jeudi 24 février 2011

Rêve et hallucination



Sensation ou perception d'objets externes n'existant pas dans la réalité. Elles peuvent être isolées ou entrer dans un tableau délirant
Les hallucinations ne doivent pas être confondues avec les illusions, qui consistent en une mauvaise interprétation de stimuli sensoriels et ne doivent pas être trop rapidement "psychiatrisées" en particuliers chez les enfants ( cf migraines), les personnes agées, les patients polymédicalisés,...


 

I. DEFINITION DE L'HALLUCINATION - DESCRIPTION CLINIQUE

I.1. L'hallucination est une perception sans objet réel à percevoir.
Elle n'est donc pas une perception erronée du monde réel (métamorphopsies, micro ou macropsie, illusions). Lorsqu'il s 'agit d'hallucinations dites psychosensorielles, elles peuvent toucher n'importe laquelle des 5 modalités sensorielles (auditive, visuelle, olfactive, gustative, tactile lorsqu'elles concernent la sensibilité externe, cœnesthésique ou somesthésique lorsqu'elles concernent la sensibilité interne ou proprioceptive). Parmi les hallucinations fréquentes de ce dernier type, il faut noter les hallucinations concernant la sphère génitale (sensations d'attouchements, de pénétration, d'orgasme, d'accouchement, …).
Les hallucinations intra-psychiques sont perçues comme une ou des voix provenant de l'intérieur même de la tête du sujet (perturbations du langage intérieur), et n'ont pas de caractère de sensorialité. Elles appartiennent au cadre de l'automatisme mental.
Devant tout délire ou toute expérience hallucinatoire, il faut rechercher d'autres mécanismes délirants (illusions, interprétations, intuitions, imagination).

I.2 Recherche des caractéristiques des hallucinations
Il existe des hallucinations élémentaires (phosphènes, acouphènes), ou des hallucinations complexes (images construites, mots, phrases) : il convient donc de tenter de faire décrire précisément par le sujet les caractéristiques de ses hallucinations. On cherchera donc leur contexte de survenue (conditions pratiques : luminosité ambiante, période vespérale ou de l'endormissement, isolement, prise de médicaments ou de toxiques, contexte de maladie somatique), leur contenu (nature des propos entendus, identification ou non de la voix comme étant celle d'une personne déterminée - connue du patient, toujours identique à chaque période hallucinatoire, que le patient peut évaluer comme appartenant à un homme, une femme, un enfant, d'âge parfois précisable, etc… - localisation topographique de l'origine de l'hallucination, composition et couleurs des images, expériences à chaque fois identiques, ou toujours différentes, sensation de scène déjà vue ou déjà vécue, …).
L'existence des hallucinations entraîne parfois des modifications très significatives du comportement du patient, qui peuvent permettre de déceler leur existence chez un sujet réticent, qui n'expose pas l'existence de ces phénomènes hallucinatoires à ses interlocuteurs. Ainsi, les hallucinations auditives, lorsqu'elles surviennent, peuvent totalement capter l'attention du sujet, au point d'interrompre le discours qu'il est en train de tenir, ou de lui faire tourner la tête vers l'endroit d'où provient l'hallucination : il s'agit dans ce cas d'une attitude d'écoute. Les patients réagissent aussi parfois à des hallucinations tactiles ou somesthésiques.

I.3 Adhésion ou critique
Un aspect essentiel de l'exploration de phénomènes hallucinatoires est l'estimation du degré d'adhésion du sujet à ses hallucinations. En effet, si le patient présente une adhésion complète au phénomène hallucinatoire, il s'agit d'hallucinations à proprement parler. S'il critique sa perception, c'est-à-dire s'il pense que ce qu'il perçoit est le fruit de son imagination, que cela n'existe pas à proprement parler, alors on est en présence d'une hallucinose, d'origine somatique.

II. HALLUCINATIONS ORGANIQUES OU LESIONNELLES

II.1. Hallucinations dans le cadre des intoxications

II.1.1. Drogues hallucinogènes :
Sont considérées comme telles les substances qui induisent régulièrement des phénomènes hallucinatoires, dès la consommation de faibles doses de la substance. Il s'agit des dérivés de la mescaline, de l'ecstasy, du LSD, de la psilocybine, et du PCP (phencyclidine ou poudre d'ange). Ces produits entraînent une dépersonnalisation s'accompagnant d'illusions sensorielles et d'hallucinations, comparable à un onirisme, le LSD étant réputé provoquer des synesthésies (télescopages de perceptions sensorielles selon différentes modalités - par exemple : un son déclenche des hallucinations colorées ; une perception tactile est associée à une hallucination visuelle). Les substances anticholinergiques à forte dose (belladone, antiparkinsoniens anticholinergiques du type Artane*, Akinéton* ou Lepticur*), peuvent entraîner des tableaux confuso-oniriques à forte charge en illusions ou hallucinations visuelles.
 

II.1.2. Drogues à potentiel hallucinogène
Ces substances ont un effet toxique global, s'accompagnant habituellement de troubles de la vigilance et d'un certain degré de confusion mentale, où peuvent apparaître des hallucinations. De nombreux toxiques peuvent être en cause : colles et solvants, éther, gaz volatiles, cannabis et ses dérivés, opiacés à fortes doses, cocaïne, amphétamines.

II.2. Hallucinations liées à une désafférentation - hallucinose
Il s'agit d'états hallucinatoires qui n'entraînent pas la création d'un véritable délire : le sujet ne " croit pas " en ce qu'il perçoit, même si ce qu'il éprouve est ressenti avec beaucoup de vivacité et de précision : la critique s'installe très vite. On est donc en présence de phénomènes psychosensoriels sans délire.

II.2.1. Hallucinations dans le cadre d'un déficit auditif
Des sujets sourds peuvent être amenés à percevoir des hallucinations auditives, initialement sous forme d'acouphènes, qui se transforment peu à peu en hallucinations élémentaires, puis de plus en plus élaborées, parfois musicales. Ces hallucinations peuvent être unilatérales, généralement du côté où prédomine la surdité. Ces hallucinations sont le plus souvent critiquées.

II.2.2. Hallucinations dans le cadre d'un déficit visuel
On parle alors du syndrome de Charles Bonnet, qui concerne des sujets âgés, présentant un déficit visuel partiel, généralement d'installation progressive, voire une cécité. Des hallucinations visuelles se rencontrent également dans le cadre de lésions des voies visuelles (nerf optique, chiasma), ou encore dans des hémianopsies latérales d'origine occipitale, en dehors de tout mécanisme épileptique. Elles s'installent rapidement après l'apparition du trouble neurologique et sont de types variés.

II.2.3. Hallucinations dans le cadre de désafférentation somesthésique
Il s'agit du phénomène du " membre fantôme ", survenant chez les amputés, qui ressentent des sensations proprioceptives comme elles existaient avant de perdre le segment amputé. Parfois, les sensations sont douloureuses. Ces phénomènes du membre fantôme surviennent parfois dans d'autres contextes neurologiques, tels des lésions plexiques ou des paraplégies.
Certains syndromes de Guillain-Barré sévères peuvent comporter des sensations somesthésiques hallucinatoires.

II.2.4. Hallucinose pédonculaire : atteinte des voies auditives associée.
II.3. Hallucinations dans les phases de modification de la vigilance
et les syndromes confuso-oniriques

Un état de vigilance particulier, physiologique ou pathologique, est à l'origine de la possibilité de survenue de phénomènes hallucinatoires.

II.3.1. Dans un contexte physiologique :
C'est à l'occasion des phases d'endormissement ou de réveil que l'on peut rencontrer des hallucinations. On parle alors respectivement d'hallucinations hypnagogiques et hypnopompiques.

Les hallucinations hypnagogiques : surviennent chez le sujet normal, au coucher ou à l'occasion d'un endormissement en cours de journée (sieste, rêverie profonde). Les hallucinations sont visuelles ou auditives, correspondent souvent à des événements de la journée écoulée et s'accompagnent volontiers de sensations d'apesanteur, de chute libre, de flottement. Elles prennent fin avec l'endormissement ou un sursaut et ne sont pas angoissantes.

Les hallucinations hypnopompiques correspondent à l'intrusion du contenu d'un rêve au moment du réveil, avec une période de désorientation brève.

II.3.2. En pathologie du sommeil :
C'est chez les sujets narcoleptiques qu'on rencontre des hallucinations hypnagogiques. Il s'agit alors d'hallucinations visuelles, auditives ou somesthésiques, comparables à un rêve, qui surviennent en pleine conscience chez le patient, lors des endormissements pathologiques de la journée ou au coucher. Ces phénomènes hallucinatoires sont souvent vécus avec angoisse et bien mémorisés. Leur durée peut être prolongée, de plus de 10 minutes.

II.3.4. En pathologie neurologique lésionnelle :
Dans un contexte pathologique, ce sont des lésions (vasculaires ou tumorales) des zones cérébrales régulant la veille et le sommeil, c'est-à-dire les pédoncules et le pont, ou bien une souffrance encéphalique génératrice d'un syndrome confusionnel, qui peuvent favoriser l'émergence d'hallucinations.

II.3.5 Hallucinose pédonculaire :
Les lésions focales du tronc cérébral (calotte protubérantielle ou pédoncules) peuvent entraîner une hallucinose, qui est constituée par des hallucinations mono sensorielles, soit auditives, soit visuelles, qui surviennent en l'absence de trouble de la vigilance.
Les hallucinations visuelles surviennent plus facilement au calme, dans une lumière atténuée, lorsque le patient ferme les yeux, lors de l'affaiblissement de la vigilance. Il s'agit de visions colorées, comparables à un film muet, sans support ou à l'inverse " projetées " sur une surface (mur, plafond, …), qui mettent en scène des personnages, des animaux, des formes complexes. Le patient en a pleinement conscience et mémorise ces phénomènes visuels. Initialement perplexe et convaincu de ce qu'il voit, il critique rapidement ces phénomènes et reconnaît leur caractère irréel. Les hallucinations n'existent que dans la phase aiguë de la lésion en cause (vasculaire le plus souvent).
Les hallucinations auditives surviennent dans un contexte comparable, lorsque la lésion causale touche les voies auditives centrales. Elles sont complexes et peuvent être musicales (chanson, thème musical), ou verbales.

