par leur tissage et leurs connexions littérales comme dans la poésie.
Ainsi les éléments de la chaîne inconsciente, font irruption dans la langue parlée sur le mode préférentiel de la lettre, en tant que signe d'un désir interdit. Rappelons le joli lapsus du premier ministre candidat à la Présidence de la République : "je vous souhaite tous mes vieux". C'est pourquoi l'arme interprétative première de l'analyste est celle de l'équivoque signifiante, équivoque grammaticale, logique, homophonique qui permet aussi de déplacer la césure, de faire de nouveaux découpages, de faire apparaître de nouveaux sens sur fond de non-sens (rébus) ."Il est tout-à-fait clair que le symptôme se résout tout entier dans une analyse de langage, parce qu'il est lui-même structuré comme un langage, qu'il est langage dont la parole doit être délivrée" (2).
L'inconscient donc se donne à déchiffrer, à lire : Il "écrit" certes, sous la forme de ces "formations"particulières à chacun, mais ce qu'il a lu auparavant et dont ces formations représentent une sorte de déchiffrage. Dans la Lettre 52 à Fliess, Freud nous dit que dans notre organisation psychique, nous avons tout d'abord affaire aux perceptions ou impressions, sans mémoire, réel antérieur à la symbolisation et qui est la jouissance du corps; ensuite on a les signes de perception, première transcription de ces perceptions, premier nouage du symbolique et du réel, premiers chiffrages de la jouissance dont Lacan dit qu'il se fait à partir de débris langagiers, de bribes, d'alluvions, où se dépose la jouissance, c'est là que se situe la racine du symptôme : ces signes dit Freud ne sont pas susceptibles de conscience et sont articulés selon une association par simultanéité ; donc ici pas de sens, pas de contradiction et pas d'ordre dans le temps, pas de succession mais cependant un premier chiffrage de la jouissance.
Le troisième temps, celui de l'inconscient - i.e. le processus primaire, le couple condensation-déplacement - dont Lacan nous dit qu'il déchiffre cette jouissance préalablement chiffrée ; ici ce ne sont pas des associations par simultanéité qui dominent mais des associations par causalité qui implique la succession dans le temps donc une orientation et déjà une adresse qui vise un Autre : "Faire passer la jouissance à l'inconscient, c'est-à-dire à la comptabilité, c'est en effet un sacré déplacement" dit Lacan dans Radiophonie (3).
La jouissance va être ainsi transplantée du corps vers le langage, vers le terrain de la parole et du discours, c'est à ce niveau que nous retrouvons les formations de l'inconscient qui seront à déchiffrer par le travail de la psychanalyse.
Lacan dans Télévision : "Ce qu'articule comme processus primaire Freud dans l'Ict, ça c'est de moi, mais qu'on y aille et on le verra, ce n'est pas quelque chose qui se chiffre, mais qui se déchiffre. Je dis la Jouissance, elle-même" (4).
LE RÊVE
Quant au rêve, "la voie royale vers l'inconscient", rappelons la lecture révolutionnaire qu'en fit Freud : si le rêve est constitué d'images, ces images sont analogues à celles d'un rébus, ou encore analogues à celles des hyéroglyphes : il s'agit d'une écriture en images, d'une écriture chiffrée qui est à déchiffrer . Le rêve emploie lui aussi pour s'écrire la condensation et le déplacement (métaphore-métonymie) et un rêve s'analysera comme les autres formations de l'inconscient par la méthode freudienne de l'association libre qui déploiera tout un réseau signifiant.