II.3.6 Confusion mentale :
Dans la confusion mentale, les hallucinations (et plus encore les illusions) sont fréquentes dans les formes dont l'étiologie entraîne une hyperactivité et une agitation, dans le cadre d'états confuso-oniriques. C'est le cas des encéphalopathies liées à un sevrage (alcool, benzodiazépines, barbituriques) ou à une intoxication (anticholinergiques, dopaminergiques). Le patient confus, qui se trouve comme dans un cauchemar, adhère à ses hallucinations, ne les critique pas, et il est donc considéré comme délirant. Le comportement du sujet et son agitation sont directement en phase avec les idées délirantes et les hallucinations, généralement terrifiantes, qu'il subit. Celles-ci sont habituellement assez mal mémorisées.

II.4. Hallucinations dans les démences
Certains syndromes démentiels s'accompagnent d'idées délirantes, généralement à thème persécutif ou de spoliation, et d'hallucinations. Les hallucinations visuelles sont les plus fréquentes, mais d'autres modalités perceptives peuvent être concernées.
La maladie d'Alzheimer peut comporter des hallucinations, mais la forme clinique de démence où l'on en rencontre le plus souvent est la démence à corps de Lewy. De façon assez caractéristique, les patients présentent des hallucinations visuelles, souvent de personnages de leur entourage proche. Ces visions peuvent s'accompagner de phénomènes auditifs. Les malades souffrant de démence à corps de Lewy sont particulièrement intolérants aux neuroleptiques, qu'il convient d'éviter de prescrire.

II.5 Hallucinations dans le cadre des dysfonctionnements corticaux et de l'épilepsie
Les migraines avec aura peuvent comporter des phénomènes hallucinatoires, essentiellement de type élémentaire, comme par exemple les phosphènes des migraines ophtalmiques.
Dans l'épilepsie, les hallucinations surviennent dans l'aura préalable à la crise, ou durant celle-ci lorsqu'il s'agit de formes partielles complexes.
On peut constater des hallucinations auditives simples (bruits élémentaires, bourdonnements, cliquetis), de durée brève, lorsque l'aire auditive primaire est en cause, ou des hallucinations auditives complexes (musique, voix) dans le cadre de crises temporales. C'est également dans les crises temporales que l'on rencontre la plupart des hallucinations gustatives. Les patients rapportent des saveurs désagréables. Les hallucinations olfactives sont elles aussi généralement déplaisantes (mauvaises odeurs). Elles surviennent dans les épilepsies temporales ou prenant leur origine dans la région orbito-frontale. Les hallucinations visuelles simples sont présentes dans l'épilepsie à point de départ occipital. Elles consistent en des formes circulaires ou arrondies, colorées, parfois animées. Elles diffèrent des phosphènes migraineux, qui sont plutôt perçus comme non colorés, en zig-zag. Les hallucinations visuelles complexes épileptiques comportent des scènes, jamais vues ou au contraire déjà vécues dans le passé, parfois associées à des perceptions selon d'autres modalités sensorielles. Il peut s'agir alors du " dreamy state " (état de rêve), où le patient a le sentiment d'avoir déjà vu ou déjà vécu la scène, dont il perçoit cependant le caractère non réel. Le dreamy state survient en début de crise, et ce sont les structures amygdalo-hippocampiques et la face latérale du lobe temporale qui seraient à même de les faire apparaître. Les phénomènes d'héautoscopie peuvent survenir en cas de phénomènes de dépersonnalisation, quelle qu'en soit l'origine, mais aussi dans l'épilepsie partielle complexe : le patient a le sentiment d'être extérieur à lui-même, en train de s'observer parler ou agir.

III. LES HALLUCINATIONS EN PATHOLOGIE PSYCHIATRIQUE
Dans un contexte psychologique particulier, et non pathologique, celui du deuil, on peut constater des hallucinations " physiologiques " du deuil, ou plutôt des illusions (qui concernent la voix du défunt, sa stature, ses gestes, sa démarche, tous aspects qui évoquent la personne défunte …) et plutôt que d'authentiques hallucinations, des représentations mentales fortes (le sujet endeuillé, lorsqu'il pense à la personne décédée, évoque la voix, l'image du défunt), critiquées par l'endeuillé.

En pathologie psychiatrique, les patients adhèrent à leurs perceptions hallucinatoires, qu'ils ne parviennent à critiquer que lorsqu'une amélioration clinique s'amorce. Ces phénomènes hallucinatoires surviennent en pleine conscience, sans déficit sensoriel ni perturbation de la vigilance. Dans les troubles mentaux, ce sont de loin les hallucinations auditives qui prédominent. On constate aussi très souvent des hallucinations verbales psychiques, et parfois des hallucinations psychomotrices verbales (propos prononcés par le patient, généralement avec une voix assez différente de son timbre habituel).

Les hallucinations sont pratiquement toujours présentes dans les états délirants aigus ; elles caractérisent certaines formes de délire chronique, comme la psychose hallucinatoire chronique, et sont très fréquentes lors des poussées délirantes des syndromes schizophréniques, en particulier paranoïdes.

Un tableau complexe, aux frontières de la pathologie psychiatrique et d'effets toxiques aigus ou lésionnels au long cours est constitué par " l'hallucinose des buveurs ", décrite par Wernicke. Les phénomènes hallucinatoires, généralement acoustico-verbaux, à thème insultant ou persécutoire, ne sont pas critiqués par le sujet (le terme d'hallucinose est ici un reliquat d'une description clinique ancienne, et il ne correspond pas à ce que nous désignons dans ce chapitre comme l'hallucinose à proprement parler). Il n'y a pas de perturbation de la conscience. Cet état survient souvent à l'occasion d'un excès alcoolique plus marqué, et il disparaît en quelques jours ou semaines. Certaines formes peuvent cependant se chroniciser.
Il est possible de constater des hallucinations, généralement acoustico-verbales ou de la sensibilité, dans les troubles de l'humeur délirants. Ainsi, les manies délirantes, les mélancolies délirantes ou les états mixtes s'accompagnent souvent d'hallucinations congruentes à l'humeur (propos culpabilisants ou persécutoires, annonçant la condamnation, chez les mélancoliques ; voix souvent d'origine divine qui viennent conforter certains maniaques dans leurs projets grandioses ou messianiques).

En dehors des états psychotiques, des hallucinations peuvent se rencontrer dans d'autres formes de troubles mentaux, plus rares. Ainsi, la dissociation hystérique (" états seconds ") peut s'organiser sous des formes comportant de riches visions, des voix, des sensations tactiles voluptueuses, dont la thématique plus ou moins directement sexuelle ou mystique et le plaisir manifeste que la patiente (plus rarement le patient) en retire sont d'assez bons éléments d'orientation diagnostique, avec l'absence de syndrome dissociatif au sens schizophrénique du terme, un début brutal au décours d'un traumatisme affectif, le renforcement de la symptomatologie en présence de tiers et la sensibilité du tableau à la suggestion.

Rêve et psychose



Les pathologies contemporaines confrontent l’analyste à une variété de situations cliniques où la qualité psychique est absente et activement absente, c’est-à-dire objet d’un désaveu ou d’un déni.
Parmi ces mécanismes, il y a le surinvestissement perceptif, modèle d’un fonctionnement où les perceptions dirigées vers le monde extérieur et particulièrement les objets, sont dissociées de leur investissement pulsionnel. La perception comme mode de contact avec le monde externe et interne et comme reprise et introjection du toucher d’avec l’objet est, dans ce cas, mentalisée dans le sens où Winnicott utilise la notion de mentalisation comme dissociation du psyché-soma (" La psyché est " séduite " par l’esprit et rompt sa relation intime primitive avec le soma ") (p.70). La cure psychanalytique fait apparaître deux causalités différentes à cette modalité de fonctionnement répétitif.
Dans une situation, l’on constate que si tout le psychisme s’active à la périphérie dans une observation continuelle de signes émanant des objets, c’est, qu’en l’absence de réponses objectales sources de sens, il est vital de trouver des repères pour éviter la dissolution. Mais comme l’objet non psychisant est perçu comme pathogène, le transfert se caractérise par l’évitement du contact à la fois avec l’objet et avec son propre psychisme.
Dans une autre situation, le surinvestissement perceptif est lié à une pulsion destructrice d’emprise et de maîtrise de l’objet avec des agirs tranférentiels qui visent à l’extraction de réponses qui ne peuvent rien apporter à cause de leur intentionnalité quasi vampirique. Un rêve avec la figuration d’un visage moitié rat et moitié homme, apprendra l’existence d’un clivage mais aussi, grâce aux associations, le retournement en son contraire : la moitié " rat " étant liée à des souvenirs infantiles évoquant la sexualité et l’image paternelle désavouée jusqu’alors. Le concept d’identification extractive introduit par Bollas (1987) éclaire la dynamique sous-jacente : " le transfert parasitaire ", écrit-il, " tient comme établi que tout ce qui est vivant (y compris la destruction) est à l’intérieur de l’analyste et aspire alors à vivre aussi près que possible de l’analyste "... pour lui voler sa vie. Mais pour voler, il faut aller vite, de là le surinvestissement perceptif. On finira par comprendre qu’il y a dans cette situation une identification à un agresseur parental.
Enfin, dans le rêve même on peut, dans certains cas, constater que les images oniriques ne sont pas rêvées mais vues comme pure extériorité. Chez l’adolescent psychotique, la figurabilité du rêve équivaut à une projection dans le réel et les représentations oniriques sont, dans le récit du rêve également, considérées comme de purs percepts, c’est-à-dire des objets de perception dissociés du V a et des pulsions comme de l’affect.
Une autre clinique où la qualité psychique ne circule pas est celle des patients psychosomatiques et celle des patients concrets et factuels avec des dysfonctionnements psycho-somatiques plus légers (migraines ou perte psychogène de l’odorat). Ici ne n’est pas la perception qui est surinvestie mais une activité de la pensée caractérisée par le rabattement sur le réel. On a évoqué une raison structurale, l’absence de Pcs, comme causalité de ces pathologies. Mais il existe des signes transférentiels fugaces (un petit rire; une association qu’on n’a pas d’abord notée à cause de la tonalité monotone de la voix, désavouant le contenu exprimé; une séance miraculeusement processuelle suivie d’une brutale dépression) qui font penser que le problème n’est pas structural mais transférentiel. L’objet à qui ces patients parlent dans le transfert est un objet surchargé qui n’a plus de place pour introjecter la pulsionnalité et les affects de l’enfant et leur impératif surmoïque consiste à ne laisser aucune trace de leur vie psychique dans l’objet. Cet interdit de la trace apparaîtra sous forme de mises en acte, puisque le désir a dû être forclos.
Une modalité répétitive qui semble aussi anti-psychique consiste dans le surinvestissement de la sensibilité interoceptive et proprioceptive, c’est-à-dire des sensations internes liées aux muscles et aux viscères. Ce système de repérage physiologique est le substitut des sensations de vie d’un corps libidinalisé, qui n’existe pas. Il s’accompagne d’un délire de castration primaire témoignant de la non-introjection de la sexualité pré-oedipienne.
La fonction linguistique peut être également utilisée comme compulsion de répétition avec l’érotisation narcissique d’un langage qui ignore l’objectalisation : c’est le cas dans le récit narcissique.
Tout surinvestissement est antipsychique puisqu’il consiste en la mise en place d’un système de pensée caractérisé par le monopole d’une fonction privilégiée par isolation et rupture avec les autres modalités d’appréhension de la réalité interne et externe. Cette isolation a été liée par Freud à l’interdiction du toucher et à la suppression du contact corporel avec l’objet. Dans Inhibition, symptôme et angoisse, Freud explique ainsi " le tabou du toucher " : " lorsqu’on se pose la question de savoir pourquoi la fuite du toucher, du contact, de la contamination joue dans la névrose un si grand rôle et devient le contenu de systèmes (je souligne) si compliqués, la réponse est que le toucher, le contact corporel est le but prochain aussi bien de l’investissement agressif que de l’investissement tendre de l’objet. Eros désire le toucher, car il aspire à l’unification, à la suppression des frontières spatiales entre le moi et l’objet aimé. Mais la destruction aussi, qui, avant la découverte des armes qui frappent à distance, doit s’opérer dans la proximité, présuppose nécessairement le toucher corporel, l’action de porter la main. " (p.44). Or ces systèmes de pensée s’accompagne, dit Freud (p.41) d’un surinvestissement de l’activité de pensée et de son érotisation. On devrait préciser une érotisation de la pensée qui signale l’absence d’Eros.
Le mot " système " apparaît également chez Green quand il parle de " la pulsionnalisation des défenses " qui a pour but la destruction de l’activité psychique et la suppression automatique de tout mouvement hors de ses limites avec cramponnement à un système de croyance. " La croyance ", écrit-il, " réussit le crime parfait, demeurer sous la juridiction de la reconnaissance du réel, de l’autre et du moi comme séparé et soutient en son for intérieur, la possibilité de recouvrir cette reconnaissance par une création (dans l’exemple initial, le fétiche)... " (1993).

La fixation du clivage

Effectivement ces systèmes de pensée et ces systèmes de croyance ramènent au fétiche et au concept du clivage du Moi, " largement ignoré ", par les héritiers de Freud. En effet, à partir de ces diverses situations cliniques, on peut se demander s’il n’y aurait pas, dans la grande multitude des fonctionnements variés que l’on peut constater cliniquement, une constante antipsychique liée à la construction même du Moi et qui apparaît plus visiblement dans les pathologies non névrotiques L’idée d’un moi qui se clive au cours de son développement est déjà présente chez Freud dans Malaise dans la civilisation (1929) pour expliquer la coexistence dans l’âme humaine du sentiment océanique primitif à côté du moi propre à l’âge mûr plus évolué et ratatiné. C’est le résultat, dit-il, d’un clivage de développement (Entwicklungsspaltung). Malgré cette découverte, il reviendra sur l’idée du clivage, cette fois appelé Clivage du Moi, dans les deux textes de janvier et de juillet 1938 (Le Clivage du Moi et l’Abrégé de Psychanalyse) avec les remarques que l’on connaît : idée " déconcertante ", " étrange et nouvelle " et en même temps connue depuis longtemps. Dans les deux textes, le concept s’appuie sur la clinique du fétichisme. On a retenu surtout de ces textes le désaveu, c’est-à-dire la coexistence de deux attitudes opposées, le déni et la reconnaissance pour " détruire toute preuve d’une possibilité de castration " (Abrégé, p.81). Mais moins, semble-t-il, le fait que pour maintenir le désaveu, il faut créer un substitut (Ersatz) par lequel un déplacement de valeur, un transfert de signification s’opèrent avec ruse. Toutes ces expressions sont dans le texte de Freud de janvier 1938. Avec le clivage du Moi, le négatif, la castration, mais aussi la différence des sexes, la féminité comme figuration de la mort (le thème des trois coffrets) et l’intrication entre Eros et la pulsion de mort, tout cela est dénié et remplacé par la positivité d’un substitut externe ou interne. L’universalité du Clivage du Moi, introduite dans un second temps, en juillet 38, suppose l’universalité d’une fétichisation, d’une construction d’un système de " déplacement de valeur ", comme dit Freud, du négatif potentiel inhérent à la pulsionnalité au positif institué.
On peut hésiter sur la nécessité d’introduire, à côté de mécanismes de défense, la notion de mécanismes antipsychiques puisque tous deux procèdent d’un refus de la pulsion et que tous deux sont des modalités habituelles de fonctionnement. Si, malgré ces réserves, la notion de mécanismes antipsychiques semble nécessaire, c’est parce qu’elle éclaire le fait que la construction même du moi est liée au déni de la pulsion puisque la castration n’est que la figure emblématique de ce que la pulsion libidinale comporte nécessairement de négatif. Etant donné la liaison entre la pulsionnalité et le psychique, le Moi se construit, partiellement ou à moitié, sur le déni du psychique. Les pulsions sont caractérisées par l’attraction et la répulsion, car non seulement elles doivent résoudre le problème de l’accord et de l’antagonisme entre Eros et la pulsion de destruction, mais, au sein même d’Eros, le conflit entre la conservation de soi et la conservation de l’espèce et celui entre l’amour de soi et l’amour objectal (Abrégé de Psychanalyse, pp.8 et 9). On comprend mieux, à la lumière de ce dernier texte inachevé, pourquoi, dès 1920, Freud avait émis l’idée que le principe de plaisir était gouverné par la pulsion de mort. Son principe de constance évite les aléas des pulsions et la perlaboration incessante que leur accord et leur antagonisme exigent. Dans tous les cas où un système de pensée ou de croyance est mis en place, on peut penser que le clivage du Moi s’est accompli de manière particulièrement drastique. La folie, (selon Green), ou la douleur sont le prix à payer chaque fois que le clivage du Moi se défait et la fixation du clivage qui apparaît dans les pathologies non névrotiques fait obstacle à ces affects insupportables quand il n’y a pas de sujet séparé (donc avec des limites) pour les éprouver.