Par ailleurs, le rêve ne comporte pas de connecteurs logiques, c'est à l'interprète de les établir, en sachant que toute assertion peut être retournée, contredite ou corrigée. La vérité comporte plusieurs versants ou encore il n'y a pas d'écriture dernière, il n'y a pas de dernier mot du rêve, même s'il y a une limite à l'interprétation de celui-ci, L'interprétation poussée suffisamment loin, va buter nous dit Freud sur ce point essentiel qu'est l'ombilic du rêve : "tout rêve, nous dit-il, a au moins un endroit où il est insondable, analogue à un ombilic où il est relié avec le non-reconnu", là, les chaînes associatives forment une pelote et n'ont plus ce caractère en réseau qui permet de déduire les pensées latentes ; la condensation y est en défaut et Lacan nous a appris à reconnaître dans cet ombilic, ce non-reconnu, ce qu'on appelle le refoulement originaire . Ce point est un stigmate du réel du sujet (Lacan parle même à ce propos du réel comme le fait d'être né de ce ventre-là, de cette mère-là et pas d'une autre, de ces parents-là et le fait d'être exclu de notre propre origine). Freud nous dit aussi que, d'un endroit plus dense de ce réseau des pensées, s'élève le désir du rêve, à proximité duquel on peut repèrer ce qu'on appelle les holophrases qui sont des sortes de phrases gelées qui peuvent employer une ou plusieurs langues étrangères et où les signifiants sont comme collés et qu'il faut séparer et "réanimer" en les découpant et en les écoutant homophoniquement : (par exemple, 300 francs = 3 enfants). Là c'est le son et non plus l'image qui est refoulé par le son, comme dans l'écriture chinoise.
Tout ceci permet de mieux entendre le bien-fondé et la justesse du titre donné par Lacan à son séminaire de 1976-1977 : l'insu-que-sait de l'une-bévue, l'une-bévue étant la traduction homophonique de Unbewusst, inconscient en allemand.
LE MOT D'ESPRIT
Le mot d'esprit lui aussi construit pour déjouer la censure est facilement accepté par celle-ci, Il opère une agréable levée du refoulement, libérant ainsi l'énergie habituellement utilisée à maintenir celui-ci, ce qui suscite entre autres le plaisir que l'on éprouve à l'écoute d'un mot d'esprit, réconciliant le sujet grammatical et le sujet du désir refoulé sans que l'un ait à chasser l'autre.
Si le rêve est écrit dans une langue privée le mot d'esprit lui est fait pour circuler entre les humains de la même paroisse et il nécessite qu'un tiers vienne l'authentifier par son rire.
Lacan dira en parlant de l'interprétation analytique : "il n'y a que la poésie qui permette l'interprétation... " mais aussi "Nous n'avons rien à dire de beau. C'est d'une autre résonance qu'il s'agit à fonder sur le mot d'esprit... Un mot d'esprit n'est pas beau ; il ne se tient que d'une équivoque." (5)
Pour Freud d'ailleurs, nous rappelle Charles Melman, "il ne s'agissait pas de se réaliser en prenant connaissance dans la cure de cet inconscient mais de renoncer à l'idée de maîtrise et de consentir à advenir comme sujets abolis, divisés par ce savoir inconscient dont nous sommes exclus" (6) et que nous pouvons approcher par le travail de déchiffrage dans la pratique d'une cure analytique : on pourrait dire aussi que le seul lieu où se manifeste ce sujet de l'inconscient, ordinairement muet "aboli", censuré, est celui des formations du dit inconscient.
Le terme inconscient est mal venu, car il pourrait faire croire qu'entre le conscient "ce que nous croyons dire" et l'inconscient "ce que nous ne savons pas que nous disons" quand nous parlons, existe un bord qui les sépare et qu'ils se trouvent répartis d'un côté et de l'autre de ce bord, - dedans, dehors - dessus-dessous, en haut-en bas, devant-derrière - alors que les manifestations de l'inconscient dans le discours effectif, "conscient", "le discours courant" (le disque courcourant) se trouvent être en continuité avec celui-ci, comme le sont l'envers et l'endroit d'une bande de Moebius, le passage de l'un à l'autre ne nécessitant aucun franchissement de bord.

Auteur : Josée Lapeyrère