 L’objet non psychisant

Une autre raison pour parler de mécanismes antipsychiques est d’éclairer le rôle de l’objet nécessairement à l’origine de la construction du psychisme infantile. L’antipsychique n’est pas seulement lié à une causalité interne, la construction du Moi sur un mécanisme de substitution simili psychique qui coexiste avec la potentialité de reconnaissance, elle est liée également au facteur externe objectal : l’objet réel amalgamé à l’objet fantasmatique qui, tous deux, font partie de la représentation d’objet. On peut dire que plus l’objet a été défaillant dans son rôle de construction du psychisme, plus il est présent intra-psychiquement en tant qu’objet non psychisant sous forme d’incorporation, d’identification, de faux self, de surmoi cruel et totalitaire, de délire, de négativisme ou de réaction thérapeutique négative (qui signalent l’envahissement effectif de la psyché par l’objet), et enfin sous forme de fantasme de contamination par le toucher qui, lui aussi, signale que la contamination qui cherche à être évitée compulsivement est une inscription qui réapparaît dans le réel.
Ce fantasme de contamination par l’objet qui peut prendre, dans certains cas, la forme de rites obsessionnels de lavage de mains, est figuré dans l’illustration clinique suivante. Il s’agit d’une patiente dont le surinvestissement perceptif s’accompagnait d’un désaveu systématique des moments de processus psychiques qui surgissaient ponctuellement. Cette jeune femme avait passé les cinq premières années de son analyse à décrire les comportements pathologiques de ses parents. Le père atteint d’une dépression qui durait depuis des décennies après l’abandon de son métier de marin et la mère d’une religiosité pathologique au point que sa vocation religieuse avait été refusée par ses supérieurs pour cause d’excès. Les critiques lucides et détaillées concernant les objets parentaux s’accompagnaient d’un attachement Ics forcené à leur égard. Elle harcelait sa mère pendant des heures pour obtenir d’elle une réponse, un sens, un écho qui ne venaient jamais, comme si elle secouait un arbre mort espérant en faire tomber des fruits. Après ces cinq années, où des améliorations symptomatiques eurent lieu, le caractère persécuteur et privatif des objets représentés dans le discours céda la place à l’évocation de leur misère et de ses efforts thérapeutiques à leur égard (achat de vêtements, de nourriture, nettoyage de la maison, préparation de repas, conseils, etc.). Elle évoquait pour moi un tableau de Magritte où une mère avec une tête de bébé tient dans ses bras un bébé avec une tête de mère. Or cette misère objectale, dont il était question alors, déclencha une crise où il me sembla comprendre l’ombilic de son expérience infantile. Alors qu’elle était dans un bus bondé, elle vit une femme sale et misérable (qui n’était pas la mère) approcher une main noire pour toucher un enfant. Cette vision intolérable lui fit quitter le bus immédiatement et elle se retrouva dans les rues avec la sensation qu’elle allait fondre sur le pavé et l’impression d’être dans un univers où elle ne reconnaissait plus aucun repère. Elle désespéra de pouvoir retrouver le chemin pour arriver chez l’analyste qui ne lui dit pas que la main noire se trouvait aussi dans un transfert non figuré encore. Le caractère paradoxal du toucher de l’objet : accepté, il contamine; refusé, c’est la dissolution, expliquait l’absence de contact ou d’aperception intra-psychique dans l’analyse.
Le texte de Freud sur le toucher semble attribuer le tabou aux pulsions libidinales et agressives dans le contact corporel avec l’objet primaire sans tenir compte que, dans ce contact corporel, il y a des perceptions du V a très précoces qui vont déclencher des sensations de plaisir ou de déplaisir. Il n’y aura de satisfaction pulsionnelle que si, dans ce toucher primaire, il y a déjà quelque chose de psychique émanant de la mère et c’est ce quelque chose de psychique qui permet la satisfaction libidinale et agressive. Le handling et le holding de Winnicott sont des qualités psychiques de l’objet sinon celui-ci s’implante dans la psyché en empêchant la construction du psychisme et cela par le contact corporel même qui perd sa qualité de toucher et devient intrusion. L’amour est certes dans le toucher, comme l’écrivait Buffon, mais tout toucher, qu’il soit corporel ou médiat, par la voie du langage, doit être paradoxal : il est infini et fini, présent absolu et éphémère, silencieux et langagier. C’est dire que la qualité psychique est paradoxale ou n’est pas. Il est facile de voir, dans les cas où une pathologie avérée des objets existe (mère suicidaire, psychotique, père érotomane ou narcissique, absence de sexualité génitale chez les parents, etc.), que les mécanismes antipsychiques correspondent à la fois à une tentative de construire un narcissisme primaire en dehors de l’apport de réponses objectales - ce qui est nécessairement voué à l’échec - mais aussi à des mécanismes d’évitement d’un contact perçu comme pathogène - également voués à l’échec puisque la rupture de contact d’avec les objets entraîne la rupture des liaisons associatives et intra-systémiques et la répétition incessante du même. Dans ces cas, le transfert négatif ne se figure pas, il est agit dans la modalité représentationnelle répétitive, surinvestie et érotisée L’hallucination négative de l’objet n’a pas eu lieu et les interprétations sont entendues alors comme des injonctions d’incorporation. Mais y a-t-il un seul objet qui soit sans pathos, c’est-à-dire étymologiquement, sans souffrance et secondairement sans pathologie ? Et y a-t-il un seul sujet qui aie échappé aux perceptions et aux projections de l’Ics bi-parental ? Il faut se résoudre à admettre - se résoudre, parce que ce problème implique la pathologie résiduelle de l’analyste - que l’objectalisation comporte inévitablement un côté négatif. Winnicott, qui a été le premier à décrire si subtilement les apports objectaux et leur caractère paradoxal, est aussi celui qui a parlé de l’empiètement de l’objet ou des tentatives désespérées du bébé pour animer la mère dépressive par une agitation incessante. Le négatif de l’objectalisation est la causalité des pathologies les plus graves qui se présentent sous forme de l’introject, selon Searles, ou de l’incorporat, selon N. Abraham et M. Torok. L’objet est alors omniprésent dans la psyché en tant qu’objet non transformationnel et le transfert se caractérise par des substituts de contact : idéalisation, identification, expulsion dans un objet dépersonnifié (un véritable " sein-toilette "). Des mises en acte immédiates signalent cette absence d’objet psychique et psychisant : l’utilisation des toilettes, la demande d’un mouchoir, l’isolation répétitive entre les différentes séquences de la parole. Parfois on voit aussi des incorporations d’objets qui appartiennent à la génération des grands-parents : des grands-mères mortes lorsque la mère était un bébé provoquent l’absence d’une trace mnésique dans la filiation maternelle et une collusion entre les générations. Des grands-pères torturés par les nazis sont comme des fantômes dans une maison psychique hantée. Tout cela n’a rien d’étonnant si l’on veut bien tenir compte qu’ " à l’origine le moi inclut tout " (Freud, 1929), y compris l’Ics bi-parental et que l’identification primaire est d’autant plus puissante lorsque l’investissement d’objet a été entravée.
Dans plusieurs occasions, c’est lorsque la croûte de la continuité est interrompue par les vacances qu’une figuralité résolutoire apparaît : la représentation de l’objet transférentiel se différencie de la représentation de l’objet incorporé, la différence entre les générations se figure et la liaison entre l’objet historique et l’objet transférentiel rétablit la temporalité arrêtée dans un éternel présent.
La puissance de l’attachement à un objet auquel la subjectivité est sacrifiée ne doit pas leurrer l’analyste par son caractère massif et répétitif. L’analysant fait le mort et s’attend à ce que cela marche. S’il vit dans la perte, que Green a distinguée de l’absence et qualifiée de " négativité négative ", il faut ajouter, avec Nicolaïdis, que cette perte est simultanément celle des mécanismes imageants (La Représentation, p.4) qui sont évacués de la psyché, mais se révèlent, comme chez l’enfant autiste, par des signes très fugaces et immédiatement niés. Car il ne s’agit pas seulement d’une incorporation de l’objet qui remplit le vide de la perte mais d’une dynamique où il faut conserver l’objet à n’importe quel prix en s’identifiant à son état. Si l’analyste prend cette " voix thérapeutique ", dont parle Thomas Ogden (1997), on a toutes les raisons actuellement de penser que l’analysant triomphe secrètement parce qu’il va éviter la menacecatastrophique (la re-perte) grâce au contre-transfert thérapeutique. " Même quand il s’agit d’états aussi éloignés de la réalité du monde extérieur que les états hallucinatoires confusionnels, les malades, une fois guéris, déclarent que dans un recoin de leur esprit, suivant leur expression, une personne normale s’était tenue cachée, laissant se dérouler devant elle, comme un observateur désintéressé, toute la fantasmagorie morbide. Avons-nous le droit de penser que les choses se passent toujours ainsi ? (Freud, Abrégé, p.79). A la question de Freud, notre réponse actuelle sera : oui mais en ajoutant qu’au lieu de la fantasmagorie morbide, des mécanismes antipsychiques dans une relation d’objet sans objet psychisant sont mis en acte dans la relation tranférentielle Il convient donc de repérer ces modalités du négatif de l’objet primaire dans le transfert, qu’elles soient mises en acte, hallucinées sous forme d’illusions perceptives ou signalées par la modalité répétitive de la représentation et de la communication sur laquelle le transfert a lieu. Puis, ensuite, de broder à côté mine de rien. Broder où, quand et comment serait le sujet d’une métapsychologie de l’interprétation des cas limites. Un rêve d’une patiente après dix ans d’analyse : " J’entre dans la maison d’une femme professeur et je tiens une petite fille par la main. Je vois qu’il y a un oreiller brodé sur le lit. Elle me tend un livre ". Effectivement, j’avais beaucoup brodé et la métonymie de l’oreiller se référait à la fois au maternel, au transfert, et aux quarante années d’insomnie dont cette personne avait souffert quotidiennement.

 La pulsionnalisation

La configuration silencieuse (non figurée) consiste dans le surinvestissement d’une fonction par isolation causée, du côté interne, par un clivage caractérisé par sa fixation et, du côté externe, par la présence intra-psychique d’un objet non psychisant et par là même perçu comme pathogène , " contaminant " dans le texte de Freud qui passe, curieusement et sans transition, du contact à la contamination. Cette configuration rend nécessaire l’extension de la notion de pulsionnalisation dans le sens où Green l’entend, ou d’érotisation, dans le sens où Freud l’utilise.
Dans la névrose obsessionnelle (Inhibition, symptôme et angoisse, p.41), Freud constate que l’activité de pensée est " surinvestie, érotisée " et, selon ses termes, le " moi se cramponne opiniâtrement à son rapport à la réalité et à la conscience ". Dans le même écrit (p.4), il dégage la même causalité à propos des inhibitions. Le jeu de piano, l’écriture et la marche sont des fonctions qui sont frappées d’inhibition parce que leur érogéneité s’accroît. Il y a là un facteur quantitatif : trop d’érotisation provoque l’inhibition d’une fonction. Freud en reste dans son analyse à la signification sexuelle impliquée dans ces diverses fonctions qu’il envisage.
Une autre perspective a été ouverte par Green (Le Travail du Négatif, pp.175-178) lorsqu’il parle de la " pulsionnalisation des défenses ". Ici le moi se cramponne à la croyance pour maintenir le désaveu : d’un côté la reconnaissance, et de l’autre le recouvrement de cette reconnaissance par une création assimilée au fétiche dans le but de faire " inexister le négatif (la castration dans l’exemple initial) ". Ce système est destiné " à détruire l’aspiration de l’activité psychique au déploiement de son aventure, à s’éprouver face à ce qui ne se tient pas confiné dans ses propres frontières ". Ici la causalité est différente de celle envisagée par Freud. C’est le surinvestissement des limites narcissiques et leur érotisation qui provoquent l’immobilisation du mouvement psychique et sa circularité évoquant l’anti-connaissance ( le - K) de Bion.
J’ai envisagé une autre modalité du surinvestissement érotique dans les cas où une fonction somatique (la respiration, le sommeil ou la nutrition) est pulsionnalisée en l’absence d’un auto-érotisme fantasmatiquement interdit par un objet vengeur (Temporality and modes of language, p.1111). Dans tous ces cas, on doit, me semble-t-il, distinguer l’érotisation normale d’une fonction, de sa pulsionnalisation entendue comme surinvestissement en raison de l’absence de " montage de la pulsion ".
Quant on songe aux comportements d’incorporation boulimique et d’excorporation sous forme de vomissements provoqués, c’est bien là que le modèle biologique de la négation est répétitivement agi faute de la possibilité d’introjection des pulsions et de l’hallucination négative de l’objet. A la causalité quantitative de Freud (trop d’érogéneité), il faut donc ajouter autre chose : la pulsionnalisation de n’importe quelle fonction est causée par une absence d’introjection, probablement essentiellement de la pulsion de destruction, qui permet la séparation d’avec l’objet et la construction d’un psychisme propre.

 Vérité et fiction : le langage du psychique

L’aspect le plus visible et le plus souvent décrit des analyses qui se déroulent en l’absence d’une qualité psychique et en dépit de la présence de mécanismes anti-psychiques consiste en la prévalence de la vérité sur la fiction. On peut formuler les choses de manière différente en disant qu’il n’y a pas de langage du psychique, rien que des " vérités " : perceptions (internes ou externes), rationalités, réalités. Le patient est enfermé (s’enferme et enferme) dans le système Pc/Cs; il ne connait que le langage des perceptions dont Freud, puis Bion, ont déploré l’inadéquation pour parler du psychique.
L’absence d’activité onirique et fantasmatique aboutit à un langage qui se caractérise par la mutité du sujet qui l’utilise (même s’il y a beaucoup de " je ") et par le désaveu du représentant psychique de la pulsion dans la représentation. Comme la représentation de mots vient d’abord de l’extérieur, c’est-à-dire des objets, on peut penser que l’origine de cette affaire se trouve bien du côté des objets qui n’ont pas apporté dans leurs représentations les harmoniques du représentant de la pulsion. Le lien avec une sexualité parentale problématique finit par s’imposer dans de nombreuses occurences.
Pour qu’il y aie représentant psychique de la pulsion dans la représentation, il faut que l’objet apporte un représentant de la pulsion dans ses représentations, ce qu’il fait par ses réponses mimétiques de la pulsionnalité (A. Denis, 1995,1999). Cette mimésis externe de la pulsion permet son introjection par l’infans, et donc on peut dire que le représentant psychique de la pulsion trouve sa source à l’extérieur dans le représentant de la pulsion offert par l’objet. L’être humain est ainsi cet animal curieux qui a besoin de la réponse d’un objet pour s’approprier son propre instinct et qui ne se l’approprie que lorsqu’il est psychisé par une réponse adéquate.
La clinique des enfants apprend que cette réponse adéquate, celle qui provoque l’apparition d’un affect de vie subjectale, est aussi (en sus de son aspect mimétique) celle qui est fictionnelle et qui s’avoue comme telle. Ce n’est pas " pour du vrai " que l’adulte fait mine de mordre le bras d’un enfant, qui en rit, parce qu’il sait, bien avant l’acquisition du langage verbal, que l’ordre de la réalité et l’ordre de la représentation sont différents, ce que l’enfant psychotique ignore. Dans cette fiction, dont le jeu n’est qu’un cas de figure, l’introduction d’une ambiguïté est fondatrice de la représentation et permet un transfert originaire sur le langagier avec déplacement de l’investissement de l’objet vers le signifiant/signifié partagé.
Ce transfert originaire sur le langagier avec combinaison de plusieurs signifiants hétérogènes suppose le désinvestissement de la relation intersubjective et l’investissement réciproque d’une proto-représentation et de son origine pulsionnelle. A défaut, il y aura coalescence entre le sujet et l’objet, le langagier ne les séparant pas par sa référence tierce car il est alors purement dénotatif (comme le langage des mères d’enfants psychotiques et autistes), ce qui signifie une sorte " d’équation symbolique " (H. Segal) entre le signifiant et le signifié et entre le signifiant et l’objet.
Il n’y a pas, dans ce cas, d’" attention conjointe " vers une représentation tierce dont le langagier est la condition perceptive. On peut aussi se poser la question du rapport entre l’absence de ce transfert originaire sur le langagier et l’absence d’un processus de réalisation hallucinatoire.
La représentation fictionnelle est le réquisit pour qu’il y aie transitionnalité parce qu’elle véhicule implicitement une double négation anté-prédicative qui la rend ambigüe : 1) la représentation n’est pas la chose; 2) l’objet qui l’apporte n’est pas identifié à sa représentation. C’est précisément lorsque l’objet est identifié ou s’identifie à sa représentation qu’il devient un " objet référent " qui est synonyme d’une faille de la représentation (Nicolaïdis, 1984).
Fedida (1986) a dit, d’une autre manière, que lorsque le transfert implique l’analyste comme destinataire de la parole, celle-ci perd son ambiguïté et se caractérise par l’équivoque " qui est la particularité de l’intention masquée ".
Cette ambiguïté n’est pas simplement la double face consciente/inconsciente de la représentation, elle s’origine aussi sur une modalité négative de la relation à l’objet qu’il faudra des années pour établir dans ces cas en jouant/déjouant l’intentionnalité inconsciente qui vise à utiliser le transfert pour s’adresser/se cramponner à l’objet. Si on se réfère au graphe que Green (1997) a établi du double transfert, on peut voir qu’il n’y a de destinataire de la parole que dans la chaîne des représentations conscientes. " Le transfert sur la parole ", lui, n’a pas de destinataire.
Dans la cure de patients non névrotiques, on voit que se combinent l’absence d’un " transfert sur la parole " (Green, 1984) et la présence d’un destinataire continuel de celle-ci par le biais du transfert sur une modalité représentionnelle appartenant au système Pc/Cs où la subjectivité n’a aucune chance de pouvoir s’exprimer. On pourrait dire, en reprenant la distinction de de Saussure et Benvéniste entre la langue et la parole, qu’il y a transfert sur la langue (code et communication) mais pas sur la parole (style et expression de la subjectivité) et que l’antinomie conflictuelle entre ces deux aspects du langage (voir Benvéniste et Bally) qui fait l’ambiguïté et le sens, a subi un collapsus. Sans doute est-ce à cause de cet affaissement que l’analyste doit souvent redresser mentalement des métaphores presqu’inaperçues tellement elles sont aplaties dans le tissu du discours.
Il y a certes un aspect déficitaire et historique à cette situation mais le désaveu ou le déni que l’on constate simultanément par rapport à toute activité psychique, qu’elle vienne d’un côté ou de l’autre, montre l’aspect lourdement répétitif, dynamique et transférentiel de cet état de choses : le prix à payer pour avoir une relation d’objet (si on peut dire) est de ne pas avoir de psychisme car l’absence de réponse objectale psychisante a été interprétée comme interdit pulsionnel, représentationnel et subjectal. Par conséquent il s’est crée une étiologie secondaire où l’objet doit boucher le vide interne ainsi crée tout en étant simultanément à l’origine de la malédiction subjectale présente dans l’étiologie primaire (quelque chose n’a pas eu lieu et a été interprété comme intentionnalité destructrice de l’objet par rapport à la pulsion/représentation). Il est intéressant d’ajouter que le thème de la malédiction (male-diction) est fréquent dans les contes de fée et qu’il est aussi fréquent dans les cliniques non névrotiques (de l’autisme à la psychosomatose en passant par les états limites et par certains troubles non psychotiques de la pensée chez des enfants). On voit alors surgir, après des années, une illusion perceptive ou un fantasme perceptif (car il y a quelque chose de vrai comme dans le délire, et de construit comme dans le fantasme) d’un objet interdicteur du narcissisme primaire (A. Denis, 1995). C’est dans l’autisme que cette circularité pathologique apparaît le plus clairement et c’est pourquoi certains auteurs (notamment Fédida) (1992, pp.267-286) pensent, hypothèse qui est la mienne aussi, qu’il y a un syndrome autistique à la base de plusieurs pathologies différentes. Et voici ce que dit un enfant autiste lorsqu’il a retrouvé un langage qui, à ce moment, est encore de l’hallucination verbale :
" Je casserai ta bouche, je casserai ta vie, parce que ta bouche c’est ta vie. Tu n’auras pas de fleurs ".
La sexualité est indissociablement liée à la parole.
La fiction encore. L’analyste doit prendre le patient où il est. Il le prend donc en acceptant d’être le destinataire de la parole tout en déjouant, à chaque occasion possible, cette intentionnalité par des interprétations latérales par rapport au transfert muet et agi dans la modalité représentationnelle. L’analyste ment, non comme le psychopathe mais comme le poète :
" Le poète ne dit la vérité, il la vit et la vivant il devient mensonger. Paradoxe des Muses, justesse du poème " (René Char).
La vérité nosographique, l’analyste l’entrevoit bien, il l’imagine assez, il l’a d’ailleurs perçue dans les premiers rêves, l’habitus du patient et la pathologie de son langage dans son histoire et celle de ses objets. D’autre part, il sait que le problème de la vérité historique (Freud, 1937) est de n’être que de la vérité, c’est-à-dire de la perception sans liaison avec une représentation et qu’il faudra des années, comme l’a écrit Winnicott, avant que le traumatisme se transforme en fantasme. Pour cela il établit à côté du transfert massif sur l’objet un transfert latéral sur la parole, et il n’interpréte pas ce qui est vrai, d’ailleurs cela ne sert à rien. La patiente qui avait vu une femme misérable dont la main noire l’avait horrifiée a fait, par la suite, un rêve où il était question d’une autre main : la sienne. Elle s’apercevait que dans la paume de sa main il y avait une araignée incrustée sous la peau comme une tique et qu’elle n’osait pas la regarder parce que cette vision la médusait. L’interprétation explicative d’un tel rêve serait entendue comme une répétition d’un incorporat médusant puisqu’il n’y a pas de sujet pour la mettre en doute. " L’amphibolie " (Nicolaïdis, 1984) c’est le doute opposé à la conviction référentielle et fondée sur l’ambiguïté du signifiant qui, on le sait, n’existe pas dans le monde interne de ces patients. De plus, les interventions qui font intervenir les processus secondaires sont ressenties comme privation répétitive de subjectivité - qui ne se construit, on le sait, que dans la fiction partagée - et comme effraction secondarisante. Dans ces cas, c’est encore le modèle poétique qui nous éclaire :
" Fugue et contrepoint, face à la vie, sont à la base de tout art depuis le premier âge des cavernes " (St John Perse).
Les analystes appellent cela le jeu ou la métaphore ou l’association libre, selon leur culture. Mais, quelle que soit la nomination, il est nécessaire, dans ces occurences, que l’analyste soit libre pour deux, ce qui va à l’encontre de son idéal du moi parfois sacerdotal.
La représentation, en psychanalyse, n’a de sens que par sa liaison à la pulsion dont elle procède ou qu’elle mobilise via l’affect conçu non comme décharge émotionnelle mais comme la qualité psychique même composée d’un mixte pulsion/représentation. Si l’analyste prend comme modèle les représentations de l’art (écartées par Freud), il est amené à un élargissement de sa théorie de la représentation. Car, ici, la représentation n’est que le prétexte pour assurer l’épiphanie d’un état d’âme ou d’un affect représenté en un ensemble cohérent de telle manière que " l’obscure auto-perception " que nous avons du V a soit ainsi transformée en évidence sensible et " rationnelle " (en logos). Comme dans l’art de l’icône, avant sa décadence, la perspective est, ici, renversée vers le sujet et la représentation est traitée de telle manière qu’elle n’attire par l’attention sur elle-même car elle n’est que le support de l’affect. Freud avait hésité dans sa formulation de l’éprouver : " quand ils éprouvent effectivement sur leur propre corps... plus exactement : sur leur propre âme les processus... " (1926). Effectivement, il y a des éprouvers pathologiques qui ne sont que des sensations du corps; telle cette patiente découvrant qu’elle n’avait jamais eu que " des chagrins de sensations ". Eprouver sur sa " propre âme " suppose du psychique, c’est-à-dire de la représentation. Cette formulation est quasi tautologique parce qu’il y manque la cause efficiente : l’élément au moyen duquel la représentation affecte et mobilise le psychisme. On a tout lieu de croire - et de craindre - qu’il n’y a pas d’autre réponse que la suivante : ce sont les forces pulsionnelles, les deux, qui se transforment en représentation séparée de leur auteur, ce qui évoque la naissance et nous renvoie au missing link de la théorie psychanalytique de la sexualité.

Résumé

La présence de mécanismes antipsychiques dans les pathologies contemporaines fait apparaître une structure transférentielle qui est mise en acte dans la modalité représentationnelle et dans la communication, sans figurabilité. La variété des situations cliniques non névrotiques envisagées ici (surinvestissements perceptifs, troubles psychosomatiques, réaction thérapeutique négative) présentent des constantes : le surinvestissement d’une fonction par isolation est la reprise, au niveau du fonctionnement, de l’évitement du contact avec l’objet. Le corollaire de cette isolation est l’existence de la pulsionnalisation d’une fonction comme ersatz d’un auto- érotisme qui cherche à exister en dehors du contact libidinal et agressif avec l’objet.
La fixation du clivage du Moi explique le cramponnement aux substituts du psychique.
La représentation d’objet est celle d’un objet non psychisant perçu, par ce fait même, comme pathogène et indispensable. La carence fictionnelle est causée par l’absence d’écart entre le sujet et l’objet (l’écart du transitionnel) qui se répète, intra-psychiquement, par la coalescence signifiant/signifié. L’introjection et l’intrication des deux pulsions dans le contact avec l’objet, considérées comme données dans le modèle névrotique, se feront au travers d’interventions qui déplacent un transfert massif sur l’objet vers un " transfert sur la parole ".

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Anne Denis
Géométrie de l’antipsychique

Rêve et anorexie



Après avoir fait leur apparition dans les sociétés industrielles et aisées du XXe siècle, les troubles alimentaires ont connu un poids tragique dans les années 80 et 90, suite à une nouvelle expansion de l’idée qui veut que la minceur soit indispensable au succès. Dans cette situation - et bien qu’apparemment le premier résultat des anorexiques soit la minceur effilée, conçue comme le seul moyen qu’elles se donnent afin d’être socialement acceptées -, le phénomène anorexique exprime, dans son dangereux extrême, la méprise que le corps puisse devenir un moyen au service des règles. Car, en symbolisant la norme du contrôle, le corps anorexique devient la scène où le symptôme s’amuse à jouer le spectacle de la mort.
La nosologie internationale, dans sa froide impartialité, décrit l’anorexie comme une pathologie parmi les autres, en se référant simplement au comportement alimentaire sans se préoccuper de la personne et sans rien dire du drame que les anorexiques vivent chaque jour. La critique féministe, dans son élan doctrinal, se limite à souligner l’inscription sur le corps féminin des normes culturelles et ancestrales des sociétés occidentales, sans se soucier d’interroger le fait que la norme anorexique est souvent le fruit du rejet de la société et de ses produits séduisants. La psychanalyse, enfin, dans son espérance de soulager la souffrance, cherche un repère dans le non-dit des dynamiques familiales, dans les secrets de famille, dans le refus de la sexualité.
Et, pourtant, l’anorexie échappe à toute classification. Elle est à la fois une pathologie et un mode de vie, une acceptation des règles des autres et un refus de toute interférence, une souffrance persistante et un plaisir égoïste. Car l’intransigeance de la norme qui s’impose aux anorexiques (elle s’impose à ses victimes tout en étant construite par elles), et qui se présente comme un nouvel impératif catégorique, s’accompagne perpétuellement de la volupté et du plaisir d’être capable de s’y soumettre.   La norme anorexique est un jugement qui ne tolère pas de particularités : il n’y a pas de clémence pour celle qui cède ; il n’y a pas d’effacement de la faute si faute a été réalisée.
Mais de quelle faute s’agit-il ?
La faute est de vivre et de ressentir. La faute est de vouloir. La faute est d’avoir faim. Je pèche car je mange. Je pèche car je ressens. Je pèche car je ne suis pas capable de me donner ses normes et de combattre mon corps et ses besoins.
Les gens ont peur des anorexiques. Leur corps amaigri et anguleux est un signe du fatal. De la mort. De la défaite. Jamais autant d’ambivalence n’a entouré une pathologie. Jamais autant de haine et de compassion. Il dérange les bonnes personnes d’assister au rituel du repas des anorexiques. Il les dérange, car la nourriture est la vie. Et la vie se doit d’être radieuse. L’anorexie est la figure cachée de notre faiblesse et de notre rêve de contrôle. Car, en réalité, à-peu-près tout le monde aime le contrôle et passe sa vie à justifier ses chutes. Nous sommes tous pris dans une dynamique qui justifie l’exercice du contrôle au nom du désir qui est bon, tout en justifiant les défauts inévitables de contrôle par le même « bon » désir. Dans une société marquée par le fantasme de combler tous les besoins et, en même temps, de contrôler toute faiblesse, le refus de nourriture oppose un déni absolu, un contrôle radical qui échappe à tout contrôle.
L’anorexique nous apprend que le désir est le mal. Elle nous montre sa norme par son corps offert à l’autel du contrôle. Elle est la figure d’un impératif immaculé qui sans explication nous oblige à la négation de nos sentiments.   Bien que, étymologiquement, le terme « anorexie » désigne l’absence de faim, en réalité les anorexiques sont quotidiennement tourmentées par la faim, qu’elles ne peuvent admettre. Elles ont une crainte atroce d’être dominées par le désir de la nourriture, qui est perçu comme un étranger pouvant détruire leur corps et leur vie. Elles se définissent par une obsession illimitée de perdre le contrôle et d’être ainsi bannies par une société qui est maintenant régie par l’emprise du contrôle.
On dit généralement que l’anorexie naît quand on est comblé avant même de pouvoir désirer. On dit que c’est la faute à la mère. On parle de l’absence du père. Mais on oublie généralement le vide qui construit la vie des anorexiques.
En réalité, l’envie existe. Chez les anorexiques, c’est la recherche d’amour qui pousse à l’action démolisseuse. Un amour tellement infini que les gens ont peur de l’écouter, de le donner, de le recevoir. C’est alors que la règle s’impose : « Tu n’auras besoin de rien ni de personne. » Et c’est alors que l’illusion s’accomplit. Car, afin de ne pas être repoussées, elles repoussent. Afin de ne pas être abandonnées, elles abandonnent. Afin de ne pas souffrir à cause du vide, elles s’entourent d’un gouffre. Jusqu’à ce que le cercle soit bouclé. Sans retours. Jusqu’à ce que leur norme devienne la reine absolue d’un monde habité par des fantômes.
La négation de se nourrir exprime, dans cette situation dramatique, l’illusion de ne plus dépendre des autres, de même que le rêve de fuir la difficulté et l’abandon. Dans leur quête de perfection, les jeunes anorexiques arrivent à bâtir une cage à l’intérieur de laquelle leur corps devient un tableau noir où lire leur force/douleur, leur cadeau/punition, leur envie de quitter ce monde. Un monde à quitter afin de ne pas être démolies, quand, en réalité, elles se détruisent elles-mêmes. Elles dénient leur corps car leur corps est la source de tout besoin, la source de l’angoisse d’être au monde : elles ne veulent pas grandir (et donc occuper de l’espace) ni devenir femmes et changer (et donc occuper le temps). Elles visent un vide spatio-temporel qui ne peut pas s’accomplir. Elles cherchent à fixer leur existence dans une image unidimensionnelle et virtuelle. Elles haïssent leur corps réel en tant que pierre de touche de leur déficience. Et, cependant, elles montrent une puissance et une force inhumaines : la force du désespoir, car ce n’est que le désespoir qui peut le pousser à mourir de faim.
Les anorexiques se sont elles-mêmes rendues malades à force de faire taire leurs émotions et leurs envies dans l’espoir enragé d’imprimer la norme meurtrière du contrôle à leur corps et à leur appétit. Elles ont appris à vouloir ce que l’on doit, plutôt que ce qu’elles désirent. Et, cependant, le désir d’être toujours plus maigres n’implique qu’une dénégation continuelle de leur propre réalité ; l’apparence devient leur intime ; le désir est tué. En rêvant d’une vie sous le contrôle de la volonté, ces personnes perdent entièrement la maîtrise de leur vie. L’idéal du contrôle, construit afin de modeler la réalité et de la transformer, aboutit à la destruction de la réalité en transformant le rêve proposé en fantasme.

Rêves et pathologies du foie



PHYSIOLOGIE DE FOIE VB
LE FOIE (Gan)
I- Généralités
Le Foie et la VB sont dans une relation Biao Li, leurs fonctions sont interdépendantes
Le Foie est un Zang, (donc un organe plein qui a pour fonction de produire, transformer et emmagasiner le Qi, le Xue, les Jin Ye, le Jing et le Shen). Il est Yin
Anatomie traditionnelle: Il pèse environ 2,5 kg, adossé à la colonne vertébrale au niveau de D9, il présente à gauche 3 lobes et 4 à droite
La vésicule se trouve entre les lobes du Foie, a la forme d’une bouteille, contient 3 he de liquide Jing
Relations:
Biao li : VB
époux- épouse : Rte
12h-24h : Ig (marée de F : 1 à 3h, après VB et avant P)
Grands méridiens : Jue Yin = F - MC (niveau soit le plus profond des pathologies dues au froid, soit intermédiaire du Yin selon les auteurs)
Il appartient au mouvement Bois (Eau (mère): R engendre le Bois et Bois engendre le Feu (fils) : C) qui est lié au printemps, à la croissance
Dans le cycle Ke de domination le Bois contrôle la Terre: Rte et est contrôlé par le Métal: P
S’il y a pathologie et agression : F agresse Rte E: stagnation de Qi de F envahit E et crée stagnation de Qi d'E et Ni ou entrave au Qi de Rte (ballonnement et diarrhée)
S’il y a pathologie et contre domination: Rte offense le F: Rte faible crée humidité qui envahit F VB ou F outrage le P: Qi du F stagne et empêche la diffusion du Qi de P qui stagne au niveau du foyer supérieur
Le cycle des 5 mouvements détermine les périodes d’aggravation et d’amélioration des pathologies: quand la maladie est au Foie elle guérit en été (mouvement fils), augmente en automne (mouvement dominant); si elle n’est pas mortelle, elle se stabilise en hiver (mouvement mère) et débute au printemps. C’est alors qu’il faut éviter de s’exposer au vent.....Elle s’éveille à l’aube (mouvement Bois), atteint son maximum dans la soirée (mouvement Métal dominant) et se calme à minuit (mouvement Eau mère) SW22
Le Bois, printemps (extériorisation), est la saison caractérisée par le Vent. Le Vent va affecter les personnes souffrant d’un déséquilibre F (céphalées, cervicalgies...)
La couleur correspondant au Bois est le vert/ bleu. Cette teinte à l’inspection oriente vers une pathologie F
L’odeur est le rance
L’expression du F : les cris car le F est lié à la colère
La saveur qui attire dans les pathologies de F est la saveur acide (aigre). Les aliments indiqués dans une pathologie F seront le blé et le poulet, et le mode thérapeutique le plus adapté pour « détendre » le F c’est les tisanes (fleur d’oranger)
Les sécrétions de F sont les larmes (larmoiement, sécheresse oculaire renseignent sur le Yin de F)
L’organe des sens rattaché est l’oeil, c’est le Yin du F qui permet une vision correcte, et il est dit que lorsque le Qi du F est correct la vision des couleurs est nette.
Le tissu rattaché au F : muscles et tendons (dans le sens mouvement)
Le psychisme du F est le Lü cad la capacité à élaborer des plans, des projets. De plus parmi les 3 structures de base du psychisme (Shen Hun Po) le Hun a son logis au F
Typologie: grand, costaud, visage allongé, mains et pieds forts mais agiles. Main sèche avec stries longitudinales, pilosité des membres inférieurs développée et favoris florissants. Il est très mobile, gestes amples, démarche lourde. C’est souvent un sportif, travailleur et anxieux, il est coléreux. Malgré les apparences il n’est pas très vigoureux
En astrologie chinoise c’est le Boeuf qui correspond au Foie
Au niveau de l’examen:
Sur la langue: la projection du Foie est sur le bord gauche (la VB sur le bord droit)
Ig R V GI
VB Rte E F
Au niveau de la face le Foie se projette au niveau de la pommette gauche (P: pommette droite, C: milieu du front, Rte: pointe du nez, R: menton)
Le teint verdâtre traduit une pathologie de Foie, mais aussi un froid interne, une douleur ou un vent interne
Au niveau des yeux c’est l’iris qui est en relation avec le Foie (les canthus: C, paupières: Rte E, pupille: Rein, conjonctive: P)
Au pouls le Foie se situe en profondeur à la barrière gauche (en surface: VB). le pouls physiologique de Foie s’exprime au printemps (période qui débute vers le 6 février et dure 73 jours): il est tendu (comme une cordelette que l’on sent battre sous le doigt) et superficiel, il traduit alors une « plénitude » physiologique du Foie au printemps (pouls dit Sienn)
PHYSIOLOGIE DE FOIE
Le Foie a six fonctions :
Stocke le Xue
Gouverne la libre circulation du Qi
Contrôle les tendons
Se manifeste dans les ongles
S’ouvre aux yeux
Abrite le Hun
Stocke le Xue
Par cette fonction de stockage c’est le Foie qui va régulariser la quantité de Sang circulant selon les besoins, c’est elle aussi qui régularisera les règles
* Régulation du Sang circulant:
En fonction de l’activité physique: au repos le Sang retourne au F, en activité le Sang va aux muscles. Quand on est au repos en retournant au Foie le Sang y enracine le Hun (le Sang est le support matériel du Shen au sens large) et évite un sommeil avec de trop nombreux rêves, ou même que le Hun s’échappe
Le fait de régulariser la quantité de Sang circulant permet une nutrition appropriée du corps et donne donc « de l’énergie », du tonus. Si cette fonction de régulation est insuffisante le Sang sera distribué en trop faible quantité ou au mauvais endroit, ou au mauvais moment alors la personne sera vite fatiguée.
Cette fonction agit aussi sur notre capacité de résistance aux Xie par la nutrition de la peau qui si elle est normale permet une bonne résistance. Bien sûr cette résistance dépend du Wei Qi (où le Foie ne joue aucun rôle) et du Qi du Poumon, mais il ne faut pas oublier cette fonction du Sang du Foie (diagnostic différentiel: lors du vide de Sang du Foie la peau est sèche, rugueuse)
Une altération de cette fonction peut aussi entraîner trop de Sang circulant à des moments où il n’y en a pas besoin ; ceci peut être à l’origine d’amas de Sang
*Régulation des règles
Si le Foie stocke le Sang normalement les menstruations sont normales cad que la capacité de régulation du Sang et du Qi par le Foie permet une arrivée régulière des règles, en quantité normale
Si le Sang libéré par le Foie est insuffisant (vide de Sang du Foie) on aura alors des règles pauvres (oligoménorhée ou aménorrhée), S’il est trop abondant ou affecté par la chaleur on peut voir apparaître des ménorragies ou des métrorragies.
Cette action sur les règles est aussi liée à la fonction de régulation de la circulation du Qi du Foie. En effet une mauvaise circulation du Qi va entraîner: des cycles irréguliers avec syndrome prémenstruel, et aussi des amas de Sang avec douleurs des règles qui contiennent des caillots de sang noir.
On aura donc une relation d’influence réciproque Xue-Foie: un trouble du Foie peut entraîner une pathologie du Sang (insuffisance, amas...) qui peut se traduire par des maladies dermatologiques, mais un trouble du Sang (vide, chaleur) peut altérer les fonctions du Foie
Assure la libre circulation du Qi
Au niveau Qi: Rte gouverne sa formation, donc sa quantité; P et C gouvernent sa circulation (impulsion et force du mouvement du Qi); le F lui assure une circulation libre et sans obstacle.
Le mouvement normal du Qi du Foie est d’aller vers le haut et l’extérieur
Les déséquilibres du Qi du Foie entraînent des obstructions, des blocages et des stagnations dans la circulation du Qi et des Substances, ce qui sera responsable d’irrégularités et déséquilibres de certaines fonctions et comportements.
La libre circulation du Qi du Foie présente 4 aspects principaux: l’harmonie des sentiments, l’harmonie de la digestion, l’harmonie de la sécrétion de bile, l’harmonie des menstruations
*L’harmonie des sentiments:
Si la fonction du Foie de libre circulation du Qi est normale la vie émotionnelle sera normale cad il y aura interaction harmonieuse entre l’individu et son environnement
Si cette fonction est altérée (stagnation de Qi du Foie) la circulation du Qi sera obstruée, l’individu aura alors des réactions inadéquates, excessives ou inappropriées vis à vis des stimuli de l’environnement. Au niveau sentiment on verra apparaître: frustration, refoulement, anxiété, dépression. Ces sentiments s’accompagneront de signes physiques: douleurs des hypochondres, boule à la gorge, distension épigastrique, hoquet, règles irrégulières (le Qi stagne partout)
A l’inverse une vie émotionnelle marquée par la colère et la frustration va entraîner une pathologie de Foie de type stagnation de Qi
* L’harmonie de la digestion
La libre circulation du Qi est nécessaire au bon fonctionnement de la Rte et de L’E pour extraire le Qi des aliments.
Si le Foie est perturbé il y a stagnation de Qi du Foie qui peut alors agresser Rte et/ou E
Lors de l’agression sur E la stagnation de Qi empêche le Qi d’E de descendre: éructations, régurgitations acides, nausées, vomissements, ballonnements épigastriques
Lors de l’agression sur Rte il y a perturbation de la fonction transport-transformation et le Qi de Rte ne peut plus monter, d’où diarrhées de selles mal digérées
* L’harmonie de la sécrétion de bile
Si on a un déséquilibre du Foie avec stagnation de Qi l’écoulement de bile peut être bloqué: goût amer dans la bouche, éructations, vomissements de bile, douleurs des hypochondres, jaunisse.
*L’harmonie des menstruations (cf stocke le Sang)
Contrôle les tendons
Le terme exact est contrôle les Jin (comme dans Jin Jing: muscles et tendons des méridiens). C’est la contraction et le relâchement des Jin qui assure le mouvement des articulations. Le Foie commande aux Jin parce qu’il libère la quantité de Sang « juste » pour les nourrir.
Si le Sang du Foie est abondant les Jin seront bien nourris et humidifiés, les articulations bougeront correctement et librement
Si le Sang libéré est insuffisant il y aura perte de souplesse des articulations, crampes et contractures des Jin qui se traduiront par des raideurs, des spasmes, des engourdissements, des crampes, des tremblements, de la tétanie ou de la faiblesse des membres.
Une insuffisance de Sang peut au maximum entraîner un Vent (Vent interne du Foie) qui va se manifester par des contractions et tremblements des Jin qui sont à l’origine de convulsions.
Se manifeste aux ongles
Comme les dents sont « dérivées » des os, les ongles sont « dérivés » des tendons.
Si le Sang du Foie est abondant les ongles sont roses, sains, bien formés et bien humidifiés. Si le Sang du Foie est insuffisant les ongles ne seront pas correctement nourris: ils deviennent de couleur claire, cassants, fins, secs, rainurés.
S’ouvre aux yeux
C’est parce que les yeux sont nourris et humidifiés par le Sang du Foie qu’ils peuvent voir. La liaison Foie-oeil s’explique par le trajet du méridien du Foie
Une insuffisance de nutrition par le Sang du Foie peut se traduire par: mouches volantes, vision trouble, myopie, sensation de sable dans les yeux par oeil sec
Un Qi du Foie insuffisant peut se traduire par un daltonisme
D’autres pathologies de Foie affectent les yeux: feu du Foie avec yeux rouges, irrités, brûlants; Vent du Foie avec nystagmus.
Abrite le Hun
Lorsqu’on parle de psychisme en MTC on parle de Shen, et de deux entités qui l’accompagnent le Hun et le Po.
Le Shen est ce qui vient du Ciel et traverse le corps, c’est la raison, l’intelligence, le conscient (les sots et les fous sont dits dépouillés de Shen). Il a son logis au Coeur.
Le Po (on parle de Po dans une dialectique Hun/ Po), c’est la vie instinctive animale, les Po après la mort retournent à la terre d’où ils viennent. Le Po c’est le primate en nous, c’est la part obscure qui détermine si nous prendrons ou repousserons (captativité, répulsion, agressivité y ont leur racine). C’est le Po qui nous fait aller vers notre but sans souci des moyens. Il a son logis au Poumon et au E25.
Le Hun est dit âme spirituelle, âme éthérée. C’est ce qui correspond aux mânes des ancêtres. Après la mort le Hun s’envole et retourne au ciel. Cette tendance à s’élever se traduit pendant la vie par les rêves (Hun nous quitte à notre insu pour rejoindre autres Hun. Les Hun suivent le Shen dans ses allées et venues, en relation avec le Ciel. C’est l’amarrage le plus élevé de l’être. Ce serait le subconscient, ce que l’on accumule par hérédité, expérience, éducation (peut être même avant la naissance) qui devient progressivement « réflexe ».
Le Hun est enraciné dans le Sang du Foie (Hun a son logis au Foie). Si le Sang du Foie est insuffisant le Hun peut quitter le corps, au moment de l’endormissement il y a alors anxiété avec sensation de flotter, et beaucoup de rêves.
CE QUE L’ON PEUT AUSSI RATTACHER AU FOIE
Rêves
Les rêves liés aux pathologies de Foie sont:
Rêve d’être en colère
Rêve de champignons odorants
Rêve de forêt dans les montagnes
Rêve d’être allongé sous un arbre et de ne pas pouvoir se lever
Mouvement du psychisme lié au Foie
Le Lü est rattaché au Foie
La « marche » du psychisme est expliqué comme suit au LS8: Le C qui s’applique est à l’origine du Yi (intention) Le Yi qui devient permanent, qui dure est à l’origine du Zhi (vouloir) le Zhi change et on parle de Si (pensée), la pensée se déploie au loin et puissamment et on parle de Lü (projet), le Lü dispose de tous les êtres et on parle de Zhi (savoir faire)
Le Foie est le « général des armées », c’est son action sur le psychisme qui permet l’élaboration des projets, des plans de vie. Il est aidé dans cette action par la VB qui étant le siège du courage permet la décision, le choix, le passage à l’acte.
Une pathologie de Foie se traduira donc par une incapacité à organiser sa vie, à planifier. Et celle de VB par une incapacité de passage à l’acte
Le Foie est associé au côté gauche
Ex: langue, pouls où le Foie est à gauche
Les céphalées à gauche seraient Foie et à droite liées à VB
RELATIONS FOIE- AUTRES ORGANES
Foie -Coeur
*Par rapport au Sang: C gouverne le Sang, F le stocke
Par rapport au Shen: C est le logis du Shen, F draine la libre expression du Shen
* Pathologie: un vide de Sang du Fo (crampes, oligoménorrhée, vertiges) sera à l’origine d’un vide de Sang du C (palpitation, insomnie)
De même au niveau du psychisme: vide de Sang du Foie (irritabilité, énervement) lié à vide de Sang du Coeur (anxiété, insomnie)
Une stagnation de Qi du Foie ayant pour origine refoulement, frustration peut entraîner un affaiblissement du Shen (troubles de mémoire, distraction) et une baisse de la vitalité
Foie - Poumon
* Poumon gouverne le Qi, fait descendre. Foie assure la libre circulation du Qi, élève.
Le Foie dépend du Qi du Poumon pour son action sur le Xue, Poumon dépend de la libre circulation du Foie pour diffuser le Qi
* Pathologie: Stagnation du Qi du F peut entraîner un trouble de diffusion au foyer supérieur avec toux, dyspnée +/- asthme
Le Qi du Foie qui stagne peut à la longue se transformer en Feu, qui en s’élevant va blesser le Yin du Poumon (toux sèche, hémoptysie, douleurs en respirant, douleur des hypochondres, irritabilité)
Si le Poumon ne peut pas purifier et diffuser, le Qi du Foie sera congestionné (toux douloureuse, oppression thoracique et des flancs, vertiges, céphalées)
Foie - Rate
* La libre circulation du Qi du Foie est nécessaire à la Rate dans sa fonction de transport transformation, et aussi dans son mouvement d’élévation du pur.
La Rate contrôle et produit le Sang qui est stocké au Foie
* Pathologie:
Stagnation de Qi du Foie-----agression de Foie sur Rate----- Qi de Rate ne s’élève pas, transport transformation affecté: ballonnement, diarrhée d’aliments mal digérés, douleurs des hypochondres.
Qi de Rate insuffisant------production de Sang insuffisante-----vide de Sang du Foie
Qi de Rate ne retient pas le Sang------pertes de sang-------vide de Sang du Foie
Qi de Rate faible------humidité-----glaires dans Foie VB (douleurs de hypochondres, distension abdominale, irritabilité, jusqu’à jaunisse)
Foie - Rein
* Rein stocke le Jing. Le Sang du Foie en excès se transforme en Jing
D’autre part le Jing produit la moelle qui participe à la formation du Sang qui sera stocké au Foie
Dans les 5 mouvements l’Eau nourrit le Bois, ici le Yin du Rein nourrit le Yin du Foie
* Pathologie: un vide de Jing du Rein entraînera un vide de Sang du Foie (vertiges, vision trouble, acouphènes)
Yin du Rein insuffisant ne nourrit pas Yin du Foie ------élévation du Yang du Foie (vision trouble, irritabilité, vertiges, céphalées, acouphènes)
Insuffisance de Sang du Foie------vide de Jing de Rein (surdité, acouphènes, pollutions nocturnes)
Foie - VB
Relation Biao Li
Bile est le surplus du Qi du Foie, stockée à la VB
Harmonie de la sécrétion de bile assurée par le Foie
Relation psychique (cf au Hun)
LA VESICULE BILIAIRE (Dan)
GENERALITES
Appartient aux six entrailles extraordinaires (Qi Heng Zhi Fu citées au SW11) : cerveau, moelle, os, Mai, VB, utérus
VB est une entraille « pure », elle stocke du Jing
C’est l’entraille verte, car liée au Foie et donc au mouvement Bois
Dans les 5 mouvements elle est la fille de Vessie et la mère d’Ig
Au niveau horaire son maximum énergétique est de 23h à 1h, avant le Foie et après le TR
Le pouls de VB se situe à la barrière à gauche en superficie
Elle est en relation Biao li avec le Foie
époux (c’est elle) épouse avec l’Estomac
midi minuit avec le Coeur
dans les grands méridiens elle appartient à Shao Yang (après Tai Yang) avec TR
FONCTION
C’est une entraille, elle thésaurise et offre mais elle ne transforme pas car ce qu’elle reçoit est déjà pur. Le Foie lui transmet la bile qu’elle stocke avant de la distribuer quand besoin est.
Si la bile ne s’écoule pas correctement (le plus souvent par stagnation de Qi du Foie, mais aussi par Ji Ju) les fonctions de Rte E sont perturbées (Ni: nausées, éructations).
De plus elle a une fonction psychique de décision, de courage, c’est elle qui fait les choix
Si le Shen logé au Coeur est faible il peut être utile de tonifier la VB (mouvement mère)
La dernière fonction de la VB est de contrôler les tendons en leur apportant du Qi: VB34
AUTRES RELATIONS
Rêves :
De combat, de suicide, de procès
D’humiliation, de marcher pieds nus
LES INTESTINS
Ce sont tous deux des entrailles, ils reçoivent les aliments et les boissons, les transforment et les éliminent
INTESTIN GRELE
Généralités
Appartient au mouvement Feu, mère d’Estomac et fils de VB
Au plan diagnostic: l’état des Intestins se lisent sur la langue au foyer inférieur à droite pour Ig et gauche pour GI
au niveau des pouls: Ig est situé au pouce gauche en superficie
Marée énergétique de 13h à 15h, après C et avant V
Lié Biao Li à Coeur
époux (c’est lui) épouse à GI
midi minuit à F
dans les grands méridiens appartient à Tai Yang avec V (le plus superficiel)
Fonctions
* Sépare le pur de l’impur
Après avoir reçu les aliments et boissons en décomposition en provenance de l’Estomac il sépare le pur (réutilisable) qu’il envoie à la Rate pour qu’elle puisse l’élever, de l’impur qu’il envoie au GI pour l’élimination sous forme de selles et à la Vessie pour l’excrétion sous forme d’urine (pathologie: diarrhée, borborygmes)
Cette fonction s’exerce sur les aliments et les liquides, IG participe donc au métabolisme des Jin Ye. Cette fonction sur la séparation des liquides pur / impur est contrôlée par l’action du Yang du Rein qui fournit le Yang et la chaleur nécessaire à cette séparation (pathologie: urines rares ou profuses selon si chaleur ou froid)
Cette fonction va se traduire sur le plan du psychisme par le discernement, la distinction bien / mal, la capacité de percevoir les éléments pertinents permettant de prendre une décision.
* Rêves:
Parasites intestinaux de petite taille: rêves de foules
Parasites intestinaux longs: rêves de bataille, de destructions mutuelles
Faiblesse d’IG: rêves de grande ville, de labyrinthe
Relations
Ig a des relations assez proches dans son fonctionnement avec Rte-E et GI pour les problèmes de selles; avec R et V dans les pathologies urinaires
Sa relation avec C est assez ténue et se manifeste principalement lorsque le Feu du C descend vers Ig et perturbe le foyer inférieur (cystite)
GROS INTESTIN
Généralités
Appartient au mouvement du Métal, mère de la Vessie, fils de l’Estomac
Marée énergétique de 5h à 7h, après P et avant E
Examen: langue cf Ig
pouls: au pouce à droite en superficie
Relation Biao Li avec Poumon
époux épouse (c’est lui) avec Ig
midi minuit avec Rein
grand méridien: Yang Ming avec E
Fonction
* Reçoit la fraction trouble des produits de transformation des aliments et des boissons et l’élimine après une réabsorption de l’eau envoyée vers la Vessie
S’il y a du pur qui n’a pas été réabsorbé par Ig alors GI peut l’absorber
* Rêves
vide: vastes prairies, étendues désertiques
Relations
C’est le Qi du P qui descend qui fournit au GI le Qi nécessaire à l’effort requis par la défécation. Si le Qi du P est insuffisant pour cet apport il y a constipation avec asthénie après les selles.
Si la fonction d’élimination des déchets de GI est insuffisante les aliments stagnent et peuvent entraver la fonction de diffusion descente du Poumon (dyspnée)

DIU 1° année ; CAPACITE 1° année
Dr ROMANO Laurence